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Hugues Dufourt, une certaine tonalité symphonique

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Hugues Dufourt (né en 1943) : « Surgir »

CD 1 : Surgir (1980-1984), L’Origine du monde (2004), On the wings of the morning (2011-2012). WDR Sinfonieorchester. Nicolas Hodges, piano. Remix Ensemble. Johannes Kalitzke, Peter Rundel, Ilan Volkov, direction. Enregistré à la Kölner Philharmonie (1, 3) et à la Theatersaall de Witten (2)

CD 2 : L’Afrique d’après Tiepolo (2004-2005), L’Asie d’après Tiepolo (2008-2009), L’Europe d’après Tiepolo (2010-2011), L’Amérique d’après Tiepolo (2015-2016). Ensemble Recherche : Jean-Pierre Collot, piano ; Martin Fahlenbock, flûtes ; Jaime González, hautbois, cor anglais ; Shizuyo Oka, clarinettes ; Christian Dierstein, percussion ; Melise Mellinger, violon ; Barbara Maurer, alto ; Åsa Åkerberg, violoncelle. Enregistré à la Stolberber Straẞe de Köln (1, 2) et au Hans-Rosbaud-Studio de Baden-Baden (3, 4)

CD 3 : La Cité des saules (1997), Hommage à Georges Nègre (1986), L’Île sonnante (1990), L’Atelier rouge d’après Matisse (2019-2020), L’Enclume du rêve d’après Chillida (2022). Yaron Deutsch, guitare électrique. Ensemble Nikel. WDR Sinfonieorchester. Mariano Chiacchiarini, Sylvain Cambreling, direction. Enregistré à la Kleiner Sendesaal, de la WDR Funkhaus de Köln (1, 3), à la Festsaal de Witten (4) et à la Klaus von Bismarck Saal de la WDR Funkhaus de Köln (5).

1 coffret de 3 CD bastille musique. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Deux portfolios et une partition (L’Enclume du rêve d’après Chillida). Durée : 73:31+ 91:38 + 78:01

 

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Événement ! le label bastille musique honore dans un coffret de 3 CD réunissant 12 œuvres écrites entre 1980 et 2022 et qui totalisent 4 heures d'écoute le long compagnonnage du compositeur avec l'orchestre symphonique du Westdeutscher Rundfunk (WDR), la radio basée à Cologne. L'occasion de se frotter longuement au promoteur de la musique spectrale.

Plutôt que de se lancer dans la brève description à la suite des 12 pièces réunies ici, il vaut peut-être mieux tâcher de dégager quelques traits communs, l'évolution stylistique d' restant d'ailleurs cohérente, comme on l'entend ici. Sans doute le titre du coffret, « Surgir », pourrait constituer un trait d'union entre ces différents morceaux, qui ont tous bien sûr leur originalité propre.

En effet, tout semble surgissement dans une musique privilégiant la dynamique ainsi que les « formes fluentes », « seuils », « oscillations », « interférences » et « processus orientés ». Évoquant son écriture pour l'orchestre, le compositeur témoigne encore de sa volonté de trouver « une grammaire adaptée à ce matériau explosif, instable ou évolutif ». Et de conclure : « Aucun des principes d'écriture issus du traitement des hauteurs ne résiste à la lave orchestrale. » La musique vient donc de l'orchestre, elle n'est pas composée pour lui. D'où la sensation permanente qu'un orchestre vivant produit tout ce que l'on perçoit. Et c'est ce que donne à entendre Surgir (1980-1984), où priment l'énergie et l'absence d'une véritable direction ou d'un résultat tangibles, ce qui doit orienter l'appréhension de l'auditeur, contraint de n'attendre rien. Dufourt, dans La Musique spectrale / Une révolution épistémologique, parle d'un « continuum glissant ». Cette horizontalité, cette longueur (presque 26 min) et cette objectivité distinguent ce morceau du Surgir de Claude Ledoux pour piano seul, beaucoup plus ramassé dans ses cascades et déflagrations, où le musicien insiste davantage sur la « souplesse agogique » avec laquelle surgissent et nous parviennent les événements qui transforment le monde, par ailleurs silencieux.

La plupart des pièces du coffret se rapportent au monde non musical, que ce soit la peinture (le cycle « Tiepolo » enregistré intégralement ici pour la première fois, L'Origine du monde, L'atelier rouge d'après Matisse), la sculpture (L'Enclume du rêve d'après Chillida [2022]), l'art grec ancien (On the wings of the morning), la littérature (L'Île sonnante), ou encore la photographie (Hommage à Charles Nègre, voire La Cité des saules si l'on considère que le guitariste Claude Pavy, auquel est dédié la pièce, et dont Dufourt aime le « son transparent », est aussi photographe. La musique de Dufourt n'est jamais descriptive, mais traduit une certaine émotion engendrée par la lumière, la moirure, les matières, le proche et le lointain. Une musique faite d'humeurs et de couleurs, mais ne qui cherche pas à séduire, qui est étrangère à toute dimension purement psychologique.

Dans le livret, Harry Vogt la qualifie d'archaïque et de sauvage. Sans doute. Mais il faut quand même rendre grâce à la science consommée des timbres et donc de l'utilisation des instruments. Cela est flagrant dans Surgir, où les bois et les cuivres sont groupés par quatre et où cinq percussionnistes jouent sur 36 instruments en tout. L'on se demande pourquoi sa création à Paris, le 13 février 1985, déclencha un véritable scandale dans le public, comme le rappelle Martin Kaltenecker dans le livret. Cela est évident bien sûr dans L'Asie d'après Tiepolo (2008-2009) et ses rins japonais, gongs philippins et gongs de l'Opéra de Pékin et de Thaïlande. Et cela va encore de soi dans toutes les pièces du CD 3 pour et avec guitare électrique (). C'est donc aussi une musique raffinée qui produit des effets : planante, irisée, volumineuse (La Cité de saules), exotique et presque rock (L'Île sonnante), mystérieuse, bruissante et colorée (L'Enclume du rêve d'après Chillida). Donc une musique séduisante quand même. Il suffit de se laisser porter par son flux et sa gestion de la discontinuité dans des milieux mobiles.

Pour toutes ces raisons, ce coffret est déjà une référence incontournable.

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Hugues Dufourt (né en 1943) : « Surgir »

CD 1 : Surgir (1980-1984), L’Origine du monde (2004), On the wings of the morning (2011-2012). WDR Sinfonieorchester. Nicolas Hodges, piano. Remix Ensemble. Johannes Kalitzke, Peter Rundel, Ilan Volkov, direction. Enregistré à la Kölner Philharmonie (1, 3) et à la Theatersaall de Witten (2)

CD 2 : L’Afrique d’après Tiepolo (2004-2005), L’Asie d’après Tiepolo (2008-2009), L’Europe d’après Tiepolo (2010-2011), L’Amérique d’après Tiepolo (2015-2016). Ensemble Recherche : Jean-Pierre Collot, piano ; Martin Fahlenbock, flûtes ; Jaime González, hautbois, cor anglais ; Shizuyo Oka, clarinettes ; Christian Dierstein, percussion ; Melise Mellinger, violon ; Barbara Maurer, alto ; Åsa Åkerberg, violoncelle. Enregistré à la Stolberber Straẞe de Köln (1, 2) et au Hans-Rosbaud-Studio de Baden-Baden (3, 4)

CD 3 : La Cité des saules (1997), Hommage à Georges Nègre (1986), L’Île sonnante (1990), L’Atelier rouge d’après Matisse (2019-2020), L’Enclume du rêve d’après Chillida (2022). Yaron Deutsch, guitare électrique. Ensemble Nikel. WDR Sinfonieorchester. Mariano Chiacchiarini, Sylvain Cambreling, direction. Enregistré à la Kleiner Sendesaal, de la WDR Funkhaus de Köln (1, 3), à la Festsaal de Witten (4) et à la Klaus von Bismarck Saal de la WDR Funkhaus de Köln (5).

1 coffret de 3 CD bastille musique. Notice de présentation en français, anglais et allemand. Deux portfolios et une partition (L’Enclume du rêve d’après Chillida). Durée : 73:31+ 91:38 + 78:01

 
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