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À ManiFeste, Poetica de Chaya Czernowin en création française

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Paris. Ircam. Espace de projection. 12-VI-2024. Festival ManiFeste. Chaya Czernowin (née en 1957) : Poetica, pour percussion soliste et ensemble de percussions, trio à cordes enregistré et électronique. Steven Schick, percussions et voix ; Les Percussions de Strasbourg : Olivia Martin, François Papirer, Enrico Pedicone, Thibaut Weber ; Catinblack, trio à cordes (sons fixés) : Sofia von Atzingen, alto ; Ema Grčman, violoncelle, Javad Javadzade, contrebasse ; Chaya Czernowin, Carlo Laurenzi, électronique Ircam ; Clément Cerles, diffusion sonore Ircam

Un concert, une œuvre : tout à la fois installation et performance, Poetica de la compositrice israélienne enchante l'Espace de projection de l', mettant sur le devant de la scène le percussionniste et chef d'orchestre américain à qui l'œuvre est dédiée.

 

Autour du soliste, des fûts de timbales et autres peaux (caisse claire, grosse caisse, toms, etc.) qui constituent la matière essentielle de l'œuvre. Frottements, grondements doux avec les superballs, impacts parfois à mains nues, roulements très fins sur la caisse claire, etc. : les gestes du soliste sont relayés par ceux des quatre percussionnistes situés en hauteur (Olivia Martin, François Papirer, Enrico Pedicone et Thibaut Weber des ) tandis qu'un trio à cordes (alto, violoncelle et contrebasse) enregistré et traité par les logiciels est diffusé en multicanal dans les conditions optimales de l'Espro. Poetica, dont le titre d'origine était Palais de la mémoire, tisse des liens entre la mémoire et des espaces spécifiques, ménageant des passages fréquents entre intérieur et extérieur : « Poetica symbolise une descente dans l'ombre des mots », confie . Il n'y a pas de texte à proprement parler dans Poetica mais la présence vitale d'un corps qui agit, celle du soliste qui joue et respire, donnant parfois de la voix ou des émanations laryngées rejoignant les sons sur la peau de ses fûts. Le souffle est l'énergie motrice de la dramaturgie, rappelé tout au long de la performance par les inspirations-expirations de . Émis également par les quatre complices, munis comme lui de micro-lèvres, le souffle traverse bon nombre d'espaces : voix des manifestants, enregistrées par la compositrice et entendues à travers les haut-parleurs, qui ouvrent plus d'une fois sur l'extérieur ; souffle en tant que flux, confondu avec le bruit du ruisseau, courtes séquences de field recording qui relient les différentes scènes de cet « opéra du souffle ». C'est avec la contribution des cordes qui viennent périodiquement texturer l'espace que l'œuvre prend une dimension fantasmagorique autant qu'inouïe : sous le crépitement des peaux claires, des trémolos de cordes en glissandos incandescents balayent tout le registre jusqu'aux tréfonds obscurs. Plus loin, dés à coudre aux doigts, , émergeant du silence, pianote sur son washboard, mêlant bruits de bouche et activités digitales amplifiées par le jeu des archets sur la corde (percussions avec la vis de l'archet, sans doute…) dans un des passages les plus finement réalisés avant cette autre séquence impressionnante où les quatre percussionnistes du haut font hurler les peaux avec les plaques de métal placées en fond de scène qui résonnent par sympathie.

Les situations sont parfois répétitives – souffle oblige – mais la performance de Steven Schick et ses quatre acolytes toujours captivante, héros d'une lutte menée sans merci pour réactiver sans cesse cette respiration, « tentative désespérée », nous dit la compositrice, « pour essayer de rester en vie ».

Crédit photographique : © Astrid Ackermann

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