La Scène, Spectacles divers

Les Harmonies Werckmeister de Thom Luz, en quête de l’accord parfait

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Berlin. Staatsoper (Apollosaal). 1-VII-2024. Werckmeister Harmonien, théâtre musical de Thom Luz. Mise en scène, décor : Thom Luz ; costumes : Tina Bleuler. Musique : Charles Ives, Johann Sebastian Bach, Heinrich Schütz, Andreas Werckmeister… Avec Annalisa Derossi, Mara Miribung, Daniele Pintaudi, Samuel Streiff, Mathias Weibel

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A Berlin, un moment de théâtre suspendu fait son miel des secrets de l'écoute musicale.

n'est guère connu en France, mais ce metteur en scène suisse mériterait pourtant bien l'attention des mélomanes français : il ne s'est certes pas (encore ?) essayé à la mise en scène lyrique, mais ses spectacles sensibles et intelligents font souvent de la musique l'objet même de son théâtre. Ici, il s'intéresse à la figure d'Andreas Werckmeister (1645-1706), expert ès orgues et prolifique théoricien du tempérament, inlassablement préoccupé de concilier réflexions théologiques sur la perfection de la création divine, cosmologie et théorie musicale, entreprise d'autant plus ardente qu'elle est impossible. Luz aborde la question par le travail quotidien des accordeurs de piano, les premiers concernés par les apories imposées par les lois de la physique à notre goût pour l'ordre et l'égalité.

Le spectacle et son programme imprimé ne font pas référence au roman La mélancolie de la résistance de Laszlo Krasznahorkai, dont la partie centrale est elle aussi intitulée Les Harmonies Werckmeister en référence à l'un des personnages du roman qui se réfugie dans les mêmes questions théoriques pour échapper à la déréliction ambiante ; la création récente de l'opéra homonyme de Marc-André Dalbavie est pourtant une bonne occasion pour reprendre ce spectacle créé en 2022.

Cinq acteurs pour douze pianos droits, sans oublier un orgue portatif et un clavecin sans son piétement : le grand foyer de la Staatsoper, seule partie du bâtiment rescapée des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, a pour nom Apollosaal, autrement dit salle d'Apollon, un nom prédestiné aux confins entre les arts (Apollon le Musagète) et le cosmos (Apollon le dieu solaire), ce qu'on ne manque pas de nous rappeler. La musique n'y est certes pas au premier plan comme on en a l'habitude à l'Opéra, même si le programme détaille une longue série d'œuvres dont on n'entend à vrai dire que des fragments pas toujours très identifiables. En racontant le quotidien des accordeurs, leur recherche pragmatique d'une perfection qui n'est jamais que relative et ancrée dans l'instant, Luz nous parle pourtant de cette fragilité propre à l'émotion musicale, toujours impalpable et peu susceptible de se laisser capturer par les mots (tout critique en sait quelque chose). La délicatesse de son humour, la tendresse du regard, la simplicité raffinée des moyens scéniques employés, tout cela fait de ce moment un peu suspendu un pas de côté bienvenu dans le quotidien des mélomanes, qui invite non seulement à prendre conscience du bonheur que procure la musique, mais encore à approfondir l'écoute pour pénétrer jusqu'aux structures profondes de la musique. Les cinq interprètes offrent cette merveille de théâtre musical avec un humour tout en légèreté, avec juste ce qu'il faut de distance, et une musicalité qui n'est jamais en défaut, même pour chanter Schütz : on ne dira jamais assez à quel point on peut dire des choses profondes, au théâtre, sans céder à l'esprit de sérieux.

Crédits photographiques : © Gianmarco Bresadola

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Berlin. Staatsoper (Apollosaal). 1-VII-2024. Werckmeister Harmonien, théâtre musical de Thom Luz. Mise en scène, décor : Thom Luz ; costumes : Tina Bleuler. Musique : Charles Ives, Johann Sebastian Bach, Heinrich Schütz, Andreas Werckmeister… Avec Annalisa Derossi, Mara Miribung, Daniele Pintaudi, Samuel Streiff, Mathias Weibel

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