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Ivor Bolton magnifie Idomeneo à l’Opéra de Munich

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Munich. Nationaltheater. 5-VII-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, opéra en trois actes sur un livret de l’abbé Varesco. Mise en scène : Antú Romero Nunes. Chorégraphie : Dustin Klein. Décors : Phyllida Barlow. Costumes : Victoria Behr. Avec : Pavol Breslik, Idomeneo ; Emily D’Angelo, Idamante ; Hanna-Elisabeth Müller, Elettra ; Olga Kulchynska, Ilia ; Jonas Hacker, Arbace. Chœur de l’Opéra national de Bavière. Orchestre national de Bavière, direction : Ivor Bolton.

Reprise d'une mise en scène oubliable, la soirée vaut surtout pour l'admirable Idamante d'Emily D'Angelo.


Comme Le Nozze di Figaro mis en scène par Christof Loy, la nouvelle production d'Idomeneo à Munich, en 2021, avait été entachée par la direction bruyante et incohérente de Constantinos Carydis. Heureusement, le festival d'été aura permis, pour Les Noces comme pour Idomeneo, de donner la parole à un vrai chef mozartien, : lui qui dirige depuis vingt ans les meilleures représentations mozartiennes de Munich n'a plus eu droit à une première mozartienne dans la maison depuis près de quinze ans. Il dirige un Mozart d'aujourd'hui, vigoureux et allant, sans excentricité, mais avec un sens de la polyphonie qui suscite toujours l'admiration : c'est aussi visible qu'audible, il se régale avec l'admirable écriture mozartienne pour les vents, cette petite harmonie gourmande et parfaitement équilibrée, ces cuivres présents juste ce qu'il faut. Sans doute Bolton n'est-il pas un chef spectaculaire à la Carydis, à la Currentzis, mais il est peut-être le meilleur mozartien d'aujourd'hui.

La mise en scène n'a pas changé en trois ans : on admire les structures construites par la plasticienne Phyllida Barlow, entre archaïsmes puissants et déglingue contemporaine, mais on regrette l'absence de perspective sur l'œuvre du metteur en scène qui ne parvient pas à les intégrer à un parcours scénique : les chanteurs agissent au premier plan, et ce n'est que par un effort d'abstraction qu'on parvient à en saisir la beauté. Ce qui a changé en trois ans, c'est d'abord le lieu : il est fort heureux que la production créée au remarquable Prinzregententheater construit par Max Littmann n'y soit pas restée oubliée comme tant d'autres productions estivales (ces stupéfiantes Indes Galantes, cet Orfeo tétanisant à force de beauté pure, ou ce merveilleux Orlando Paladino dont la reprise a été victime de la pandémie) : Idomeneo devrait être omniprésent dans la ville qui en a accueilli la création à quelques mètres du Nationaltheater actuel, mais il s'y fait rare, et quelles que soient les faiblesses de cette mise en scène on espère qu'elle continuera à être donnée. Avec plus de trois heures de musique, elle a au moins le mérite de ne pas céder à la facilité des coupures, que ce soit pour le ballet donné ici à la fin de la soirée ou pour les airs.

Ce qui a changé aussi est la distribution masculine : les airs d'Arbace ne sont pas coupés, et c'est heureux car s'y montre à la fois soucieux de faire ressortir leur fonction dramatique et d'une grande probité stylistique. Les choses sont plus compliquées pour le rôle-titre, où succède à Matthew Polenzani. Le timbre et le style de Breslik marquent un progrès incontestable par rapport à son devancier, mais les vocalises sont souvent esquissées plus que parcourues avec la précision qu'on aimerait y entendre.

La distribution féminine, elle, est restée identique : ne nous convainc pas ici autant qu'il y a trois ans, et a décidément la voix d'Ilia plus que celle d'Elettra, ce qui ne diminue en rien sa musicalité et son sens de la phrase mozartienne. C'est donc cette fois encore Emily D'Angelo qui domine la soirée, avec son mezzo androgyne et frémissant, et on se réjouit particulièrement que la production lui fait chanter l'air de concert Ch'io mi scordi di te KV. 505, dont elle fait une fête vocale mais aussi un moment fort dans la construction du personnage : on l'entend souvent comme une élégie, il est ici proprement déchirant. Artiste singulière, D'Angelo aime sortir des sentiers battus, ce qui n'est jamais un mal, mais il faut espérer qu'elle continuera aussi à faire vivre le grand répertoire comme elle le fait ici.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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Munich. Nationaltheater. 5-VII-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Idomeneo, opéra en trois actes sur un livret de l’abbé Varesco. Mise en scène : Antú Romero Nunes. Chorégraphie : Dustin Klein. Décors : Phyllida Barlow. Costumes : Victoria Behr. Avec : Pavol Breslik, Idomeneo ; Emily D’Angelo, Idamante ; Hanna-Elisabeth Müller, Elettra ; Olga Kulchynska, Ilia ; Jonas Hacker, Arbace. Chœur de l’Opéra national de Bavière. Orchestre national de Bavière, direction : Ivor Bolton.

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