Montpellier Danse s’achève avec Cunningham et Preljocaj

Clap de fin pour le festival Montpellier Danse avec la stimulante soirée Cunningham du CCN Ballet de Lorraine, une performance de Daina Ashbee et le triomphe du Requiem(s) de Preljocaj, après sa création à Aix-en-Provence en mai dernier.

CCN Ballet de Lorraine :  Soirée Merce Cunningham

Tout le petit monde Cunninghamien est réuni à l'Opéra Comédie de Montpellier pour cette unique date avant la reprise cet hiver à Nancy et Forbach. L'événement est de taille ! CRWDSPCR, la pièce écrite en 1993 par Merce Cunningham est aujourd'hui transmise pour la première fois à une autre compagnie que celle de Merce Cunningham, en l'occurrence au CCN Ballet de Lorraine, complétant ainsi les pièces, RainForest, Fabrications et Sounddance figurant déjà au répertoire de la compagnie.

30 ans avant le développement de l'intelligence artificielle, Merce Cunningham utilisait déjà une nouvelle technologie dans la danse avec le logiciel Life Forms. Cette chorégraphie assistée par ordinateur (CAO) lui permettait de concevoir aléatoirement des mouvements que les danseurs devaient reproduire. S'ils puisaient dans le corpus/vocabulaire gestuel de Cunningham, certains de ces pas semblent aujourd'hui périlleux, difficiles, voire infaisables, qui plus est à un rythme infernal. Peut-on parler de virtuosité dans le style Cunningham ? Oui, sans doute, tant la jeunesse et la souplesse de ces danseurs leur permettent de se couler dans le moule du chorégraphe américain.

C'est aussi grâce à l'ordinateur et avec une musique mixée en direct que le foisonnant RainForest a été composé. Les Silver Clouds, oreillers argentés d'Andy Warhol, gonflés à l'hélium et suspendus dans les cintres, ajoutent une dimension futuriste à ce ballet. La musique de jungle tropicale est emplie de sons d'oiseaux et il faut beaucoup de talent aux interprètes pour s'y retrouver dans les comptes et la difficulté des pas, les changements de direction et les enchaînements complexes. L'ensemble est très bien exécuté et les danseurs excellent dans cette pièce de 1968 qui semble tout juste avoir été créée.

La soirée s'achève avec l'éblouissant Sounddance, chorégraphié en 1975, un jaillissement de corps et une chorégraphie sophistiquée, basée sur le jeu. Les danseurs entrent et sortent par un rideau drapé et doré, totalement baroque, qui obstrue le fond de scène. Duos, trios, quatuors, quintettes se recomposent en permanence, avec des portés athlétiques, des enchaînements ultra techniques et une virtuosité assumée par les danseurs du CCN.

Cette soirée de très haut niveau prouve la pertinence de la mission de compagnie de répertoire confiée au CCN Ballet de Lorraine dans son cahier des charges. Le répertoire de Cunningham y est entre de bonnes mains. Un point d'orgue à mettre au crédit de Petter Jacobsson et Thomas Caley qui tiennent avec brio cette compagnie depuis 2011. Ils vont en passer les rênes à Maud Le Pladec en 2025.

Daina Ashbee : We learned a lot at our funeral

C'est à une performance tant vocale que chorégraphique que nous convie la Canadienne Daina Ashbee, qui a bénéficié pour cette création d'une résidence au CCN de Montpellier. La performeuse et son équipe ont souhaité s'inspirer de nombreux rituels de funérailles pour une méditation sur la mort.

Sur un sol sablonneux, dans une obscurité presque complète, c'est un rituel très proche de ceux figurés par le Butoh que la danseuse de break Momo Shimada déploie, corps recroquevillé et quasi nu. Le croisement de cette esthétique minimaliste et du break forme un mélange étonnant et abrasif qui s'étire pendant plus d'une heure. Pendant ce temps, Daina Ashbee rampe dans le sable, s'assoie encore pleine de sable parmi les spectateurs, parcourt les gradins puis se lance dans une incantation macabre et effrayante, comme si elle hurlait à la mort. L'ensemble est assez terrifiant et glaçant !

Angelin Preljocaj : Requiem(s)

En clôture de ce 44e festival Montpellier Danse, qui sera l'avant-dernier piloté par Jean-Paul Montanari, le maire de Montpellier, Michaël Delafosse a profité de la conférence de presse du bilan du festival pour annoncer la création d'une nouvelle structure pour gérer la danse à Montpellier. Le Centre Chorégraphique National de Montpellier (CCN) dont le mandat de Christian Rizzo arrive à expiration et l'association Montpellier Danse, productrice du festival, seront fusionnés dans cette nouvelle structure sans toucher aux budgets, ni aux équipes. Un appel à projets va être lancé d'ici septembre pour une mise en place début 2025.

Jean-Paul Montanari a également levé le voile sur les contours de la 45e édition, dont la programmation est presque achevée. L'ouverture sera confiée à Salia Sanou et la fermeture à Mourad Merzouki, qui remplit sans difficultés quatre soirées au Corum. Angelin Preljocaj a fait presque aussi fort avec Requiem(s), sa création 2024 à laquelle 2 100 spectateurs ont fait une ovation trois soirs de suite. Un spectacle très fort et puissant qui a encore mûri depuis sa création à Aix-en-Provence en mai 2024 et les premières dates de tournée, notamment à La Villette à Paris en juin.

Crédits photographiques : CCN-Ballet de Lorraine © Laurent Philippe ; Ballet Preljocaj : © Didier Philispart

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