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L’humaine beauté des Vêpres de Monteverdi par Les Traversées Baroques

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Dijon. Auditorium. 30-V-2024. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Vespro della Beata Vergine. Avec: Capucine Keller, Dagmar Šašková, sopranos ; Maximiliano Baños, Thi-Lien Truong, altos ; Vincent Bouchot, François-Nicolas Geslot, Augustin Laudet, ténors ; Jaromír Nosek, Henry Boyles, basses. Chœur (chef de choeur : Anass Ismat) et Les Traversées Baroques, direction : Etienne Meyer

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A Dijon, l'ensemble fondé par et Judith Pacquier rejoint le sérail des grands interprètes du chef-d'œuvre spirituel de


A jauger l'affluence autant que le silence religieux de l'auditoire, on mesure combien la somme monteverdienne, si elle n'a pas eu, en 1610, l'effet escompté sur le Pape Paul V (attirer l'attention du Pontife sur le compositeur), est devenue, à l'instar de la Messe en si de Bach, un des symboles majeurs du rituel pour tous, ce qu'avait définitivement démontré l'éblouissante interprétation de La Tempête. Condition sine qua non : les Vespro della Beata Vergine nécessite une confrérie musicale de premier ordre.

Après Savall, Gardiner, Garrido, Bestion, Pichon, Alarcón, s'attaquent à l'Everest musical des Vêpres. Ferveur, technicité: la version Meyer ne ploie pas, bien au contraire sous le manteau de gloire que cette partition virtuose pose généralement sur les épaules de ses interprètes. Littéralement enivré par elle, Bestion n'avait pu se résoudre à en lâcher les rênes qu'au terme d'une version de 2h22. Garrido tutoyait presque les 2 heures avec, entre autres rajouts, les deux versions du grand Magnificat conclusif. Hormis, comme Bestion, un clin d'oeil à Frescobaldi (Toccata et Recercar con obligo di cantare la quinta parte) en très judicieux pendant masculin du gynécée de l'envoûtante Sonata sopra Sancta Maria, Meyer conclut avec le Magnificat à six voix, une version des Traversées qui aura réinitialisé les compteurs à 1h40.

Chacun des interprètes semble rompu à l'autre temps du style monteverdien. En tout premier lieu le Chœur de l'Opéra de Dijon. C'est seulement à l'issue de la soirée que l'on réalise que n'ont pas, comme Pygmalion, un ensemble vocal attitré. On aurait été prêt à parier le contraire devant la complicité manifeste entre la direction gracieuse et tranquille d' (précision, sens des effets, envoi des conclusions) et les vingt-deux chanteurs préparés par Anass Ismat, conviés au flux et reflux des polyphonies, à des cantus firmus de toute beauté. Certains se joignent parfois aux six solistes, lesquels sont à leur tour conviés à se fondre dans le chœur. On bouge beaucoup dans ces Vêpres, même les instrumentistes, sommés comme les chanteurs aux agencements les plus divers : les dames investiront le parterre pour la Sonata, le plateau se videra pour le Duo Seraphim


Envoûté, l'auditeur navigue entre la marée vocale des tutti et la confidence des soli. Penché, pour la première fois peut-être, sur les textes de Nigra sum et de Pulchra est, on y trouve matière à confirmation des confessions sensuelles émises depuis le Cantique des Cantiques sur un fond enchanteur de théorbes et de harpe, par un diseur énamouré (), par les sopranos parfaitement appariés de de et . Alto (Maximiliano Baños) et basse () s'intègrent à bon escient, la partition sollicitant surtout ses ténors, ici et et , qui font montre d'une science consommée du stile concertato, avec des dialogues en écho bien spatialisés. Les 15 instrumentistes des Traversées sertissent un écrin de premier choix: la rivalité complice des deux violons, l'autorité sombre des sacqueboutes, le dépaysement garanti des cornets à bouquin, les délicieuses flûtes à bec en plein Magnificat

Généralement habitués aux randonnées des chemins de traverse (leur merveilleux oratorio de Bonaventura Aliotti, Il trionfo della morte, ou plus récemment La Morte vinca sul Calvario de Marc'Antonio Ziani), les Traversées Baroques franchissent un pas avec ces Vespro dont la prégnante humanité aura vraiment métamorphosé l'Auditorium dijonnais (déjà rhabillé pour le printemps en Temple par une Passion selon Leonardo Garcia Alarcón) en cathédrale.

Crédits photographiques : © Edouard Barra

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