Récit de femmes aux Rencontres chorégraphiques de Seine Saint-Denis

À La Chaufferie, lieu de résidence de la compagnie de Philippe Decouflé, DCA, une double soirée dans le cadre des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine Saint-Denis pour deux créations féminines autour de la guerre et de la mort.

Gaëlle Bourges poursuit son récit autour de l'histoire de l'art dans Juste Camille, avec les élèves de l'École nationale supérieure des arts de la marionnettes de Charleville-Mézières. Gaëlle Bourges nous a habitués à son exploration fine et subtile des chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art : la tapisserie de La Dame à la Licorne, dans À mon seul désir, une fresque du Palazzo de Sienne dans Conjurer la peur, L'Olympia de Manet dans La bande à LAURA. Ici, c'est un cassonne, coffre de mariage toscan conservé au musée des Beaux-Arts de Tours, qui sert d'inspiration à ce nouveau spectacle, réalisé avec l'aide des étudiants de l'École de marionnettes de Charleville-Mézières. Sur ce coffre, plusieurs scènes de la vie de Camille, personnage de l'Énéide. Camille, fille de Metabus, roi des Volsques, est une femme guerrière. On l'aperçoit au milieu d'hommes en armes ou dans des tribunes dominant les combats.

Cette histoire très ancienne sert de prétexte à Gaëlle Bourges pour tisser un récit féministe à mi-chemin entre les Amazones et une zadiste. Figurants inspirés, les élèves marionnettistes ont aussi conçu les artefacts du spectacle, cheval de bois, javelot, arc et flèche qui soutiennent le récit. Chacun est coiffé d'un bonnet sur lequel on devine les trois premières lettres du prénom de Camille en lettres dorées. Des indices que Gaëlle Bourges se plaît à nous révéler en voix off, tissant son récit de digressions contemporaines, comme l'évocation de la ZAD de Notre-Dame des Landes, dont Camille, si elle avait vécu aujourd'hui, aurait pu selon elle être une militante.

C'est une tout autre histoire que Solène Weinachter, danseuse et chorégraphe française désormais indépendante vivant en Écosse, récente interprète de Ben Duke dans Romeo & Juliet, nous livre dans AFTER ALL, un récit familial, touchant et déjanté qui part d'un deuil pour raconter l'histoire d'une famille et d'un exil. Sous la forme d'un stand up, la danseuse met en scène les funérailles de son oncle Bob, faisant revivre chacun des membres de la famille avec drôlerie et truculence. Son solo vivifiant est prétexte à évoquer les manières de faire son deuil, les absurdités des obsèques contemporaines mais aussi l'éloignement que crée l'exil.

Sa sincérité et son engagement, alliés à un ton très direct, sont perceptibles aussi dans sa danse, très généreuse. Elle se transforme en show-girl à paillettes avec naturel et nous entraîne dans un tourbillon pop de sentiments mélangés, de joies et de peines, comme ce que l'on éprouve dans la vie de toutes les familles. C'est savoureux…

Crédits photographiques : Juste Camille © Hervé Dapremont pour l'Institut International de la Marionnette _ ESNAM ; AFTER ALL © Geneviève Reeves