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Nina Stemme fait ses adieux scéniques à Isolde

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Palerme. Teatro Massimo. 29-V-2024. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur, d’après la légende médiévale éponyme. Mise en scène : Daniele Menghini. Décors : Davide Signorini. Costumes : Nika Campisi. Lumières : Gianni Bertoli. Dramaturgie : Davide Carnevali. Assistant à la mise en scène : Martin Verdross. Chorégraphie : Davide Tagliavini. Avec : Nina Stemme, Isolde ; Michael Weinius, Tristan ; Maxim Kuzmin-Karavaev, König Mark; Andrei Bondarenko, Kurwenal ; Miljenko Turk, Melot ; Violeta Urmana, Brangäne ; Andrea Schifaudo, Ein junger Seemann/Ein Hirt ; Arturo Espinosa, Ein Steuermann. Corpo di ballo del Teatro Massimo di Palermo (Directeur de ballet : Jean-Sébastien Colau). Coro del Teatro Massimo di Palermo (Chef de Chœur : Salvatore Punturo). Orchestra del Teatro Massimo di Palermo, direction musicale : Omer Meir Wellber

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    À Palerme, fait ses adieux scéniques à Isolde, après avoir régné sur le rôle pendant plus de vingt ans, dans une mise en scène de pensée pour sa situation.

    C'est la plus grande Isolde de sa génération ; quitte le rôle scéniquement au Teatro Massimo de Palerme, dans une production créée pour l'occasion. Devenue célèbre avec l'opéra wagnérien après sa prise de rôle à Glyndebourne en 2003, a depuis parcouru toutes les grandes salles du monde avec ce personnage. Encore référente à Aix-en-Provence en 2021, la soprano dramatique suédoise possède toujours toute la puissance vocale nécessaire à sa partie, mais préfère laisser la place aux autres – dont Allison Oakes qui clôturera la production deux jours plus tard – sans se fermer l'occasion d'une ou deux prestations de concert dans l'avenir.

    Bouleversante pour sa dernière mort, elle est en plus servie par la production du jeune , ancien assistant de Graham Vick, dont il a achevé en 2021 le projet d'Un ballo in maschera au Teatro Regio di Parma, juste après la mort du metteur en scène anglais. Sur un plateau entièrement découvert dès l'entrée en salle, grâce auquel on profite de toute l'arrière-scène de l'une des plus belles et anciennes maisons d'opéra, un homme en T-shirt noir entre d'abord pour jouer quelques mesures fugaces de la Mort d'Isolde sur un piano. Puis il prend la partition et l'amène en fosse : il s'agit d', directeur musical des lieux, qui peut alors débuter le Prélude de l'acte I. Pendant cette partie purement symphonique, un autre homme en noir vient uriner dans une bonbonne d'eau à droite de la scène, à côté d'une table qui place l'action dans des coulisses d'opéra, autour d'une proposition de théâtre dans le théâtre dans laquelle le corps de ballet interviendra aussi.

    L'homme se déshabille ensuite, puis choisit des ailes rouges, comme pour devenir un ange maudit, et sortir au fur-et-à-mesure les objets du drame, avant d'apparaître à la scène finale en magnifique Cupidon, sa plastique gréco-romaine ajoutant de la force à la proposition. Autour de lui, les chanteurs arrivent un à un par le parterre, puis passent leur temps à jouer entre répétitions (avec des pupitres et partitions devant eux) et représentations. Dans l'action, tous prennent les costumes qu'ils trouvent sur les portants, dont des habits du théâtre Elisabéthain de Shakespeare, par lesquels Menghini renforce le parallèle entre Roméo et Juliette et le livret de Wagner. Le philtre est bu avec l'eau de la bonbonne en fin d'acte I, une scène du balcon se joue à côté des chanteurs pendant la scène d'amour de l'acte II – le pauvre Roméo sera ensuite pendu à l'envers pour se faire retirer le cœur, donné à la fin aux amants -, tandis qu'un acteur vient en Hamlet de l'autre côté déterrer des crânes, qui rappellent à l'instar des catacombes des Capucins de Palerme que le temps s'écoule toujours inéluctablement.

    De cette proposition avec certaines allégories déjà vues se démarque toutefois une grande intelligence et une superbe force poétique, où tous les éléments sont pensés pour accompagner l'idée forte de cette production : montrer dans des costumes de scène la plus belle Isolde depuis plusieurs décennies, pour lui ôter enfin la robe et la laisser en habit de ville à sa dernière mort, afin de lui rendre sa liberté en dehors de ce rôle. Autour d'elle, si nous aurions sans doute préféré la stature de René Pape, présent les deux autres soirs pour König Marke, plutôt que la basse de la seconde distribution (ses graves chauds manquent encore de profondeur pour marquer le rôle), tout le reste s'accorde parfaitement. Sans être de la puissance de Stephen Gould avec lequel Nina Stemme a le plus adoré chanter Isolde, tient sans coup férir toute la partie de Tristan, vaillant tout l'acte II et encore plein de vigueur au III, en plus de montrer bien plus de charisme scénique qu'il y a dix ans. Le Kurwenal d' possède tant la matière que la diction pour faire vivre son personnage, de même que pour Melot ou Andrea Schifaudo pour le jeune marin et le pâtre. Arturo Espinosa complète avec un Timonier énergique la distribution, où Brangäne revient idéalement à une autre importante Isolde de ce début siècle. Sans posséder tous les graves de certaines mezzos, ni la densité vocale de ses plus grandes années, Violetta Urmana s'adapte en effet idéalement à l'occasion en étant une Brangäne proche de Stemme par la couleur du timbre, en plus d'instiller par sa présence la voie à suivre pour la grande soprano dans sa fin de carrière.

    En accord avec la scène, ajuste le Coro -toujours du Paradis- et l'Orchestra del Teatro Massimo di Palermo avec un style toujours dynamique. Devant son ensemble rangé à l'allemande avec les contrebasses en ligne à l'arrière, il fait ressortir d'inédits contrepoints de cuivres toujours très nets, en plus de superbement valoriser les cordes, dont leurs grands soli. Le cor anglais magnifie toutes ses interventions aux derniers actes, présent sur scène comme s'il répétait, dans cette mise en abime théâtrale parfaitement réussie de , à suivre de très près dans les années à venir, tandis qu'on dit adieu par cette production à la plus grande Isolde de notre époque.

    Crédits photographiques : © Rosellina Garbo

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    Palerme. Teatro Massimo. 29-V-2024. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, action en trois actes sur un livret du compositeur, d’après la légende médiévale éponyme. Mise en scène : Daniele Menghini. Décors : Davide Signorini. Costumes : Nika Campisi. Lumières : Gianni Bertoli. Dramaturgie : Davide Carnevali. Assistant à la mise en scène : Martin Verdross. Chorégraphie : Davide Tagliavini. Avec : Nina Stemme, Isolde ; Michael Weinius, Tristan ; Maxim Kuzmin-Karavaev, König Mark; Andrei Bondarenko, Kurwenal ; Miljenko Turk, Melot ; Violeta Urmana, Brangäne ; Andrea Schifaudo, Ein junger Seemann/Ein Hirt ; Arturo Espinosa, Ein Steuermann. Corpo di ballo del Teatro Massimo di Palermo (Directeur de ballet : Jean-Sébastien Colau). Coro del Teatro Massimo di Palermo (Chef de Chœur : Salvatore Punturo). Orchestra del Teatro Massimo di Palermo, direction musicale : Omer Meir Wellber

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