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Paris. Châtelet ! 9-VI-2024. Olivier Py (né en 1965) : L’Amour vainqueur, opérette sur un livret d’Olivier Py, d’après Princesse Maleen, des frères Grimm. Arrangements musicaux : Antoni Sykopoulos. Mise en scène : Olivier Py. Scénographie, costumes, maquillage : Pierre-André Weitz. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Antoni Sykopoulos, baryton (Le Général, le Roi) ; Pierre Lebon, baryton (Le Prince, La Fille de vaisselle) ; Clémentine Bourgoin, soprano (Violoncelle, La Princesse) ; Flannan Obé, bary-ténor (Le Jardinier)
Créé à Avignon en 2019, avant d'être privé de tournée par la crise sanitaire, L'Amour vainqueur, quatrième conte de Grimm adapté par Olivier Py, est une opérette pour tous qui vient opportunément rappeler qu'avant de monter Wagner, le Théâtre du Châtelet, dont il est le nouveau directeur, fut le temple d'un genre généralement regardé d'assez haut.
Les trois premiers contes montés par Olivier Py (La Jeune Fille, le Diable et le moulin ; L'Eau de la vie ; La Vraie Fiancée) étaient de séduisants spectacles de tréteaux. L'Amour Vainqueur est autrement ambitieux puisqu'en sus d'y jouer, on y chante. Les Contes de Grimm, généralement sans dialogues, autorisent tous les appétits littéraires : Olivier Py a rebaptisé l'originel Demoiselle Maleen (1815) d'un nouveau titre mais aussi de dialogues en alexandrins blancs (qui ne riment pas) sans e muet. Il est le librettiste mais aussi le compositeur de cette opérette qui entend porter haut la bannière de l'opéra pour tous. L'Amour vainqueur est un spectacle « tous publics, c'est à dire pour enfants et gens intelligents », précise-t-il encore malicieusement.
Acteur, metteur en scène, chanteur, écrivain, cinéaste, directeur de théâtre… À cet empilement de casquettes, il convient donc d'ajouter celle de compositeur. D'un abord immédiat, balançant entre le roboratif et le délicat, avec moult clins d'œil à la chanson réaliste, la partition de L'Amour vainqueur est de sa main, même si Olivier Py précise avec humour que, si les mélodies sont de lui, les arrangements « qui font croire qu'il s'agit de grande musique » sont de celle d'Antoni Sykopoulos, pianiste et chanteur de cette opérette d'une heure.
Même en s'adressant aussi aux enfants, Olivier Py reste Olivier Py. On retrouve de nombreux petits cailloux blancs de ses productions passées dans le décor aux myriades d'ampoule de Pierre-André Weitz, sorte de table de maquillage de loge de théâtre géante avec sa perspective de cadres. Le piano droit en contrebas du dispositif ressuscite à la fois le cabaret (Miss Knife n'est pas loin) et le cinéma muet (mais un cinéma muet oxymoriquement déjà parlant, à en juger la logorrhée des interprètes) de l'entre-deux-guerres.
L'entre-deux-guerres… Oui, mais lesquelles, est-on amené à se questionner au fil des méandres d'une intrigue bien contemporaine (va-t-en guerre, ventes d'armes, champs de bataille,…) qui inclut dans sa scénographie des clichés géants de champs de ruines récents déployés à vue par un technicien de l'ombre. Car, en un enivrant tourbillon de péripéties, L'Amour vainqueur narre le calvaire d'une Princesse enfermée par un Roi qui voulait la marier contre son gré, puis sa quête amoureuse dans les décombres d'un pays détruit par la folie d'un Général. On y fait heureusement aussi connaissance avec l'Eden, via un Jardinier rêvant d'être femme pour ne pas combattre, et professant « préférer cueillir des fleurs que mourir au champ d'honneur ». Sémantiquement comme musicalement, on est très loin de Violettes impériales et de La Belle de Cadix. Opérette pacifiste sans didactisme où l'humour ravageur et l'énergie millimétrée (un simple coup de talon commande au jeu d'orgues) l'emportent sur la férule moralisante, L'Amour vainqueur est une piqûre de rappel pour tous sous les ors d'une vibrante ode au théâtre.
À ce jeu-là, même sonorisés, les quatre artistes complets (la Princesse est violoncelliste, le Général pianiste, le Jardinier flûtiste « en herbe ») font merveille, allant jusqu'à incarner plusieurs personnages : le piano d'Antoni Sykopoulos (Roi et Général idéalement ridicules) est le chef d'orchestre du spectacle ; Pierre Lebon se fait autant remarquer par son engagement vocal que par sa capacité à passer en un tournemain du Prince à la Fille de vaisselle ; en Fiordiligi d'opérette (comme son illustre modèle elle revêt l'habit militaire à la recherche de son amoureux), Clémentine Bourgoin est une fine mouche des plus touchantes. On ne présente plus Flannan Obé, dont la voix parlée, aussi haute en couleurs que la voix chantée, importe avec bonheur la petite musique des Brigands dans le petit monde d'Olivier Py.
« On a une responsabilité envers les enfants… On n'a pas le droit de les ennuyer, on n'a pas le droit de les désespérer», rappelle, à l'instar de sa sœur d'armes Ariane Mnouchkine, le metteur en scène aux 39 opéras. Ils étaient accourus nombreux, ce dimanche ensoleillé, s'armer contre la noirceur du Monde, et fêter la victoire de l'Amour. Pour preuve : c'est le méchant de l'histoire qui a été contraint d'accompagner de son piano l'optimiste refrain final. Et même de le bisser !
Crédits photographiques : © Thomas Amouroux
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Paris. Châtelet ! 9-VI-2024. Olivier Py (né en 1965) : L’Amour vainqueur, opérette sur un livret d’Olivier Py, d’après Princesse Maleen, des frères Grimm. Arrangements musicaux : Antoni Sykopoulos. Mise en scène : Olivier Py. Scénographie, costumes, maquillage : Pierre-André Weitz. Lumières : Bertrand Killy. Avec : Antoni Sykopoulos, baryton (Le Général, le Roi) ; Pierre Lebon, baryton (Le Prince, La Fille de vaisselle) ; Clémentine Bourgoin, soprano (Violoncelle, La Princesse) ; Flannan Obé, bary-ténor (Le Jardinier)