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Rouen. Théâtre des Arts. 15-VI-2024. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan et Isolde, opéra en trois actes sur un livret du compositeur d’après la légende médiévale. Mise en scène, scénographie, vidéo, chorégraphie et lumières : Philippe Grandrieux. Costumes : An D’Huys. Avec : Daniel Johansson, Tristan ; Carla Filipcic Holm, Isolde ; Sasha Cooke, Brangäne ; Nikolai Elsberg, Marke ; Cody Quattlebaum, Kurwenal ; Lancelot Lamotte, Melot ; Oliver Johnston, un Berger et Jeune marin ; Ronan Airault, un Timonier. Chœur Accentus / Opéra de Rouen. Orchestre de l’Opéra de Rouen-Normandie. Orchestre Régional de Normandie, direction : Ben Glassberg
Si Philippe Grandrieux, pour sa première mise en scène d'opéra échoue à remporter l'adhésion du public rouennais, Ben Glassberg à la tête d'un éblouissant Orchestre de l'Opéra de Rouen et une distribution vocale superlative, dominée par Daniel Johansson et Carla Filipcic Holm dans les rôles-titres font de ce Tristan et Isolde un moment musical d'une rare et intense émotion.
Suite à l'annulation de Tannhäuser en 2020 pour cause de pandémie, c'est peu dire que ce Tristan et Isolde était attendu avec impatience au Théâtre des Arts de Rouen (après l'Opera Vlaanderen l'an dernier), nouveau jalon d'une tradition wagnérienne ancienne initiée, in loco, en 1891 avec Lohengrin, et pourtant… Voilà encore une fois une lecture qui pose le problème des interprétations clivantes, d'une lisibilité douteuse, échouant à recueillir l'assentiment du public (qui manifestera bruyamment son mécontentement au moment des saluts) car se réduisant à une seule vidéo, omniprésente, parfois gênante, hasardeuse quant à sa signification, inutilement scabreuse (non recommandée au jeune public) et fortement discutable sur le plan esthétique, qui ne donne qu'une vision très parcellaire et elliptique du livret, n'en retenant que trois aspects significatifs : la colère d'Isolde à l'acte I, le désir d'Isolde à l'acte II et la mélancolie de Tristan à l'acte III. Tout cela évoluant dans une obscurité crépusculaire masquant les chanteurs, sans sur-titrage pour favoriser l'immersion dans la musique et sans direction d'acteurs, laissant les spectateurs bien esseulés, nombre d'entre eux quittant d'ailleurs la salle… On l'aura compris, Philippe Grandrieux, cinéaste de formation privilégie le cinéma et le pouvoir de l'image aux dépens du jeu théâtral, centrant son propos, assez monomaniaque, sur le seul personnage d'Isolde (pourquoi ?) représentée par une jeune femme totalement nue (l'âme d'Isolde ?), sur scène et sur la vidéo projetée sur un rideau occupant toute l'avant-scène : hurlant en permanence dans une mimique hideuse à l'acte I ; se masturbant frénétiquement à l'acte II alors que le sublime hymne à la Nuit (pauvre Novalis !) et le duo d'amour invitent à une émotion d'une toute autre hauteur ; enfin femme devenu corps flottant dans un magma liquide d'un assez bel effet pour répondre à l'agonie hallucinée de Tristan à l'acte III (à condition d'oublier les gros plans anatomiques sur le sexe de la dame !) Tout cela paraissant, en définitive, bien « à Tristan ! », oscillant dans une option interprétative contestable et réductrice entre l'érotomanie d'Isolde et la schizophrénie mélancolique de Tristan… selon les dires du metteur en scène.
Mais, c'est à l'évidence, et bien heureusement, la musique (orchestre et chanteurs confondus) qui sauve la mise de ce Tristan, lui conférant tout son impact émotionnel.
Dans la fosse le ton est donné dès le Prélude, empreint d'une sensualité vénéneuse, porté par une dynamique envoûtante et tendue, imprégnée de drame. Une interprétation intense et contrastée dont le pouvoir émotionnel ne fera que se confirmer tout au long des trois actes évoluant entre attente et urgence, passion et drame, en parfaite synergie avec la dramaturgie, souverainement équilibrée avec le plateau, exaltée par la transparence orchestrale mettant au jour toutes les performances solistiques de haut niveau de la phalange rouennaise, notamment celles des vents (cor anglais et trompette).
La distribution vocale irréprochable et d'une remarquable homogénéité n'est pas en reste, à commencer par Daniel Johansson et Carla Filipcic Holm dans les rôles-titres. Le premier, ténor wagnérien expérimenté, récent Parsifal à Genève, dont on admire la projection puissante et le timbre solaire, est capable de nuancer son chant à l'acte III pour donner aux hallucinations agoniques de Tristan un impact bouleversant. La seconde, habituée du rôle, dont le chant d'une facilité confondante s'adapte à toutes les situations, tour à tour : âpre et vindicatif au I, passionné et sensuel au II, admirable et poignant au III nous gratifiant d'un « Liebestod » à faire pleurer les pierres. Sasha Cooke campe, quant à elle, une Brangäne bien chantante dont le timbre clair peine à se démarquer de celui d'Isolde. Le Roi Marke de Nicolai Elsberg impose sa présence malgré l'obscurité ambiante par l'aura de sa basse puissante et profonde, manquant d'un rien de legato. Tous masqués, se fondant dans la pénombre, Cody Quattlebaum (Kurwenal), Lancelot Lamotte (Melot), Oliver Johnston en berger et Ronan Airault en timonier complètent avantageusement ce beau casting vocal à l‘instar du chœur Accentus / Opéra de Rouen judicieusement spatialisé sur les balcons.
Crédit photographique : © Annemie Augustijns et Corinne Thevenon ; © Marion Kerno et Corinne Thevenon ; © Philippe Grandrieux
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Rouen. Théâtre des Arts. 15-VI-2024. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan et Isolde, opéra en trois actes sur un livret du compositeur d’après la légende médiévale. Mise en scène, scénographie, vidéo, chorégraphie et lumières : Philippe Grandrieux. Costumes : An D’Huys. Avec : Daniel Johansson, Tristan ; Carla Filipcic Holm, Isolde ; Sasha Cooke, Brangäne ; Nikolai Elsberg, Marke ; Cody Quattlebaum, Kurwenal ; Lancelot Lamotte, Melot ; Oliver Johnston, un Berger et Jeune marin ; Ronan Airault, un Timonier. Chœur Accentus / Opéra de Rouen. Orchestre de l’Opéra de Rouen-Normandie. Orchestre Régional de Normandie, direction : Ben Glassberg
Comme il est dit dans cet article la mise en scène était NULLE .
J’ai regretter d’avoir acheté une place à l’opéra alors que normalement j’apprécie l’opéra