Festival Jogging : art et sport à l’unisson pour les JO2024

Le festival Jogging revient au Carreau du Temple pour une quatrième édition à l'aube des JO 2024. Cette année, spectacle vivant et sport sont plus que jamais à l'unisson avec deux reprises de Yuval Pick et Michael Phelippeau et Goal, une épatante création d'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux.

Acta est fabula : Yuval Pick

Reprise pour commencer la soirée d'Acta est fabula, une proposition vocale et chorégraphique de Yuval Pick, directeur du CCN de Rilleux-la-Pape. Cette performance ogresque au premier abord utilise tous les registres de la représentation. Le premier solo furieux se transforme progressivement en quintette tonique et humoristique sur le thème un peu lointain du sport. Entre pop, rock et disco, cette pièce ultra énergique déconstruit les stéréotypes autour des hymnes nationaux et des chansons de supporters que l'on entend au moment des compétitions sportives. Elle le fait sous le signe du burlesque et avec un engagement exemplaire des danseurs, tous formidables dans leurs costumes colorés de super-héros ou de super-héroïnes, pour des solos ou ensembles très ajustés.

Le caractère décousu de la pièce désarçonne cependant un petit peu, faute d'une narration très lisible, qui nécessite de faire l'effort de reconstituer ce qui manque. Mais dans l'enthousiasme, le sport, avec ses moments de gloire, triomphants ou solennels, reprend alors le dessus.

Goal, fantaisie pour passement de jambes : Fattoumi-Lamoureux

Après Discofoot l'an dernier au même endroit, c'est un nouveau match de foot qui se joue avec la création de Goal, fantaisie pour passement de jambes du duo de chorégraphes Fattoumi et Lamoureux qui sera en tournée dès cet été, notamment au stade Bonal du FC Sochaux-Montbéliard, où a été enregistrée la bande son dans le cadre d'un partenariat entre le club sportif et le CCN Bourgogne-Franche-Comté qu'ils dirigent à Belfort.

Sur le terrain, six joueurs et joueuses, la tête masquée par un ballon et le torse plastronné d'hexagones blanc et noir. L'entraînement se déroule en silence, dans le crissement du cuir, tandis que les coaches Héla Fattoumi et Éric Lamoureux observent les joueurs depuis le banc de touche. Sur un air de samba, les joueurs se lancent dans des dribbles endiablés et des passes de ballon, sous les coups de sifflet de l'arbitre et les clameur des spectateurs. Ça y est, l'ambiance chauffe dans le stade, et les joueurs troque les crampons malcommodes pour des baskets plus confortables. Dernières consignes des coaches, derniers encouragements, le match peut commencer.

Pour mettre en scène ce spectacle, les deux chorégraphes ont procédé à un décryptage attentif des attitudes corporelles des joueurs sur le terrain, qu'ils soient dans l'attention, dans l'action, dans l'invective ou la protestation. Comme en arrêt sur image, la solitude du gardien de but, l'ailier droit qui s'ennuie, l'attaquant qui fait son show permanent prennent vie sous nos yeux. À la mi-temps, les coaches actionnent la corne de brume et les spectateurs font la holà dans une ambiance survoltée. Preuve qu'à partir de ce matériau de gestes ultra codifiés, lié au jeu, l'écriture peut être très inventive et proposer un autre regard.

Les deux chorégraphies utilisent, comme à la télé, le ralenti ou l'accéléré, pour illustrer un moment de jeu, un accident ou une blessure. L'ensemble est très drôle ! L'on s'aperçoit alors que les joueurs de foot sont de très grands comédiens, presque des tragédiens… Dans le public, des Indiens, des Brésiliens, de passage à Paris, rient à gorge déployée, retrouvant ce langage universel et familier du football dans ses mimiques de douleur ou de colère. Le coup de boule de Zidane, immortalisé par Adel Abdemessed est aussi de la partie.

Rien n'est oublié, ni le ballet façon sémaphore des arbitres avec leur sifflet, connectés via l'oreillette, les tirs au but et leurs inévitables contestations, la joie de la victoire ou la deuxième vocation du stade qui est d'accueillir parfois des méga concerts de rock. « We are the champions ! » Drôle, ludique, malin, sans se prendre trop au sérieux, bienvenue au VIA football club.

Majorettes : Mickael Phelippeau

Le personnage principal de Majorettes, le projet chorégraphique de Mickaël Phelippeau créé lors du festival Montpellier Danse 2023, c'est Josy, capitaine des majorettes de la ville de Montpellier depuis 60 ans. C'est en effet en 1964 que 48 majorettes se sont élancées pour la première fois pour une fête de village, sous la direction de sa maman institutrice.

On est ému et touché de voir ces femmes, dont certaines sont septuagénaires, manier le bâton avec autant d'habileté que lorsqu'elles étaient adolescentes. Sourire large et bonne humeur communicative, les Major's Girls de Montpellier ont encore de beaux restes ! Chignons postiches permanentés, bottes blanches et collants chair, elles défilent en cadence comme l'ont popularisé les films de Bruno Dumont. Elles n'ont rien perdu de la cadence des défilés, ni de leur savoir-faire, même s'il faut parfois se pencher pour ramasser le bâton tombé à terre. Ce spectacle touchant est cependant beaucoup plus qu'une démonstration de spectacle populaire, c'est aussi le portrait de ces femmes, découvrant les majorettes dans les années 60, se transmettant la passion de mère en fille, et découvrant grâce à ce groupe des pays inconnus, de l'Espagne aux États-Unis, en passant par Tibériade.

Au micro, puis en voix off, elles racontent leur émerveillement, dansant les défilés et les paillettes, mais aussi la sororité, ces histoires de femmes, avec une générosité, une convivialité et une bonne humeur toute méridionale qui redonne de l'espoir.

Crédits photographiques : Goal, fantaisie pour passement de jambes © Laurent Philippe