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Le dernier Penderecki, ou la nostalgie du lyrisme

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Krzysztof Penderecki (1933-2020) : Trumpet Concertino (2015) ; Concerto doppio pour violon, violoncelle et orchestre (2012) ; Symphonie n°6 « Chinese Songs » (2008-2017). David Guerrier, trompette ; Aleksandra Kuls, violon ; Hayoung Choi, violoncelle ; Jaroslav Brȩk, baryton basse ; Hsin Hsiao-ling, erhu. Norrköping Symphony Orchestra ; Antoni Wit, direction. 1 CD NAXOS 8.574050. Enregistré du 20 au 23 juin 2022 au Louis de Geer Konzert & Kongress i Norköpping (Suède) ; le 18 décembre 2022 à la Bauhinia Musik Haus (Hong-Kong). Notice en anglais. Durée 60:56.

 

Onze ans après la parution du coffret hâtivement étiqueté / Complete Symphonies, voici la manquante à cette somme, l'antépénultième : la Symphonie n°6, « Chants chinois ». , compatriote et fidèle du compositeur, la dirige ici, à la tête du , à côté du Concertino pour trompette ainsi que du Double Concerto pour violon et violoncelle. Trois œuvres datées des années 2010 qui nous ramènent à l'esthétique de la première moitié du XXe siècle.

Gravité, solennité, expressivité : le ton est donné dès les premières mesures du Concertino pour trompette (2015), qu'inaugure un bref roulement de caisse claire débouchant sur deux dramatiques intervalles d'octaves augmentées descendantes à l'orchestre, lesquels seront repris quelques mesures plus tard comme pour enfoncer le clou. Écrite en quatre mouvements, cette œuvre concise de 11 minutes est vraiment un dialogue tendu entre la trompette solo et la masse des autres instruments. Thèmes et atmosphères s'enchaînent donc rapidement avec une motricité énergique, nerveuse, une multitude de couleurs (rôle moteur des cordes opposé à la suspension introduite par la flûte ou d'autres vents) et des effets théâtraux – par exemple, au tout début, la trompette est jouée en coulisse, puis, comme appelée par l'orchestre, elle arrive au premier plan. Plusieurs références, sinon citations, s'entendent dans cette belle œuvre mettant en relief la mélodie et le rythme : Stravinsky, Bartók ou encore Ivan Jevtic, lui-même auteur de pièces pour trompette. s'y montre un parfait combattant décidé et précis.

Changement total d'atmosphère avec le Concerto doppio pour violon, violoncelle et orchestre (2012), beaucoup plus élégiaque et intérieur. C'est une sorte de psychodrame qui se joue ici, en un seul mouvement, et que caractérisent une imagination infinie dans le renouvellement des formules, une spécialisation savante des plans sonores et la brillance du violon, clairement la vedette du morceau. Le jeu virtuose et si expressif d' fait merveille. À ses côtés, la partie de violoncelle, que joue Hayoung Choi, paraît très secondaire. Le compositeur était fasciné par l'image du labyrinthe et comparait volontiers sa composition à une déambulation avec bifurcations, retours sur ses pas et finalement découverte d'une sortie. Le violon est peut-être ce marcheur solitaire et quelque peu tourmenté, mais qui finit par trouver l'apaisement dans un final plutôt suspendu qui rassérène.

Le invite le baryton basse Jaroslav Brȩk et la joueuse d'erhu Hsin Hsiao-ling dans la Symphonie n°6 « Chinese Songs » (2008-2017). Cette œuvre baignant dans un climat d'exotisme, d'énigme et de complainte se réfère directement au Chant de la Terre de Gustav Mahler, Penderecki, désireux d'écrire une « élégie pour une forêt mourante », ayant lui aussi puisé dans des poèmes chinois traduits en allemand par Hans Bethge. Huit chants en tout qui s'enchaînent rapidement sur les quelque 29 minutes que dure l'œuvre, parmi lesquels : « Die geheimnisvolle Flöte » (« La Flûte mystérieuse »), « In der Fremde » (« À l'étranger » ou « Loin de la maison »), Die wilden Schwäne » (« Les Cygnes sauvages »), « Verzweiflung » (« Désespoir ») ou encore « Mondnacht » (« Nuit de pleine lune »). Ils sont reliés entre eux par des soli d'erhu, ce qui donne une couleur toute particulière et son étrange beauté à l'ensemble de la pièce. Solitaire, tourmentée, lyrique à souhait, la voix est comparable au violon du Concerto doppio, tandis que l'erhu, totalement seul pourtant, apporte une sorte de contrepoint objectif, symbolisant peut-être la nature, divinité immanente. La symphonie a été enregistrée une première fois en 2019, soit l'année précédant la mort du compositeur, avec Wojciech Rajski à la baguette et Stephan Genz. Nous nous rallions à l'avis de Christophe Huss, du Devoir, qui donne sa préférence à l'approche du baryton allemand, « très Lied », « plus disante » que celle de Jaroslav Hašek, dont la voix de baryton-basse, plus opératique, joue plutôt, sous la direction d', la carte d'un lyrisme altier.

Saluons le travail inlassable d', qui réunit ici trois partitions peu connues du compositeur disparu en 2020.

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Krzysztof Penderecki (1933-2020) : Trumpet Concertino (2015) ; Concerto doppio pour violon, violoncelle et orchestre (2012) ; Symphonie n°6 « Chinese Songs » (2008-2017). David Guerrier, trompette ; Aleksandra Kuls, violon ; Hayoung Choi, violoncelle ; Jaroslav Brȩk, baryton basse ; Hsin Hsiao-ling, erhu. Norrköping Symphony Orchestra ; Antoni Wit, direction. 1 CD NAXOS 8.574050. Enregistré du 20 au 23 juin 2022 au Louis de Geer Konzert & Kongress i Norköpping (Suède) ; le 18 décembre 2022 à la Bauhinia Musik Haus (Hong-Kong). Notice en anglais. Durée 60:56.

 
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