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Blanca Li à Dijon : Didon on the beach

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Dijon. Auditorium. 7-VI-2023. Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Enée, opéra en 3 actes sur un livret de Nahum Tate. Celestial Music did the Gods inspire Z 222. Enregistrement sonore : Les arts Florissants-William Christie. Mise en scène et chorégraphie : Blanca Li. Costumes : Laurent Mercier. Lumières : Pascal Laajili. Avec 10 danseurs de la Compagnie Blanca Li

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Libérée des contraintes scéniques qui avaient plombé sa première version, la seconde mouture de Didon et Enée apparaît comme une réussite totale dans le parcours de la chorégraphe espagnole.

Dès sa création en mars 2023, Didon et Enée selon a peiné à convaincre, lesté du cahier des charges d'une laborieuse interaction scénique momifiant les héros de Purcell en statuettes des César du cinéma français aux côtés d'Arts Florissants présents (Maestro Bill compris) sur un plateau envahi par les danseurs de sa compagnie. À l'Opéra de Dijon, résigné à ce qui était annoncé comme une simple reprise avec musique enregistrée, ainsi que cela se produit souvent pour les spectacles de ballet, c'est à une véritable première que l'on se trouve convié pour ce Didon et Enée sous-titré Pièce pour dix danseurs.

Exit l'image de l'orchestre, du chœur, des solistes, du chef. Des « Arts Flo » ne subsiste que le son : un enregistrement réalisé en 2023 au Gran Teatre del Liceu de Barcelone. C'est dorénavant seule à la barre que entend déployer les sortilèges en toute liberté de son art spécifique. Dès le Prologue, œil et oreille sont immédiatement captés par la fantaisie joueuse d'un orchestre imaginaire recréé par des danseurs sans instruments. À voir s'éclater sous la douche d'un petit rectangle de lumière ces serpents de chair et d'os littéralement possédés par la musique de l'Orpheus Britannicus, on oublie d'emblée l'absence d'un véritable orchestre en fosse, allant même jusqu'à croire que cordes et flûtes sont bien présents sur scène, et que ce sont les danseurs qui jouent l'ode Celestial Music did the Gods inspire Z 222 venue ressusciter le Prologue perdu de l'opéra. Le rectangle lumineux s'allonge ensuite jusqu'à ce qu'avant l'Ouverture de l'opéra proprement dit, on distingue dans la pénombre les allées et venues de danseurs construisant à vue leur futur terrain de jeu : une manière de tapis de danse liquide recréant le décor d'une Enéide qui raconta comment, après la Guerre de Troie, et après avoir erré en Méditerranée, Enée échoua sur la plage de Carthage. Dans cette logique marine, les danseurs tombent peu à peu, qui la veste, qui le pantalon, qui le kilt : les amours de Didon et Enée se joueront en maillot de bain. Noir, bien sûr. C'est une tragédie.

L'essentiel de la dramaturgie repose sur l'hypnotique de cette mer de théâtre, entrées et sorties se faisant le plus souvent sur le mode de l'éclaboussure, de la glissade silencieuse et gracieuse. L'absence de surtitres n'est un handicap pour personne tant s'avère lisible, jeu d'orgues aidant, le parti-pris d'une émotion à l'état pur. Pas un instant l'inspiration ne retombe. L'expression des affects traverse les corps des danseurs engagés à un point tel qu'à plus d'un moment, on les croirait devenus chanteurs. Très parlant, à cet égard, est le déchirant duo final, dont la diabolique précision abolit la frontière entre chorégraphie et mise en scène, et qui se conclut avec ce moment fabuleux qui montre le corps d'Enée glisser sur l'eau, du centre du plateau jusque dans l'ombre de la coulisse. Sur le chœur conclusif, les larmes montent pour accompagner le bouleversant sauvetage du héros en Pietà, littéralement repêché en mer par la galère animée par les corps des danseurs glissant sur l'onde en direction de la future Rome, tandis qu'à l'avant-scène Didon s'est consumée en statue de douleur.

On regrette juste, tant ce Didon on the beach exsude constamment la musique, que n'a pas été tentée, en sus du Prologue, de réintroduire aussi dans l'opéra toutes les danses facultatives figurant dans la partition (et dans l'enregistrement de Christopher Hogwood chez L'Oiseau-Lyre). Ce que le conséquent passage orchestral inédit avant To the hills and the vales avait pu laisser espérer : cette unique concession faite à la gourmandise purcellienne du Ground lui inspire d'ailleurs un magnifique contre-jour de silhouettes humaines sur un cyclo panoramique au papier-peint discret (exit aussi les toiles luminescentes d'Evi Keler de la première mouture).

À l'instar du héros virgilien, Didon et Enée 1 a beaucoup navigué de théâtre en théâtre. Un destin qui attend également Didon et Enée 2, épopée chorégraphique dont l'énergie des plus communicatives pourrait en outre décider de plus d'une vocation.

Crédits photographiques :  Didon et Enée – Opéra de Dijon 2024 © Dan Aucante

Modifié le 11/07/2024 à 10h58

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Dijon. Auditorium. 7-VI-2023. Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Enée, opéra en 3 actes sur un livret de Nahum Tate. Celestial Music did the Gods inspire Z 222. Enregistrement sonore : Les arts Florissants-William Christie. Mise en scène et chorégraphie : Blanca Li. Costumes : Laurent Mercier. Lumières : Pascal Laajili. Avec 10 danseurs de la Compagnie Blanca Li

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