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Stuttgart. 9-VII-2024. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Il Trovatore, opéra en quatre actes d’après la pièce d’Antonio García Gutiérrez. Mise en scène : Paul-Georg Dittrich ; décor : Christof Hetzer ; costumes : Mona Ulrich. Avec : Ernesto Petti (comte de Luna), Selene Zanetti (Leonora), Kristina Stanek (Azucena), Atalla Ayan (Manrico), Simon Lim (Ferrando), Itzeli Jáuregui (Inez)… Chœur et chœur d’enfants de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Antonello Manacorda
La mise en scène de Paul-Georg Dittrich comme la direction d'Antonello Manacorda refusent le spectaculaire, mais on attend le grand frisson.
Il y a deux manières de monter Le Trouvère, si on tient à le mettre en scène : soit on renonce à donner du sens à cette histoire impossible, quitte à le masquer sous une débauche de costumes d'époque ; soit on s'interroge sur ce que les contemporains de la révolution industrielle, férus de science, de progrès et de technique, ont pu trouver dans les passions primitives qui s'y trouvent déployées. C'est ce qu'avait fait Olivier Py à Munich, pour une mise en scène qui est sans doute sa meilleure à l'opéra ; c'est aussi ce que tente de faire Paul-Georg Dittrich, avec une ambition qui l'honore, mais des moyens qu'on peine souvent à trouver adéquats. Le décor de Christoph Hetzer, cette boîte de bois sombre qui va en se rétrécissant, n'a pas beaucoup de personnalité ; on espère à chaque précipité qu'il va enfin évoluer, accompagner le parcours de l'œuvre et contribuer à créer du sens, en vain. Et pourtant, des précipités il y en a, surtout dans la première partie où aucune tension dramatique ne parvient à s'installer : à chaque précipité, une citation du livret s'affiche en gros sur le rideau de scène invariablement noir, et des voix enregistrées ânonnent des citations de Heiner Müller, figure tutélaire de la radicalité théâtrale en Allemagne même 30 ans après sa mort.
Entre ces moments d'une cruelle vanité, Dittrich construit une mise en scène heureusement un peu plus pertinente, qui plutôt que de chercher une cohérence à l'œuvre en explore les univers contradictoires, jouant avec gourmandise de la discontinuité et de l'invraisemblable : on y voit par exemple des images de l'enfance des deux rivaux, en quête des traumatismes qui les animent toujours à l'âge adulte, on y persifle (au début du troisième acte) avec efficacité les images guerrières du livret, on joue sur l'imaginaire de la marionnette y compris dans son aspect horrifique, y compris un moment de breakdance où le corps du danseur est comme empêché par sa nature hybride, mi-être vivant, mi-marionnette. Il y a de l'idée dans tout cela, et on regrette d'autant plus que le décor refuse de servir à cette diversité des horizons – et même quand il bouge enfin, à la toute fin du spectacle, ce n'est pas pour ouvrir un espace de liberté. Bien sûr, de précipité en précipité, Dittrich le meuble de façon toujours changeante, mais ces variations ne parviennent guère à construire un sens ou du moins un parcours. On comprend très bien la volonté de ne pas se laisser emporter dans la surenchère propre à l'œuvre, mais au fond le parcours un peu arbitraire que construit Dittrich finit par manquer de vie, et on finit par s'ennuyer un peu.
Avec Antonello Allemandi, l'Opéra de Stuttgart a choisi pour ce Trouvère un chef qui ne réduit pas l'orchestre à un rôle de faire-valoir des chanteurs. On ne peut pas dire qu'il parvienne à construire la tension dramatique que la scène nous refuse, mais au moins son attention délicate au son de l'orchestre, son refus de tout emportement et de toute vulgarité, son soin pour les chanteurs permettent à la soirée de garder toute sa dignité – mais on aimerait tout de même ne pas payer l'absence bienvenue de vulgarité par ce manque de théâtralité.
La distribution elle-même ne cherche pas le grand-guignol, à commencer par l'Azucena tout en finesse de Kristina Stanek, loin des habituelles caricatures poitrinantes : elle au moins rend justice au rôle le plus intéressant de l'œuvre, à ses traumatismes et à ses visions. Les trois autres titulaires des grands rôles, il faut bien dire, ne perdraient rien à un peu plus de brio. Selene Zanetti en Leonora a une vraie culture verdienne, une vraie probité musicale, et on lui est reconnaissant de ne jamais sacrifier les notes au grand geste musico-théâtral, mais on aimerait tout de même un peu plus de chair dans la voix. Quant aux deux hommes, ils restent à la marge de leur personnage : Ernesto Petti a un timbre agréable et beaucoup de délicatesse, mais son personnage ne prend pas forme ; Atalla Ayan, lui, est à l'aise dans les passages les plus lyriques de son rôle, mais il nous refuse tout élan héroïque. Il est en cela assez représentatif de l'ensemble de la soirée où les bonnes intentions affichées par tous ne parviennent pas vraiment à fructifier.
Crédits photographiques : © Matthias Baus
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Stuttgart. 9-VII-2024. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Il Trovatore, opéra en quatre actes d’après la pièce d’Antonio García Gutiérrez. Mise en scène : Paul-Georg Dittrich ; décor : Christof Hetzer ; costumes : Mona Ulrich. Avec : Ernesto Petti (comte de Luna), Selene Zanetti (Leonora), Kristina Stanek (Azucena), Atalla Ayan (Manrico), Simon Lim (Ferrando), Itzeli Jáuregui (Inez)… Chœur et chœur d’enfants de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Antonello Manacorda