Alto « so British » en compagnie d’Izabel Markova

La jeune altiste Izabel Markova consacre son premier disque à un très beau programme dédié à trois chefs-d'oeuvre de la musique anglaise signés Clarke, Britten et Bowen.

Est-ce parce que les compositeurs anglais ont été bercés très tôt par les voix intermédiaires et feutrées des consorts de violes (Dowland, Gibbons, Purcell…), qu'ils ont aussi été charmés au XX^e siècle par les sonorités brumeuses et mélancoliques du violon alto ?

La jeune altiste bulgare Izabel Markova a en tout cas puisé dans le riche répertoire britannique pour composer le programme de son premier disque British Music for Viola and Piano, en compagnie des pianistes Irene Puccia et Alla Belova.

Un programme ambitieux consacré à des compositeurs célèbres (Benjamin Britten) mais également moins connus (Rebecca Clarke, York Bowen) qui auraient mérité sans doute un peu plus d'explications biographiques dans le livret, plutôt que les sympathiques mais un peu légères considérations personnelles de l'interprète.

Cela n'enlève toutefois rien à l'intérêt proprement musical de cet album, maîtrisé de bout en bout.

Et de la maîtrise, il en faut pour franchir l'Everest que représente la Sonate pour alto de Rebecca Clarke (1886-1979). La compositrice anglaise était altiste de formation. C'est donc toutes les possibilités de son instrument, sa profondeur de son, sa puissance dans les graves comme sa transparence dans les aigus qui sont mises à contribution dans cette sonate composée en 1919. Le tragique de la guerre résonne encore dans cette oeuvre impressionnante où alto et piano sont à égalité. Izabel Markova et sa partenaire Irene Puccia délivrent une interprétation puissante et contrastée de cette partition prenante, notamment dans un Adagio rêveur s'enfonçant peu à peu dans le tragique, et une fantaisie finale pleine de passion.

Un autre chef-d'œuvre succède avec le Lachrymae op.48 de Benjamin Britten (1913-1976). Composée en 1950, cette œuvre est un véritable labyrinthe musical inspiré d'une chanson de John Dowland. Commençant dans l'éther pour peu à peu s'animer au cours de courtes variations, ce Lachrymae est comme un prisme tournoyant, reflétant de multiples lumières. Le dédicataire, le grand altiste Willliam Primrose, n'a pas apprécié cette œuvre, déconcerté sans doute par son manque de spectaculaire. Celle-ci n'a pourtant rien d'austère, et Izabel Markova, concentrée et sans ostentation, sait rendre toute sa poésie à cette pièce, caractérisant bien chaque variation, jusqu'au tendre chant final.

Après ces deux impressionnants chefs-d'œuvre, la Phantasy pour alto et piano de York Bowen (1884-1961) apparaîtra bien sûr comme un peu plus anecdotique. Il s'agit toutefois d'une page brillante, volubile et lyrique, dans l'esprit « champêtre » caractéristique de compositeurs anglais de la même époque comme Delius ou Bax. Une conclusion rafraichissante à ce récital très dense, où Izabel Markova nous révèle tout le potentiel de son talent.