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L’EIC à Aix : Folie et Furie sous le ciel de Provence

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Aix-en –Provence. Festival d’Aix-en-Provence. 5-VII-2024. Diana Soh (née en 1984) : I linger lately beyond my time; pour 7 instruments et voix ; texte de James R. Currie (CM) : Rebecca Saunders (née en 1967) : Fury II, pour contrebasse solo et petit ensemble ; Peter Maxwell Davies (1934-2016) : Vesali icones, pour violoncelle solo et petit ensemble. Claron McFadden, soprano ; Nicolas Crosse, contrebasse ; Eric-Maria Couturier, violoncelle ; Ensemble Intercontemporain, direction : Sora Elisabeth Lee

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Avec la fraicheur du soir et les nuées de martinets dans le ciel d'Aix-en-Provence, l' sous la direction de la cheffe coréenne s'est installé dans la cour de l'Hôtel Maynier d'Oppède pour un concert en plein air faisant la part belle au théâtre musical.

Aux côtés des sept solistes de l'EIC, la soprano est l'héroïne dans I linger lately beyond my time (« je demeure encore au-delà de mon temps »), la pièce donnée en création mondiale de la compositrice . L'idée est de répondre aux Eight Songs for a Mad King de (à l'affiche du festival le lendemain) en donnant la parole à la reine Charlotte de Mecklembpurg-Strelitz, « mère de treize enfants et mécène des amateurs d'art et de musique au siècle des Lumières où la raison et la liberté de pensée sont des valeurs précieuses et élevées », nous dit la compositrice. Le texte en anglais a été écrit sur mesure par le librettiste et fidèle collaborateur James R. Curry, assis dans les rangs du public au côté de . C'est un long poème non dénué d'humour où Charlotte exprime son « ras-le-bol » (too much !). Sa voix de vieille femme, saine et lucide, s'élève au nom de la liberté et de la visibilité de ses semblables : « Ils aiment leurs femmes folles […] Je chante ce chant pour vous faire entendre / Combien cette folie transpire la lucidité ».

tient la scène, agitée et habitée par son texte, explorant tout le registre des émotions, du râle au cri, du sprechgesang à l'effusion lyrique, jusqu'aux borborygmes très drôles lorsqu'elle imite les « folles » à l'opéra, « sautant dans les brasiers / par la fenêtre / éclaboussée de sang… ». L'écriture instrumentale, agitée elle aussi, est au service du texte, épousant les inflexions de la voix qu'elle amplifie et prolonge. On voit le violoncelliste passer sur les cordes de son instrument, un bâton (Dino bow) sur lequel sont collés de nombreux médiators afin d'obtenir l'effet de plusieurs pizzicati très rapides. La trompette cachée, que l'on entend au-dessus de nos têtes – l'idée fonctionne à merveille dans ce contexte de plein air – véhicule à chacune de ses interventions une charge émotionnelle singulière, ajoutant au fil dramatique une autre strate temporelle. D'une fulgurance rare, le monodrame qui ne dure que douze minutes concentre à lui seul toute la matière d'un opéra !

 

On reste dans le même registre avec Fury II (2009), pour contrebasse solo et ensemble de mettant sur le devant de la scène et son instrument à cinq cordes rejoint par cinq instrumentistes (clarinette basse, percussion, accordéon, piano et violoncelle), Fury II étant l'agrandissement d'un solo originel.

Il n'y a pas de texte pour exprimer « ce déchaînement d'une violence extrême » mais une musique énergétique, hérissée d'impacts percussifs, où alternent surgissements sonores et silences abyssaux. Rien ne saurait déstabiliser sur un instrument qu'il maîtrise avec autant de virtuosité que de finesse, donnant toute la mesure de son art dans cette pièce ménageant tension et discontinuité, raucité sombre et blocs éruptifs.

 

Écrit la même année que Eight songs for a Mad King, Vesalii Icones (1969) de l'iconoclaste clôt la soirée. Le compositeur s'inspire des planches qui illustrent les sept livres du De humani corporis fabrica (1543) d'André Vésale, professeur d'anatomie à Padoue puis médecin à la cour de Padoue. Dans Vesalii Icones, le compositeur associe ces dessins aux quatorze stations du Chemin de croix, une passion du Christ incluant la Résurrection, « celle, non du Christ mais de son double noir, l'Antéchrist, déclinaison de l'anti-messie », nous dit Laurent Feneyrou dans les notes de programme. Il met en vedette le violoncelle solo d'Eric Maria Couturier entouré de cinq instrumentistes (flûte, clarinette, piano, alto et percussions) au sein d'une écriture polystylistique ménageant surprises et coups de théâtre. Jouant beaucoup dans les cordes de son piano, a également un petit clavier électronique à sa droite, et, derrière lui, deux longs bâtons de bois qu'il percute occasionnellement avec des baguettes. Il revient à , entouré d'un important set de percussions, de signaler chaque étape du chemin de croix avec ses sonnailles, l'instrument du rituel. Quant au violoncelle, il fait office de guide, sorte de « coryphée » essentiellement expressif dont le lyrisme n'est pas sans évoquer le concerto de Dutilleux, Tout un monde lointain, écrit cependant l'année suivante ! On y apprécie les qualités de jeu de l'interprète dont l'archet éminemment libre et la sonorité ductile et rayonnante nous comblent. Au mitan de l'œuvre, la cheffe quitte son podium pour s'installer devant un piano droit trônant à sa droite, piano bastringue sur lequel elle fait résonner les accords d'un vieux ragtime aimé du compositeur avant de regagner son poste. On a du coup perdu le fil de la narration et en l'absence de « poteaux indicateurs » l'écoute se lasse un rien. L'effectif de l'œuvre à sa création mentionnait la présence d'un danseur, une dimension visuelle qui nous a peut-être manqué ce soir pour appréhender l'œuvre dans sa totalité.

Crédit photographique : ©

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