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Dudamel et le LA Philharmonic : un Fidelio expérimental qui interroge

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 31-V-2024. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Fidelio, opéra en deux actes sur un livret de Joseph von Sonnleithner, révisé par Stephan von Breunig (1806) puis par Georg Friedrich Treitschke (1814) d’après Léonore ou l’Amour conjugal de Jean-Nicolas Bouilly. Version semi concertante. Mise en scène : Alberto Arvelo. Avec : Tamara Wilson (Leonore), Andrew Staples (Florestan), James Rutherford (Rocco), Gabriella Reyes (Marcelline), Shenyang (Don Pizzaro), David Portillo (Jaquino), Patrick Blackwell (Don Fernando). Compagnie Deaf West Theatre ; Chœur de Mano Blancas de El Sistema, Chœur du Grand Théâtre du Liceu de Barcelone, Chœur du Palais de la Musique catalane, L.os Angeles Philharmonic, direction : Gustavo Dudamel

Entre version de concert, version semi scénique et pantomime, ce Fidelio expérimental « signé » mis en scène par , peine à trouver sa place…

Voilà un Fidelio expérimental qui dans sa conception même s'adresse préférentiellement à un public mal entendant. S'agissant d'un opéra de Beethoven, la chose va naturellement de soi, pouvant même paraitre judicieuse dans un souci d'inclusion. Chaque personnage est interprété par un chanteur doublé d'un acteur sourd du Deaf West Theatre, chargé de déployer une poésie gestuelle qui fusionne avec le chant grâce à l'expressivité de la langue des signes et du langage visuel, en ménageant (lors des récitatifs signés) une large place au silence…

Ceci est louable et judicieux d'un point de vue conceptuel, discutable dans son intérêt réel, car il faudrait savoir exactement combien de malentendants sont susceptibles d'assister à de telles représentations hybrides, et assez peu convaincant dans sa réalisation pratique (parfois confuse) comme dans son impact émotionnel (moins immédiat). Quant à son intérêt culturel pour la population mal entendante, il reste à définir par rapport à un spectacle de danse ou de mime… Reste de mettre en avant le langage des signes dont l'avenir parait cependant bien incertain dans les populations occidentales face aux techniques chirurgicales d'implantations endo cochléaires qui devraient le rendre prochainement obsolète. La discussion reste ouverte et l'avenir seul dira ce qu'il adviendra de telles initiatives qui associent, en définitive, ou plutôt superposent, deux spectacles en un seul : version de concert et pantomime.

Unique opéra de Beethoven, plusieurs fois remanié et révisé, Fidelio délivre un message de liberté, de fraternité et d'humanité non dépourvu d'ambiguïté puisque cultivant, in fine, le mythe du bienveillant souverain à mille lieux des idéaux révolutionnaires.

La mise en scène d' ne s'embarrasse pas de telles arguties, relevant assez brillamment le défi dans un confortable premier degré, servie par la troupe du Deaf West Theatre toute acquise à sa cause et parfaitement rodée au langage des signes dont la gestique s'intègre joliment dans le jeu théâtral. La scénographie est réduite au plus simple puisque limitée à la seule scène de la salle Pierre Boulez partagée entre orchestre, chanteurs et acteurs. Les costumes hideux présentent en revanche une signalétique claire : blanche pour les chanteurs et plus colorée pour leur double acteur. La direction d'acteurs séduit par leur engagement sans faille où l'on retiendra tout particulièrement Hector Reynoso en Rocco, Daniel Durant en Florestan et Amelia Hensley en Fidelio.

Le Los Angeles Philharmonic conduit magistralement, dans un climat très chambriste, par , est sans conteste le grand triomphateur de cette soirée, tout à la fois élément essentiel de la dramaturgie qu'il soutient avec verve et élément fédérateur entre acteurs et chanteurs. On admire, encore une fois, dès l'ouverture, la sonorité orchestrale, l'excellence des vents avec une petite harmonie admirable, la clarté, les contrastes et les nuances judicieuses d'un phrasé très en relief ne compromettant jamais le parfait équilibre avec les chanteurs.

La distribution vocale, stricto sensu, puisque la composante théâtrale est assumée par d'autres, est relativement homogène, largement dominée par la présence vocale imposante d' dans le rôle de Florestan qui impressionne par sa puissance de projection, par son legato et sa présence scénique. Face à lui, Tamara Wilson n'a peut-être pas la voix la plus adéquate pour ce rôle difficile de Fidelio, souvent échu à des mezzo-sopranos : si les aigus ardents sont brillamment assurés bien qu'un peu agressifs, le timbre manque de rondeur et la ligne de chant parait bien souvent flottante et discontinue dans le medium avant de s'effacer dans le grave. Flamboyante, Gabrielle Reyes assume avec éclat une Marzelline bien chantante dont le chant se voit pénalisé par un gênant vibrato. campe un Rocco de belle stature vocale, à l'instar de en Don Pizzaro, tandis que (Jaquino) semble plus en retrait. Le Chœur du Liceu, du Palais de la Musique catalane et celui de Manos Blancas de El Sistema, également doublés, participent largement de la « réussite » de cette initiative opératique innovante.

Crédit photographique : © Ondine Bertrand / Cheeese 

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