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Jean-Frédéric Neuburger ressuscite Juliette Dillon

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Paris. Cité de la Musique- Amphithéâtre. 03-VI-2024. Festival Palazzetto Bru Zane. Juliette Dillon (1823-1854) : Dix Contes Fantastiques de Hoffmann traduits pour piano. Jean-Frédéric Neuburger, piano

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Le pianiste a ouvert le Festival de Paris à la Cité de la musique avec une œuvre spectaculaire et attachante de , une figure féminine oubliée parmi les compositrices françaises du XIXe siècle mises à l'honneur dans cette onzième édition. 

Chaminade, Bonis, les sœurs Boulanger, Strohl, Sohy…des noms qui nous sont désormais familiers dans les programmations. Mais jusque là, aucune trace apparente de signant « Juliette G. Dillon » (Godillon de son vrai nom). La biographie du programme nous apprend que cette compositrice née en 1823, pianiste virtuose et organiste, mais aussi journaliste, a commencé sa carrière à Meaux, puis à Paris où elle impressionna le public avec ses improvisations. Emportée prématurément par la maladie, elle laisse à la postérité Dix Contes fantastiques de E.T.A. Hoffmann traduits pour piano, une œuvre originale et saisissante qui ne laissa pas le public parisien indifférent lorsqu'elle la créa en 1853. 

L'œuvre se compose de dix tableaux portant les titres des nouvelles les plus connues du recueil du poète allemand, dont Jacques Offenbach tirera son opéra trente ans plus tard. Éditée chez Edmond Mayaud en 1847 puis en 1848 (en deux publications de cinq pièces chacune), on trouve son second recueil (conservé à la BnF) sur une plateforme internet très achalandée en partitions scannées libres de droits (le premier se trouvant à Londres). La compositrice voulant avec cette œuvre (qui représente plus d'une heure et demie de musique !) faire sa place dans le milieu musical parisien n'a pas hésité à employer les grands moyens, à utiliser le plus large arsenal d'écriture pianistique. Toute l'amplitude du clavier est sollicitée, tous les registres sont constamment investis dans une volonté non pas de pur effet pianistique et virtuose, mais d'expressivité et de coloration orchestrale, comme elle l'écrit dans sa préface (« Je n'ai pas eu l'intention de composer des morceaux de piano dans l'acception ordinaire du mot ; j'ai eu (…) la volonté de composer de la musique. Je n'ai accepté les traits et difficultés dont les exécutants triomphent si vite aujourd'hui qu'autant qu'ils me paraissaient propres à compléter un effet »). L'œuvre roborative captive par sa variété, ses rebondissements incessants qui retiennent en permanence l'attention de l'auditeur, et suscite par ses audaces et sa liberté l'étonnement voire l'admiration. Opéra transposé au clavier ? Paraphrases ? Certainement des deux : abondance thématique et usage d'un thème récurrent à la façon du leitmotiv wagnérien, la tarentelle, symbole musical de la folie, s'invitant en fil rouge dans plusieurs scènes (3. Coppelius l'alchimiste, 4. Annunziata…et surtout avec frénésie dans 9. Le reflet perdu, et 10. Le Tonnelier de Nuremberg). Le thème varié du 5, Le choix de la fiancée, est une paraphrase virtuose. Certaines pages font immanquablement penser à Liszt (1. Le violon de Crémone, 4. Annunziata, 6. Les maîtres chanteurs, 7. La porte murée, dont un passage est écrit pour la seule main gauche préfigurant dans le médium l'amorce d'un thème de la deuxième Ballade de Liszt !). La valse fantastique du 3. Coppelius l'alchimiste (interrompue par une marche) rappelle L‘Apprenti-sorcier de Dukas, ou l'air de Mephisto du Faust de Gounod. D'autres numéros puisent leurs références chez Chopin (Prélude n°15, dans le n°3 par ses notes répétées), Beethoven (citation de la Symphonie n°5, dans le n°9). Trilles, tremolos, gammes, traits d'octaves, cadences feintes, formules conclusives surprenantes (codas abruptes) et enchaînements harmoniques inattendus, contrastes, sonorités nocturnes…La compositrice fait feu de tout bois pour cette évocation à la fois théâtrale et poétique du fantastique, de l'étrangeté.

La partition foisonnante sollicite à tout instant l'engagement du pianiste, physiquement tout autant qu'expressivement. Son ampleur, sa virtuosité, ses humeurs contrastées, ses ruptures, la frénésie croissante de ses tarentelles sont un véritable défi pour l'interprète, que relève avec enthousiasme et maestria , dont les moyens et l'imagination répondent hautement aux exigences et à l'inspiration de . Des pages ressuscitées, revigorées qu'en vaillant défenseur, il sait rendre passionnantes, irrésistibles même. On a hâte de les retrouver, gravées au disque…

Crédits photographiques © Jany Campello/ResMusica ;Portrait de Juliette Dillon par Ch. Bour

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