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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Samuel Barber (1910-1981) : Sonate pour piano en mi bémol mineur, op. 26. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Vingt-Quatre Préludes op. 34 : n°5, 10, 12, 16 & 24. Vingt-Quatre Préludes et fugues op. 87 : n°2, 8 & 15. Frédéric Chopin (1810-1849) : Ballades. Yuja Wang, piano

Perturbée par les toux pendant la Sonate de Barber en début de récital, passe encore à côté des Ballades de Chopin en seconde partie, mais réussit à inverser la tendance en fin de concert avec un show de plus de quarante minutes et dix bis.

Pour comprendre et décrire ce concert de saison de à la Philharmonie de Paris, il faut plus nous attarder sur les éléments de contexte que sur l'interprétation. Dès son entrée en salle, on sent la pianiste tendue, ce que confirme l'Allegro energico de la Sonate de Barber, assez froid et de plus en plus complexe à apprécier à mesure que les toux du public se développent.

Visiblement agacée, la pianiste qui a modifié un programme d'abord composé de pièces de Scriabine et Ligeti, s'arrête à la fin du mouvement et regarde l'audience, à gauche puis à droite, comme pour lui dire de se montrer plus silencieuse. Compris ou non, son geste déclenche des applaudissements, peut-être de ceux voulant d'abord lui donner raison, mais au risque de faire ensuite applaudir toute une partie de la salle à la fin de tous les mouvements suivants, en incohérence total avec cette partition, l'une des plus modernes du compositeur américain, faite pour être jouée et écoutée dans le calme sans interruption. Nerveuse d'après la grimace qu'elle ne parvient plus à faire disparaître de son visage, avait pourtant trouvé de subtils coloris froids luisants pour l'Allegro vivace e leggero et délivré un finale d'une impressionnante rapidité.

Sortie rapidement à la fin de l'œuvre, elle revient une minute plus tard pour interpréter très vite une sélection des Vingt-Quatre Préludes opus 34, imbriqués avec trois des Vingt-Quatre Préludes et fugues opus 87 de . Eux aussi livrés dans un style moderne et une clarté froide, les morceaux sont liés pour éviter les applaudissements. Presque aquatique et toujours d'une incroyable agilité dans le Prélude et fugue op. 87 n°2 par lequel elle commence, elle enchaîne la fugue dans un flux continue très allégé et poursuit sans interruption avec le Prélude op 34 n°12, dont elle laisse à peine tomber la dernière note que déjà le n°10 est lancé. Dans ce legato auquel est encore filé le morceau suivant, pourtant très différent puisqu'il s'agit du Prélude et fugue op. 87 n°8, Yuja Wang parvient encore à glisser ensuite le Prélude op. 34 n°24. Malheureusement, il lui faut ici respirer une seconde, et c'est assez pour relancer les applaudissements d'une partie de l'audience, qui semblait n'attendre que cela, bien qu'il reste encore trois autres numéros au programme.

Dans ce contexte, difficile d'apprécier en seconde partie des Ballades de Chopin sur lesquelles nous allons peu nous arrêter, tant elles ne sont pas au niveau de ce que l'on connaît de l'artiste. Certes, Yuja Wang n'a pas toujours convaincu jusqu'ici dans ses prestations du compositeur romantique, mais le fait de la voir faire de grands mouvements d'épaules et de cou avant de commencer, comme pour réussir à se détendre, ne peut laisser présager une grande interprétation des Balades, qu'elle commence par la n°2 en fa majeur op. 38. Pire : alors qu'elle surprend à avoir encore besoin d'une partition sur écran tactile – qu'elle ne lâchera jamais du concert, même pendant les bis -, elle s'interrompt quelques secondes en plein milieu de cette ballade, puis reprend en se trompant dans les doigtés et en mettant plusieurs mesures à retrouver ses esprits. La Ballade n°3 en la bémol majeur op. 47 perturbe tout autant par des dominantes très surprenantes, alternativement aux mains gauche ou droite, et la n°1 en sol mineur op. 23. montre encore des problèmes de doigtés, et donc de justesse.

De retour en salle après la quatrième et dernière ballade, la pianiste tente d'esquisser un sourire, avant de finalement accepter de se lancer dans un bis ; une transcription de Midsummer Night's Dream de Mendelssohn. Encore crispée au début, la pièce devient plus libre à mesure qu'elle avance et permet à Yuja Wang de revenir ensuite plus sereine, bien décidée à montrer maintenant de quoi elle est capable. Au début du second bis, il est à peine 22 heures et personne ne peut prévoir qu'il reste encore plus de trente minutes de musique, face à un public de plus en plus échauffé, au point de ressembler plus à la fin à celui d'un concert de Taylor Swift qu'à celui d'un récital de musique classique. De ces bis, Le Tombeau de Couperin de Ravel profite parfaitement de la clarté du toucher, moins évidente ensuite dans la transcription d'un extrait du Quatuor n° 8 de Chostakovitch, toutefois magnifiquement géré par sa dextérité.

Une Notation de Boulez est enchaînée directement à une Étude de Glass, et avant que Yuja Wang ne conclue son show par un morceau de Schubert, elle enflamme un incroyable Allegro molto vivace de la Pathétique, excellemment transcrit pour le piano et magnifiquement propulsé par ce toucher qu'aucune croche ne semble pouvoir arrêter. Peu convaincu par les interprétations du programme officiel, on ne peut que s'avouer conquis par le phénomène Yuja en fin de soirée…

Crédits photographiques : © Charles d'Hérouville

Modifié le 30/10/2024 à 9h20

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Samuel Barber (1910-1981) : Sonate pour piano en mi bémol mineur, op. 26. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Vingt-Quatre Préludes op. 34 : n°5, 10, 12, 16 & 24. Vingt-Quatre Préludes et fugues op. 87 : n°2, 8 & 15. Frédéric Chopin (1810-1849) : Ballades. Yuja Wang, piano

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1 commentaire sur “Le phénomène Yuja Wang”

  • Soeteman Corneille dit :

    Une toute première fois que je lis une critique si fort appuyée négativement concernant Yuja Wang. Elle reste néanmoins ma pianiste préférée ! 😃

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