Témoignages inédits et précieux du chef Arvīds Jansons

Malgré une discographie éparse et bien peu disponible, le chef d'orchestre letton Arvīds Jansons (1914-1984) a laissé de passionnants témoignages. C'est le cas des œuvres extraites de trois concerts captés en Angleterre à l'occasion de tournées du Philharmonique de Léningrad et du Symphonique d'URSS. Elles paraissent pour la première fois en CD.

Des quatre partitions présentées en concert, ce sont, de notre point de vue, les extraits de la Belle au bois dormant et Francesca da Rimini de Piotr Ilitch Tchaïkovski qui marquent avant tout cette édition. Pour le ballet, la prise de son magnifique de 1971 (un léger souffle n'entame en rien le plaisir de l'écoute) met en valeur la beauté et le style si caractéristiques des timbres du Philharmonique de Léningrad : précision et mordant des attaques des cordes, sonorités grisantes des cuivres… Le son forgé par Mravinski, qui laisse pour l'occasion la baguette au chef associé de la formation, reste en mémoire. Arvīds Jansons, père de Mariss, témoigne dans ces pages d'un respect absolu de la partition et des moindres nuances. Pour autant, chaque idée musicale s'insère dans une approche narrative d'ensemble. Le chef possède un sens du “merveilleux”, laissant ainsi respirer le solo d'une harpe, ou les accents moqueurs et belliqueux d'une trompette solo inspirée.

Dans l'expression de la violence des sentiments de Francesca da Rimini, rien n'est surjoué et le récit sans pathos est organisé par une mise en place des plus précises. Dans cette œuvre réputée pour son extrême virtuosité et dans laquelle l'impact des émotions doit être immédiat, exacerbé par une sensibilité typiquement slave, la direction de Jansons fait merveille, à l'égal des Dorati, Mravinski et Svetlanov.

La lecture de la Symphonie n° 5 s'inscrit également dans cette maîtrise de l'émotion et du lyrisme. Toutefois, elle n'atteint pas le caractère irrémédiable des versions de Mravinski, des légendaires captations de 1960 réalisées pour DG. Arvīds Jansons construit patiemment, laissant ses solistes personnaliser certaines phrases comme les cuivres dans le finale du premier mouvement ou bien le cor dans l'Andante. Le charme discret de la Valse est aux antipodes des lectures d'un Svetlanov. Rien ne “dépasse” dans cette version efficace et dont on aurait espéré une prise de risques plus grande.

En “bonus”, l'éditeur propose l'interprétation de la Symphonie “classique” de Sergueï Prokofiev captée en concert, en 1983, à Belfast. Le son est un peu loin, moyennement défini. L'Orchestre Symphonique d'URSS est en mode “sécurité” avec des tempi contenus. Aucune surprise dans cette lecture à laquelle il manque un brin d'ironie, un soupçon supplémentaire d'hommage à Haydn. Un “bonus”, en effet, mais sans plus. En l'absence d'un témoignage de Mravinski, on gardera en mémoire les concerts de Svetlanov avec l'Orchestre d'État d'URSS (BBC Music) et de Kondrachine avec l'Orchestre philharmonique de Moscou (Globe).