Avec Pretty Yende, un Requiem allemand de toute beauté à Strasbourg
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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès, 4 VI 2024.
Johannes Brahms (1833-1897) : Ein Deutsches Requiem. Pretty Yende, soprano ; Ludovic Tézier, baryton ; Orchestre philharmonique de Strasbourg ; Choeur de l’Orchestre de Paris; direction: Aziz Shokhakimov
Avant le Festival de Saint-Denis, c'est à Strasbourg qu'est donné Ein Deuchtes Requiem de Brahms, avec l'excellent Chœur de l'Orchestre de Paris, le Philharmonique de Strasbourg, Pretty Yende et Ludovic Tézier sous la baguette d'Aziz Shokhakimov.
Avec Brahms, l'Orchestre philharmonique de Strasbourg est au cœur de son répertoire historique et de sa sensibilité. Il joue avec le moelleux, la cohésion et la justesse qui sont sa signature. Le Chœur de l'Orchestre de Paris, qui porte l'œuvre de son alpha à son oméga, impressionne : une grande cohésion également, un art consommé de la nuance depuis des pianissimi impalpables jusqu'à des fortissimi éclatants, des basses profondes et des sopranos aux aigus faciles, et un bonheur à chanter qui se ressent. A la tête de ces deux phalanges, Aziz Shokhakimov sculpte dans les masses sonores avec doigté : comme à l'opéra et comme au dernier Requiem de Verdi, il insuffle une belle énergie à ses interprètes, sans bousculer les tempi et en gardant toujours une lisibilité parfaite. Il parvient à faire sourdre la sérénité en arrière-plan de la déréliction ( Selig sind…), la pulsation de vie en-deçà de la plainte (Denn alles Fleisch…) et même progressivement la joie au-delà de la tristesse pendant toute l'exécution de ce chef-d'œuvre inclassable.
Pretty Yende ne chante que quelques minutes, et pourtant, son sourire illumine toute la soirée, pour le public qui la voit se délecter les yeux fermés de la performance du chœur et de l'orchestre. Quand enfin elle se lève, c'est pour aller au fond du message de ce Requiem allemand. Son timbre riche et moiré exprime des larmes dans la voix, et sa ligne de chant suspendue comme hors du temps (Ihr habt nun Traürigkeit) ouvre une grâce infinie, porteuse d'une promesse de rédemption. Un moment bref, mais d'une exceptionnelle beauté. Étonnamment, le grand Ludovic Tézier n'est pas toujours au meilleur de lui-même. Il n'y a rien à reprocher à l'impeccable technicien qu'il est, mais son Herr, lehre doch mich le montre un peu décalé par rapport au sens du texte et on dirait que cet extrait du Psaume 39 le concerne peu. Dans la partie suivante (Siehe, ich sage euch ein Geheimnis), il retrouve dans l'interpellation la posture formidable d'un prophète, qui le remet pleinement en phase avec Brahms et qui fait rêver à un Elias de Mendelssohn.
Un concert presque parfait pour une très belle soirée, musicalement et humainement.
Crédits photographiques : © Grégory Massat
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Strasbourg, Palais de la Musique et des Congrès, 4 VI 2024.
Johannes Brahms (1833-1897) : Ein Deutsches Requiem. Pretty Yende, soprano ; Ludovic Tézier, baryton ; Orchestre philharmonique de Strasbourg ; Choeur de l’Orchestre de Paris; direction: Aziz Shokhakimov