A Radio France, Marc-André Hamelin et Marin Alsop rendent hommage à l’Amérique
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Paris. Auditorium de Radio France. 07-VI-2024. Jessie Montgomery (née en 1981): Strum pour orchestre à cordes ; George Gershwin (1898-1937) : Concerto pour piano en fa majeur ; Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre. Marc-André Hamelin, piano. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Marin Alsop
Soirée américaine à l'Auditorium de Radio France, avec en ouverture Jessie Montgomery, puis George Gershwin et Béla Bartók et leur joute de concertos interprétés par l'Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Marin Alsop et Marc-André Hamelin au piano…
Ce concert donné dans le cadre de la saison « Unanimes » commence pile à l'heure, avec en « vedette américaine » Jessie Montgomery (née en 1981) et sa pièce Strum pour orchestre à cordes. La compositrice récompensée d'un Grammy Award cette année, propose une musique à l'image de l'Amérique d'aujourd'hui dont Strum est représentative. Les cordes grattées sur les altos comme à la guitare, mode de jeu auquel son titre fait référence, se mêlent aux pizzicati des violons, laissant émerger une mélodie au violoncelle solo, tour à tour reprise par les autres cordes frottées. Dans l'entrelacs des pupitres, le thème chantant circule avec fluidité, sur fond de rythmes dansants appartenant à la musique folklorique américaine, jusqu'à une accélération finale que la compositrice qualifie de « célébration extatique ». Se voulant lieu de rencontres et de dialogue, l'œuvre raconte une « histoire commune » multiculturelle de façon consensuelle et lumineuse. Une musique parfaitement digeste et optimiste, bien écrite et dans une interprétation très vivante, sans plus de prétention.
Suit le Concerto en fa majeur que George Gershwin composa après la Rhapsody in blue, pour montrer son savoir-faire « classique ». Mais on ne se refait pas et le compositeur marque l'œuvre de sa patte lui donnant une tournure composite, à la fois savante dans l'écriture et la forme, et « jazzy ». Un alliage que Marc-André Hamelin rend au piano avec le plus grand naturel et beaucoup de finesse. Après une introduction qui déjà donne à savourer la couleur ronde et chaude des cuivres, très homogènes, et la suavité des bois, on est sous le charme : le pianiste, l'attitude sérieuse et concentrée tout au long des trois mouvements, a ce qu'il faut de flegme, de lâcher-prise, dépassant la rigueur des rythmes notés qui ne sont qu'indicatifs pour donner à cette musique cette souplesse nonchalante, cette allure chaloupée, bref ce groove qu'elle réclame. Et il le fait admirablement, c'est-à-dire sans rien qui pèse ou qui pose, avec élégance, avec une touche de spiritualité, de chic et même souvent une pointe d'humour qui font le régal de l'écoute. L'opulence de l'orchestre sollicitée par la cheffe ne couvre jamais le soliste, les deux par leurs nombreux regards échangés, entretenant une attention mutuelle de tous les instants, réglant entre eux les équilibres et les interventions respectives avec la plus grande précision. Ils s'entendent dans l'élasticité délicieuse de cette musique comme dans ses fulgurances et sa vivacité rythmique. Le deuxième mouvement, d'ambiance nocturne, met en valeur la lascivité des trompettes et des cors, à laquelle le piano emboîte le pas après le magnifique hautbois solo, rêveur, langoureux, mais sans en rajouter. Le dernier mouvement a ici quelque chose de ravélien dans sa couleur, son mouvement général, son exubérance raffinée, dans le mordant donné à ses accords répétés. Après cette interprétation enthousiasmante qu'on apprécie d'autant plus que les occasions ne sont pas si fréquentes d'entendre cette œuvre, Marc-André Hamelin joue en bis, non sans malice, l'étourdissant et joyeux Poltergeist Rag de William Bolcom, concluant de façon tout à fait appropriée cette première partie.
En seconde partie, un autre concerto, mais sans soliste cette fois, puisqu'il s'agit du Concerto pour orchestre de Béla Bartók. L'œuvre, qui sollicite la virtuosité de tous les pupitres, est superbement défendue par l'Orchestre Philharmonique de Radio France, complice d'une cheffe qui dirige d'un geste sobre et précis sachant se faire souple et expressif pour courber une ligne, pour insuffler un élan. Marin Alsop veille aux équilibres tenant infailliblement de sa main droite la pulsation, soulève les forces sonores de l'orchestre ne laissant aucun pupitre sur le bord du chemin, faisant circuler la musique de façon fluide dans l'Introduzione. Le Giuco delle coppie ouvert par le beau solo de basson séduit par la beauté de ses lignes déployées sur les sonorités vibratiles des violons. La funèbre Elegia passe de son sombre mystère au tragique et déchirant tutti dans une tension soutenue. Le contrepoint mélodique de l'Intermezzo est remarquable de clarté et de lyrisme. Et le finale est comme il se doit une danse frénétique et jubilatoire, qui s'enflamme dans un grand crescendo. Chaleureusement applaudie, Marin Alsop qui dirige pour la deuxième fois le « Philhar », aura avec son concitoyen d'origine canadienne, conquis ce soir-là les musiciens tout autant que le public parisien dans un bel hommage à sa nation.
Crédits photographiques : Concert © Jany Campello / ResMusica ; Marin Alsop © Grant Leighton / Radio France
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Paris. Auditorium de Radio France. 07-VI-2024. Jessie Montgomery (née en 1981): Strum pour orchestre à cordes ; George Gershwin (1898-1937) : Concerto pour piano en fa majeur ; Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre. Marc-André Hamelin, piano. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Marin Alsop