Anniversaire Fauré à Radio France : le Requiem par l’ONF et Cristian Măcelaru
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Paris. Maison de la radio et de la musique, Auditorium. 20-VI-2024. Martin Matalon (né en 1958) : Relatos ; Gabriel Fauré (1845-1924) : Requiem. Edwin Crossley-Mercer, baryton. Lucile Dollat, orgue. Chœur de Radio France (cheffe de chœur : Maria Forsström). Maîtrise de Radio France (cheffe de chœur : Marie-Noëlle Maerten). Orchestre National de France, direction : Cristian Măcelaru
Sur les trois œuvres programmées pour ce concert dans le cadre de la célébration du centenaire de la mort de Gabriel Fauré, seules deux sont jouées : Relatos de Martin Matalon et le fameux Requiem, Alice Sara Ott ayant dû annuler sa participation au Concerto pour piano n° 2 de Franz Liszt.
Martin Matalon reconnaît lui-même que Relatos (2024), commande de Radio France et du Brussels Philharmonic donnée ce soir en création mondiale, est caractéristique de sa patte compositionnelle, partagée entre l'écriture pour ensemble et la mise en valeur de solistes. Ces « Récits » forment donc un concerto pour orchestre dans lequel la masse du tutti est tantôt linéaire, tantôt disloquée en petits groupes ou en lignes individuelles. On reconnaît là les influences revendiquées par le musicien : celle premièrement du courant spectral avec un orchestre, traité comme un objet en mouvement uniquement selon le son ; celle des « trois modèles temporels » de Pierre Boulez, perceptible dans une économie complexe des temporalités, entre « temps suspendu » et « temps pulsé » ; celle enfin de l'art de la forme brève de l'écrivain compatriote Jorge Luis Borges, manifeste dans le titre et la composition en neuf mouvements enchaînés, avec toujours cette idée d'exubérance maîtrisée et d'éclatement en petites sections (tour à tour : piano, trombone solo et pupitre, trompette solo et pupitre, duo entre les pupitres des clarinettes et des cors, pupitre des bassons et clarinette basse, section de percussion) traversées par une idée centrale présentée de manière multiple (prolifération, accumulation, processus, répétitions).
L'Orchestre national de France, emmené par le souple et très impliqué Cristian Măcelaru, ne démérite pas dans l'exécution de cette composition profuse et colorée, mais à l'aspect peut-être un peu trop mécanique dans la réitération de procédés qui finissent par devenir prévisibles.
Mais c'est dans celle du Requiem (1887) de Gabriel Fauré que l'on mesure véritablement l'excellence de la phalange et de son chef, et ce dès l'Introït et le Kyrie, tous deux mouvements symptomatiques de la dramatisation musicale extrêmement bien dosée de ce qui est originalement un drame, celui de notre finitude et de son point final, que le compositeur voit comme « une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d'au-delà, plutôt que comme un passage douloureux. » Même s'il est difficile d'établir une quelconque hiérarchie ou de donner une préférence, le Chœur de Radio France émeut tout particulièrement dans cette partition où prime la voix chorale de l'humanité. Il ne faut aucune affèterie dans l'exécution de cette partition délicate habitée par le plain chant. Et c'est très réussi. Le cœur se serre un peu plus au moment où le baryton Edwin Crossley-Mercer monte par deux fois à la tribune de l'orgue pour entonner, en particulier le « Libera me », avec le naturel et la simplicité qui conviennent à l'ouvrage. Et complètement lorsque le soprano de la Maîtrise de Radio France apparaît sur la gauche de la scène pour entonner le « Pie Jesu » de sa voix blanche qui ne doit pas être autre, définitivement. Tout chaviré est-il encore dans l'ostinato tout simple de trois notes montantes puis trois autres descendantes à l'orgue (Lucile Dollat) de la dernière partie, « In Paradisum », où nous demeurons encore une seconde ou deux après que le silence a refermé l'œuvre. Une magnifique version d'un chef-d'œuvre de notre musique française.
Crédits photographiques : © Orchestre national de France – Dimitri Scapolan
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