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Olivier Py : Venir au Châtelet doit être une fête !

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Nommé il y a dix-huit mois à la tête du Théâtre du Châtelet, le dramaturge et metteur en scène vient d'annoncer sa première saison pour cette scène emblématique de la place du Châtelet, à Paris. L'occasion de revenir sur ses choix artistiques et ses prochains projets musicaux et théâtraux, et sur sa vision du monde de l'opéra.

ResMusica : Est ce qu'il y a la dose de joie, d'impertinence et d'audace que vous souhaitiez à votre nomination dans cette saison 2024-2025, ou est ce que vous êtes prêt à en mettre encore plus ?

: De la joie, il y en a beaucoup dans cette saison. D'ailleurs, nous avons choisi un lettrisme qui danse pour notre affiche et notre brochure de saison. Il faut que ça pétille, il faut que ce soit joyeux. C'est un théâtre de la joie, un théâtre où l'on ne va pas pour être attristé ou désespéré. Il y a de l'impertinence aussi, avec une certaine modération. Si on peut mettre Les Misérables dans la rubrique impertinence, on la trouvera un petit peu plus, à mon avis, chez Karelle Prugnaud, qui montera L'Histoire du Soldat avec des circassiens, et peut-être aussi dans mon Peer Gynt, mais aussi dans l'éclectisme des concerts, puisque l'on ira de Jonas Kaufmann à Mariza en passant par Miss Knife.

RM : Lors de la présentation publique, on vous sentait plein de gourmandise, comme un enfant au milieu d'un magasin de bonbons. Est-ce ce que vous avez ressenti ?

OP : Oui, je me sens très libre et je programme ce que j'ai envie de programmer. J'ai la chance d'avoir été très éclectique dans mes goûts personnels. Au Festival d'Avignon, je ne programmais pas de musique ou très peu, pas d'art lyrique, mais de la danse. J'ai mené cette vie parallèle à l'opéra, au théâtre public et au music-hall ; donc pour moi, c'est une réelle joie de passer du jazz à un opéra de Haendel. Cet éclectisme me va parfaitement bien. On fait rentrer les arts urbains au Châtelet, avec un festival notamment, ce qui est tout à fait nouveau. Venir au Châtelet doit être une fête, et il est possible de venir en famille à la plupart des spectacles.

RM: Lorsque vous êtes arrivé à Paris à l'âge de 18 ans, vous étiez jeune spectateur au Théâtre du Châtelet. Qu'y avez-vous vu ?

OP : A 18 ans, quand je suis arrivé à Paris, je voyais tout ! Il y régnait déjà un grand éclectisme, de Barbara en passant par Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, les adieux de Régine Crespin et un spectacle de Catherine Lara. J'aimais cette maison car tous les arts s'y croisaient, enfin, tous les styles de musique s'y croisaient. De la danse aussi, puisque c'est sur la scène du Châtelet que j'ai vu Anne-Teresa de Keersmaeker pour la première fois.

RM : Vous portez une attention particulière aux jeunes spectateurs, avec une offre tarifaire à 10 euros pour les moins de 28 ans. Est-ce important pour vous d'amener les jeunes et les jeunes adultes vers le théâtre ?

OP : C'est crucial. Si l'on commence dès l'enfance, on a plus de chance qu'ensuite le jeune homme ou la jeune femme soient à sa place dans ce théâtre. Ce théâtre est un bien commun, il faut qu'ils sachent que ce théâtre est à eux. Quand nous recevons des subventions, c'est pour subventionner le spectateur. Il faut le dire et le redire sans fin, jusqu'à être ennuyeux. Une des gloires de notre pays et de notre démocratie est que la culture est mise en bien commun. On peut venir ici comme on va au cinéma, y compris à la dernière minute et dans les meilleures catégories. Parfois, un ticket de cinéma coûte plus cher ! Cependant, il ne faut jamais oublier que les jeunes vont voir les artistes, qui sont nos meilleurs ambassadeurs et les meilleurs médiateurs avec le public.

« Je suis content de tourner L'Amour vainqueur, car le spectacle a été créé en juillet 2019 et nous n'avons pas eu le temps de le tourner en 2020 et 2021 en raison du Covid. »

RM : Vous reprenez le 8 juin L'Amour vainqueur, que vous avez créée en 2019. Est-ce une pièce chantée ou une opérette ?

OP : C'est une opérette, même si le thème n'est pas exactement un thème d'opérette, car on s'attend à ce qu'une opérette soit plus légère. On cite même Offenbach à la fin de la pièce, donc, c'est de l'opérette… Le livret a été construit pour passer du chanté au parlé, avec une musique qui n'est pas difficile, puisque je l'ai composé. Même s'il y a des thèmes sombres dans cette pièce dont l'héroïne traverse la guerre, il y a une sorte de résilience à la fin, cela fait du bien ! Je suis content de tourner L'Amour vainqueur, car le spectacle a été créé en juillet 2019 et nous n'avons pas eu le temps de le tourner en 2020 et 2021 en raison du Covid.

RM : Est-ce la première fois que vous composiez une opérette ?

OP : Oui, c'était la première fois et je pense que c'est la dernière, parce que c'est trop de travail, trop difficile musicalement pour moi.

RM : Donc, vous préférez monter des pièces chantées qui existent déjà ? Vous avez monté Le Rossignol et Les Mamelles de Tirésias, une double affiche qui fonctionnait très bien.

OP : Oui, c'est beaucoup plus facile et j'ai beaucoup aimé ce double programme. J'étais heureux de faire une trilogie Poulenc. Finalement, je crois que je suis le seul metteur en scène qui a monté trois Poulenc. Il ne manque plus que Babar, et j'aurais monté tous les Poulenc (rires).

RM : Quelle est la différence entre L'Amour vainqueur et ce type d'œuvres que sont Le Rossignol et Les Mamelles de Tirésias ?

OP : Fondamentalement il n'y en a pas, mis à part que dans L'Amour vainqueur, ce sont les artistes présents sur scène qui constituent l'orchestre et qu'il n'y a pas, à proprement parler, d'orchestration. La musique de Poulenc est complexe. C'est un bric-à-brac dans lequel il y à la fois du cabaret, de l'expérimental. C'est peut-être pour cette raison que je me sens bien aussi dans ce répertoire très éclectique.

RM : Il y a un côté théâtre de l'entre-deux guerres que vous assumez complètement dans beaucoup de vos spectacles. Pourquoi êtes-vous resté fidèle à cette esthétique ?

OP : Il y a eu dans l'entre-deux guerres un moment civilisationnel extraordinaire de fête, de joie, qui ne s'est sans doute pas retrouvé après. Cette époque a produit un répertoire très éclectique, avec des expressions musicales très différentes. Ensuite j'ai monté Orphée aux enfers à Lausanne, donc ce qui a été à proprement parler ma première opérette.

« Le problème de l'opérette est le même que l'opéra, cela coûte très vite très cher. »

RM : L'opérette est importante sur cette scène du Châtelet, car elle fait tellement partie de l'histoire de la maison. Aimeriez-vous en produire davantage ?

OP : Oui, j'aimerais en faire plus. Mais le problème de l'opérette est le même que l'opéra, cela coûte très vite très cher, les coûts de plateaux sont écrasants. Il difficile avec ce type de productions de faire des offres tarifaires basses. Dans les années qui viennent, ce sera probablement notre grande difficulté d'arriver à faire entrer du répertoire de l'opéra et de l'opérette sur la scène du Théâtre du Châtelet. L'Histoire du soldat ou d'autres types de création offrent des formats plus légers, dans lesquels il n'y a que des acteurs et des chanteurs.

RM : Pour la saison 2024-2025, vous vous êtes réservé la mise en scène de Peer Gynt, la pièce d'Ibsen, dans une version avec la musique de Grieg. Pourquoi avez-vous souhaité intégrer cette dimension musicale ?

OP : C'est une pièce de théâtre avec une musique exceptionnelle. Je n'ai jamais vu la totalité de la pièce d'Ibsen montée avec la totalité de la musique de Grieg. Je voulais que l'on entende l'intégralité de la musique de Grieg qui est prodigieuse, un chef d'œuvre. C'est un cas particulier, car il n'y a pas dans l'histoire de la musique tant de musiques de scène qui sont devenues aussi, voire plus célèbres, que l'œuvre de référence et même plus. Il n'y avait qu'au Châtelet que l'on pouvait faire ce genre de choses !

RM : Pourquoi monter Peer Gynt maintenant, à ce moment de votre carrière de metteur en scène ?

OP : J'étais prêt pour aller vers cette pièce qui n'est pas dans la veine du théâtre réaliste et social. Peer Gynt est devenu une pièce nationale, elle a fondé la Norvège, mais je la prends sur son versant universel. Elle a une part de conte et une part de réalisme social, mais elle est beaucoup plus folle. Parfois même, elle verse dans le fantastique. C'est un cas à part dans le corpus ibsenien. Le public est censé rire un peu dans la pièce d'Ibsen, surtout avec ses trolls qui sont à la fois pathétiques, méchants, mais drolatiques, une sorte de caricature des Norvégiens très amusante.

RM : Le public français connaît bien Peer Gynt, mais peut-être allez-vous lui apporter une autre vision de la pièce ?

OP : Oui, je pense qu'il aura une vision complètement différente à cause de la présence de la musique, d'autant que j'ai fait moi-même la traduction à partir d'une version anglaise que j'ai trouvé plus hautement poétique que tout ce que j'imaginais. J'ai également traduit à partir de l'allemand les paroles des chansons, qui seront chantées pour la première fois en français. La partition chant et piano dont nous disposons est en allemand. Je suis heureux que l'on puisse entendre La romance de Solveig dans ma version. Nous avons fait très peu de coupes, donc le spectacle devrait durer moins de quatre heures.

RM : Est-ce que vous avez encore le temps d'écrire des pièces originales ?

OP : C'est une question que l'on m'a posée toute ma vie. Il faut que j'aie le temps d'écrire, parce que si je m'arrête d'écrire, je ne sais pas qui je suis. Je pourrais dire que j'écris presque toujours un roman, mais que je n'écris pas toujours du théâtre.

« Il faut désormais que l'on apprenne à faire de l'opéra autrement, plus légèrement, plus sobrement. »

RM : Est-ce que le monde de l'opéra a changé depuis que vous réalisez des mises en scène d'opéra au début des années 2000 ?

OP : Oui, le monde de l'opéra a changé car il rencontre des difficultés financières colossales. J'ai connu la fin de l'âge d'or à Genève, où l'on pouvait faire à peu près tout ce qu'on voulait et où Jean-Marie Blanchard nous donnait une liberté à peu près totale. C'était extraordinaire d'avoir cette liberté. Mais surtout, ce qui a changé, c'est que l'on avait plus de temps pour répéter. Je faisais des workshops, j'allais travailler la lumière pendant quinze jours. Avant les répétitions, on avait le temps de de répéter et même quand on montait des œuvres qui n'étaient pas très longues, comme La Damnation de Faust, on pouvait quand même répéter cinq à six semaines, avec beaucoup de temps de plateau. Il faut désormais que l'on apprenne à faire de l'opéra autrement, plus légèrement, plus sobrement peut-être, dans certains cas.

C'est ne sont jamais les décors et les costumes qui coûtent très cher à l'opéra, c'est le coût de plateau qui est énorme. Ces œuvres-là n'ont pas du tout été imaginées dans notre cadre financier aujourd'hui. Mais nous n'allons pas s'arrêter de jouer Carmen ou Wagner, parce que c'est notre bien commun. Si on arrête de jouer Carmen et Wagner, on va démonter la Tour Eiffel aussi, et vendre le métal… La connaissance de notre patrimoine musical passe aussi cependant par le fait que l'on s'adapte au cadre dans lequel on vit.

RM : Donc, il faut-il faut forcément faire des compromis. Comment pouvez-vous en faire sur Carmen ou sur Wagner ?

OP : Avant on répétait deux mois, maintenant, on répète quatre semaines, c'est déjà un énorme compromis. On prépare davantage, on travaille plus en amont. Petit à petit, avec les années, j'ai adapté mon travail au théâtre avec celui que je faisais à l'opéra. Le travail des chanteurs a modélisé le rapport que j'ai eu avec les comédiens. Les chanteurs sont toujours très préparés, très dociles, et ils travaillent beaucoup. J'ai une grande admiration pour les chanteurs et j'ai beaucoup appris avec eux. Quand j'ai monté Les Contes d'Hoffmann, avec José van Dam, il avait déjà fait trente-cinq productions de cet opéra. Sa maîtrise complète du rôle lui permettait de nous apporter son savoir et lui donnait une très grande souplesse dans l'interprétation.

RM : Vous avez programmé Les Misérables, qui se produira pour la première fois dans un théâtre public à Paris. Est ce qu'il y aura d'autres comédies musicales en anglais dans les saisons à venir ?

OP : Je me bats pour la french touch, je suis heureux que l'on fasse des comédies musicales en français. C'est une comédie musicale française donc il y a aucune raison de la chanter en anglais. Mais j'ai quelques projets de comédie musicale, en anglais bien sûr.

Crédits photographiques : – Théâtre du Châtelet © Carole-Bellaiche ; L'Amour vainqueur – © Alain Fonteray ; Costumes Les Misérables © Jean-Daniel Vuillermoz

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1 commentaire sur “Olivier Py : Venir au Châtelet doit être une fête !”

  • ZOUZOU PICH tél : 0768949817 dit :

    bonjour et félicitation à Olivier PY, pour son nouveau spectacle. Je souhaiterais lui proposer un concept burlesque rétro mais au goût du jour qui pourrait attirer les foules.

    J’ai jouer dans la revue loufoque à l’Alcazar de Paris, sous la houlette de Jean-Marie Rivière.
    J’étais très proche de « Michou » de Montmartre, la mascotte d’ « Arthur  » sur TF1, et la coqueluche de la vie tropézienne de l’époque Bardot, Barclay, et Paul Lanka, avec des chansons rigolotes. Dans 120 minutes de bonheurs, j’a été plébiscité par 8 millions de fans ?
    Amitiés. ZOUZOU PITCHOUN

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