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Anne Teresa De Keersmaeker revisite Les Quatre Saisons

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Marseille. Le ZEF. 29-VI-2024. Dans le cadre du Festival de Marseille. Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga/ Rosas, A7LA5 : Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione. Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga. Créé avec et dansé par Boštjan Antončič, Nassim Baddag, Lav Crnčević, José Paulo dos Santos. Musique : Antonio Vivaldi, Le quattro stagioni (enregistrement : Amandine Beyer, Gli Incogniti, Alpha Classics/Outhere Music 2015). Analyse musicale : Amandine Beyer. Poèmes : Asmaa Jama, ‘We, the salvage’. Scénographie et lumière : Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga. Costumes : Aouatif Boulaich. Direction des répétitions : Eleni Ellada Damianou.

Marseille. Le ZEF. 29-VI-2024. Dans le cadre du Festival de Marseille. Nivine Kallas : FāSL. Chorégraphie et performance : Nivine Kallas. Dramaturge : Mounzer Baalbaki. Visuel : Joe el Hajj

La chorégraphe et son collaborateur ont choisi Les Quatre Saisons de Vivaldi comme cadre de leur nouvelle création en commun, un quatuor masculin baptisé Il cimento dell'armonia e dell'inventione. Également en première française dans le cadre du , la chorégraphe Nevine Kallas.


Cela fait précisément trois siècles que Vivaldi a composé Les Quatre Saisons, en Méditerranée, une région à la croisée de différents continents. C'est donc à Marseille, que la nouvelle pièce d' et a été donnée en première française après sa création le 11 mai dernier chez dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts. Les deux créateurs ont choisi l'enregistrement réalisé en 2015 par , partenaire régulière de la compagnie , comme support à une réflexion sur le respect par l'homme de la nature et de son rythme naturel.

Il cimento dell'armonia e dell'inventione (L'Épreuve de l'Harmonie et de l'Invention) est le titre d'un ensemble de douze concertos écrits par pour violon solo, cordes et basse continue. Les quatre premiers sont connus sous le nom Les Quatre Saisons (Le quattro stagioni). Ce morceau emblématique du répertoire musical mondial est dans toute les têtes lorsque démarre le spectacle, mais la musique ne se laisse cependant livrer qu'avec parcimonie et l'essentiel de l'ouverture se déroule dans le silence, sous la lumière orangée d'un projecteur quasi unique, avec le solo de , vu récemment dans Cosi fan tutte à l'Opéra Garnier. Puissant et massif, le danseur court, vole, cavale, tourne, maîtrisant à la fois le temps et l'espace du plateau du ZEF, scène nationale de Marseille, sur la hauteur des quartiers Nord. Il est bientôt rejoint par trois interprètes masculins, qui prennent chacun possession du plateau.

Quand la musique jaillit, elle retrouve sa puissance originelle et son originalité, en étant confrontée au corps de ces quatre interprètes très différents. Quand elle se tait, par à-coups, la musique ressurgit par d'autres moyens : en sifflant, en tapant des pieds, avec des claquements de doigts ou des néons qui clignotent pour marquer le rythme. Un conseil ! Écoutez bien Les Quatre Saisons avant de venir voir le spectacle, pour l'avoir en tête et reconstituer mentalement la partition et ses parties manquantes.

Les saisons se succèdent, évoquées tour à tour par des gestes ancestraux et sereins. En majesté pour le printemps, les danseurs dessinent à l'unisson une boucle infinie, avec une tenue du corps très baroque. L'allusion à l'été est ténue et subtile : le geste du semeur, évoqué au printemps, laisse la place à celui du faucheur de blé, qui s'arrête pour boire de l'eau au creux de ses mains ou faire la sieste sous un arbre. Lorsque reviennent l'automne et ses lumières orangées, la sauvagerie se déchaîne, avec des gestes de chasseurs et des cris de bêtes.

La pièce assume d'avoir un regard exclusivement masculin sur ces chasseurs-cueilleurs, et leur rapport à la nature, que les deux chorégraphes entendent défendre comme un plaidoyer environnemental. Elle décrit des situations que seuls les hommes connaissent, du moins à l'époque du compositeur : être ivre et se bagarrer en sortant de la taverne, faire une course à cheval ou avoir la gueule de bois.

Pourtant, le féminin et la sensualité affleurent partout dans la danse. est bouleversant dans son manteau de voile rose, préfère tourner sur la tête qu'enchaîner comme les autres les déboulés, à la manière des derviches tourneurs. apparaît comme le danseur le plus sobre à l'élégance discrète.

Revêtus pour la partie finale des chemises de voile imprimées d'oiseaux et de poissons, les quatre se lancent dans une course de patins à glace sur un lac gelé lorsque l'hiver s'installe. On se croirait dans un tableau flamand, c'est très beau…

: FāSL

La Libanaise réinvente la danse orientale dans une performance très écrite, sous la forme d'une répétition intime. Casque entourant la tête comme une couronne, la danseuse associe dans sa nouvelle création, FāSL, musique arabe classique, gestes et signes chorégraphiques, dont se couvre l'écran blanc placé derrière elle.

D'une grande élégance, son mouvement est pur. Elle fait preuve d'une rigueur absolue, dans ce qui semble être un temps de travail, car on ne voit pas de correspondance logique entre les signes qui s'inscrivent à l'écran et la chorégraphie déployée devant nous. À intervalles réguliers, elle s'approche de son ordinateur pour enclencher de nouveaux morceaux, une recherche qui laisse parfois échapper des bribes de publicités radiophoniques. Elle s'essuie régulièrement le visage avec une petite serviette éponge et s'en va.

Visage fermé, elle reste hiératique et décroche difficilement un sourire à la fin des saluts, mais elle semble sincèrement touchée par l'accueil reçu du public pour cette première européenne. C'est une personnalité qui semble avoir une vie intérieure très intense et qui pousse l'exigence de sa recherche personnelle au maximum.

Crédits photographiques : © Anne Van Aerschot ; © Vicken Avakian

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