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La Symphonie n° 5, lumineuse signature créatrice de Sibelius

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(1865-1957) considéra sa vie durant la composition avec un rare sérieux, une implication totale et une originalité indéniable. Sa Symphonie n° 5, lyrique, généreuse et addictive, magistrale, contraste avec la précédente sombre, mélancolique, elle aussi inoubliable.

Un maître finlandais et universel au sommet de son art

Le temps venu de s'impliquer dans la composition de son cinquième opus symphonique, genre où il se montre particulièrement personnel et inventif, la réputation de repose sur son inspiration concrétisée par sa traduction inspirée d'un puissant sentiment national s'inscrivant au sein d'un courant romantique tardif. Il évolue ensuite vers une création parfaitement singulière, plus dépouillée, plus intemporelle. La magique Symphonie n° 5 se situe à la frontière séparant ces deux épopées justement célèbres, marquantes et ineffaçables.

Né en 1865, comme le Danois , le Finlandais , après son perfectionnement à Berlin et Vienne, connaît assez rapidement un succès nordique puis international, en dépit de commentaires longtemps défavorables d'une partie de la critique professionnelle. Après l'impact de son puissant poème symphonique Kullervo (1891-1892) inspiré par la mythologie finnoise (en particulier les textes du Kalevala), il s'implique en faveur de l'indépendance (politique et linguistique) du grand-duché de Finlande placé sous la domination russe. Cette initiative rencontre un engouement contagieux et Sibelius, aux côtés d'autres nationalistes, devient un héros incontournable. Le succès enregistré par sa Symphonie n° 1 (1899) s'étend bien au-delà de la Finlande.

Après avoir beaucoup voyagé en Europe (et jusqu'aux États-Unis) il passe une grande partie de son existence au calme dans sa propriété de Ainola, non loin d'Helsinki.

Peu à peu ses musiques, initialement très populaires et adulées, adoptent un langage plus universel toujours hautement caractéristique et authentique, marquées parfois par un dépouillement assumé. Suivront des symphonies (n° 2, 1902), n° 3, 1907 ; n° 4, 1911 ; n° 6, 1923 ; n° 7, 1924), des poèmes symphoniques percutants, un inoubliable concerto pour violon, un quatuor à cordes introverti « Voces intimae », des pièces pour piano, des chansons…

Présentation de la Symphonie n° 5 de Sibelius

L'élaboration de sa Symphonie n° 4, dans une période personnelle difficile (tumeur de la gorge inquiétante) conduit à une musique sévère, introvertie, d'un abord plus difficile. Lui-même la qualifia d'œuvre « psychologique ». Ses contemporains s'interrogèrent sur la nature créatrice que pourrait adopter une éventuelle nouvelle symphonie.

À l'approche de son cinquantième anniversaire, en 1915, on organisa plusieurs manifestations et cet événement motiva une œuvre symphonique inédite à laquelle il attribua le numéro d'opus 82. L'écriture de cette nouvelle œuvre ne fut pas toujours facile et lui causa beaucoup de tracas ainsi qu'il le précisa en septembre 1914 : « Je suis de nouveau dans un abîme profond. Mais je commence à entrevoir les sommets qu'il me sera probablement donné de gravir un jour. » Néanmoins, il la considéra comme l'antithèse « psychologique » de la Symphonie n° 4 précisant qu'il ne souhaitait pas entrer dans « les replis infinis de l'âme ».

La première exécution publique se déroula le 8 décembre 1915 sous sa direction et enregistra d'emblée un formidable succès. Cependant le résultat le laissa quelque peu insatisfait, ce qui le poussa à fortement retravailler sa partition, Cette révision intéressa principalement les deux premiers mouvements dont il modifia les contrastes et d'autres paramètres. Cette deuxième version fut proposée une année plus tard au public de Turku, le 8 décembre 1916 et quelques jours après, le 14 décembre, à Helsinki. Les réactions plutôt mitigées de la presse le poussèrent à revoir son travail une nouvelle fois.

Finalement, le public helsinkien et la possibilité de découvrir cette ultime mouture se présenta lors d'un concert programmé le 24 novembre 1919. Le compositeur dirigeant une nouvelle fois l'Orchestre philharmonique de la capitale. C'est cette dernière variante que l'on propose le plus souvent aujourd'hui, tant au concert qu'à l'enregistrement.

Notons que la version originale obéissait à la structure suivante en quatre mouvements : 1 Tempo tranquillo assai, 2. Allegro commodo, 3. Andante mosso, 4. Allegro commodo-Largamente molto. La Symphonie n° 5 en mi-bémol majeur, métamorphosée, possède finalement trois mouvements : 1. Tempo molto moderato : Allegro moderato (ma poco a poco stretto), dans la tonalité de mi bémol ; 2. Andante mosso, quasi allegretto, dans la tonalité de sol majeur ; 3. Allegro molto – Un pochettino largamente. Également en mi bémol. Elle dure environ 31 minutes. L'effectif orchestral réclame 2 flûtes ; 2 clarinettes, 2 hautbois et 2 bassons : 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, pas de tuba ; timbales, pas de harpe ; familles des cordes.

La Symphonie n° 5 baigne dans un climat très éloigné de la morosité et de la sensation de désolation qui caractérisaient la précédente. Toutefois, elle ne donne aucunement dans une potentielle facilité et brille par la finesse de ses thèmes, la richesse de ses couleurs et son déroulé entraînant irrésistible et fascinant. Elle nécessita énormément de travail et de recherches de la part du compositeur. Si certains ont qualifié cet opus 62 de réaction au modernisme occidental, il se caractérise, selon nous, essentiellement par l'élaboration d'un langage hautement et profondément personnel et subtil, peu sensible aux sirènes de la modernité et totalement guidé par un esprit créateur subjectif et intime, non conformiste et exclusivement phénoménal.

La fascination du compositeur pour la nature, en particulier pour l'arrivée du printemps guide régulièrement ses élans créateurs et dans le cas qui nous occupe, il façonne le thème principal de sa symphonie après avoir observé, le 12 avril 1914, un vol de seize cygnes surgissant du lac pour entamer leur migration. Il note dans son journal qu'il vécut là « l'une de ses plus grandes expériences. » Cet épisode inspira le thème final de cette partition, une section legato confiée aux trompettes.

Symphonie la plus populaire de Sibelius, elle se situe assez clairement dans une lignée beethovénienne (on songe plus spécifiquement à la Symphonie n° 3 « Héroïque », à la tonalité de mi bémol majeur et à l'alternance d'optimisme exalté et de douleur violente) sans jamais se départir de l'esprit original et si personnel du maître finlandais.

Premier mouvement (environ 13')

Il résulte de la fusion des deux premiers mouvements de la première version aboutissant à une forme sonate libre associée à un scherzo. Son ouverture majestueuse est confiée aux vents (cors en pleine expansion et bois lumineux) et aux percussions, tous participants à la mise en place et au déploiement du thème principal amplement développé. Un intervalle typique de quarte à peine ébauché se fait entendre à la trompette. Peu après le flux musical s'élance, se transforme, se veut optimiste grâce à une mélodie défendue par les cors. La musique évolue inexorablement, avec rigueur et impression mystérieuse vers une polyphonie chromatique aboutie. Un basson plaintif et sinistre se fait entendre dans un tempo presto effréné.

Deuxième mouvement (8' environ)

Cet Andante repose sur une série de variations basées sur un thème à la fois clair et pastoral, non dépourvu de grâce, que l'on découvre après une courte introduction. La structure moins complexe que dans le premier mouvement lance des éclats lumineux dans la tonalité de sol majeur comme annoncé ci-dessus. Interviennent les pizzicati de cordes et les tierces de flûtes au-dessus d'un arrière-plan confié aux clarinettes, cors et bassons. Elle laisse entrevoir l'apparition d'une ère nouvelle. On y rencontre des pizzicati apaisés des cordes, des notes très brèves des bois et une atmosphère globalement pastorale et élégante.

Troisième mouvement (autour de 9')

Partie très intéressante et géniale du symphoniste Sibelius. Il débute par une sorte de murmure insistant résultant d'un tremolo obstiné et régulier des cordes, tour à tour discrète et téméraire. Il présente un second thème remarquable et décisif assuré par une sonnerie des cors, comparée pour certains au marteau du dieu Thor. Il délivre une musique exaltée et héroïque évoquant une fois encore une touche beethovénienne parfaitement négociée mais au-delà un véritable hymne à la vie. Un rythme ostinato intensifie cette impression tout comme l'impressionnant choral de cuivres imposant (thème dit des cygnes).

Dans cette ultime section assurée par les cordes, grandiose et enthousiaste, Sibelius lance un appel à la vie et invite au courage nécessaire face à la terreur que génère le spectre de l'agonie de l'existence. L'envol des cygnes, magiques et somptueux, marque un salut au mystère de la vie. Six accords lancés par l'orchestre, austères, brefs et détachés, ponctuent une dernière fois l'ultime passage des cygnes en route vers leur destin.

La Symphonie n° 5 de Sibelius, plus accessible que son obscure devancière, a gagné une immense popularité grâce à son équilibre merveilleux, à son lyrisme exquis et intense, à ses élans héroïques convaincants et à son imagination luxuriante toute de poésie.

Drastique sélection des références discographiques absolues :

Le catalogue de Jean Sibelius a stimulé une discographie très abondante et dans la très grande majorité des cas de très haute qualité. La Symphonie n° 5 n'échappe pas à cette règle et mériterait un texte spécifique. Nous avons sélectionné, parmi les enregistrements les plus récents et indispensables, les gravures incontournables.

Orchestre philharmonique d'Oslo, dir. , 2021, Decca

Orchestre symphonique de Göteborg, dir. Santtu-Matias Rouvali, 2018, Alpha-classics 645

Orchestre de Paris, dir. , 2015, RCA 1907592512

Berliner Philharmoniker, dir. Sir Simon Rattle, 2014, BPHR 150073

BBC Philharmonic, dir. John Storgårds, 2013, Chandos 10809

Orchestre symphonique de la ville de Birmingham, dir. Sakari Oramo, 2001, Erato 2564 66279-5

Quelques références bibliographiques :

CARON Jean-Luc, Jean Sibelius, L'Âge d'homme, 1997 ; Jean Sibelius, Actes Sud, 2005

HEPOKOSKI James, Sibelius. Symphonie n° 5, Cambridge Music Handbooks, 1993

VIDAL Pierre, Jean Sibelius, bleu nuit éditeur, collection Horizons n° 4, 2005

VIGNAL Marc, Jean Sibelius, Fayard, 2004

Jean Sibelius, The Finnish Club of Helsinki (Club finlandais d'Helsinki), sibelius.fi

Crédits photographiques : Vol d'un cygne © Image libre de droit

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