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« Oh là là ! Händel ? », édition 2024 du festival Haendel de Halle

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Halle an der Saale. Cathédrale. 25-V-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Esther, oratorio en trois actes HWV 50. Avec : Zoë Brookshaw, soprano (Esther) ; Xavier Hetherington, ténor (Assuérus) ; Alex Ashworth, basse (Haman) ; Joseph Doody, ténor (Mordecai) ; Kate Symonds-Joy, soprano (Une Israëlite) ; Thomas Herford, ténor (Premier Israélite) ; David de Winter, ténor (Habdonah, Un Officier, Deuxième Israélite) ; Clare Lloyd-Griffiths, soprano et James Hall, contreténor (Priest of the Israelites). Chœur et orchestre Solomon’s Knot, direction et baryton : Jonathan Sells

Halle an der Saale. Opéra. 26-V-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Amadigi di Gaula, opéra en trois actes sur un livret anonyme. Mise en scène : Louisa Proske. Décors et costumes : Kaspar Glarner. Vidéo : Jorge Cousineau. Chorégraphie : Michal Sedláček. Lumière : Heiko Reimann. Avec Rafał Tomkiewicz, contreténor (Amadigi) ; Serafina Starke, soprano (Oriana) ; Franziska Krötenheerdt, soprano (Melissa) ; Yulia Sokolik, mezzosoprano (Dardano) ; Deulrim Jo, soprano (Orgando). Ballet de Halle. Orchestre du festival Haendel de Halle, direction : Dani Espasa

Bad-Lauchstädt. Goethe-Theater. 27-V-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Terpsicore, ballet HWV 8b. « Ombre pallide », sinfonia et « Credete al mio dolore » extraits d’Alcina. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : extraits vocaux et instrumentaux des Boréades, Les Fêtes d’Hébé, Zaïs, Dardanus et Les Indes galantes. Mise en scène et chorégraphie : Emanuele Soavi. Décors et costumes : Raissa Kanelfitz. Lumière : Fabian Bleisch. Avec : Federico Casadei, Taeyeon Kim, Lisa Kirsch, Lorenzo Molinaro, Joel Small, danseurs ; Hanna Herfurtner, soprano ; Coline Dutilleul, mezzosoprano. Lautten compagney BERLIN, diretion musicale : Wolfgang Katschner

Halle an der Saale. Salle Freylinghausen der Franckeschen Stiftungen. 28-V-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Teseo, opéra en cinq actes HWV 9, sur un livret de Nicola Francesco Haym d’après la tragédie lyrique Thésée de Philippe Quinault. Avec Dennis Orellana, contreténor (Teseo) ; Suzanne Jerosme, soprano (Agilea) ; Fanny Lustaud, mezzo-soprano (Medea) ; Sonja Runje, mezzo-soprano (Egeo) ; Johanna Rosa Falkinger, soprano (Clizia) ; Franko Klisović, contreténor (Arcane) ; Michał Pytlewski, basse (Prêtre de Minerve). Wrocław Baroque Orchestra, direction : Jarosław Thiel

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Une programmation originale, censée mettre en valeur tout ce que le compositeur saxon doit à la culture française. Inventivité, originalité et créativité au service du répertoire qui continue à enchanter un public toujours avide de nouvelles expériences musicales.


Pour l'année 2024, le festival Haendel de Halle, dédié comme tous les ans au compositeur fétiche de la ville saxonne, a fait le choix de se pencher sur toutes les inspirations françaises de l'œuvre haendélienne. Parmi les opéras, ont ainsi été programmés les seuls titres ayant des sources résolument françaises : Teseo, le seul des opéras de Haendel à avoir été composé en cinq actes, à partir du livret écrit par Quinault pour le Thésée de Lully, mais également Amadigi di Gaula, traduction-réécriture par un librettiste anonyme de l'Amadis de Quinault, opéra lui aussi mis en musique par Lully, et de l'Amadis de Grèce de Houdar de La Motte, écrit quant à lui à l'intention d'André Cardinal Destouches. Autres œuvres majeures programmées lors du festival, les deux oratorios inspirés de l'œuvre de Racine, Esther et Athalia, ainsi qu'un certain nombre de concerts dont celui donné par la soprano Sophie Junker afin de rendre hommage à la soprano Elisabeth Duparc, dite « La Francesina », la seule chanteuse française à avoir en son temps travaillé avec Haendel. Le spectacle intitulé Terpsicore était quant à lui une manière d'évoquer la fructueuse collaboration entre Haendel et la ballerine française Marie Sallé.


Donnée dans la cathédrale de la ville, dont l'acoustique est, en tout cas depuis les premiers rangs, très favorable à l'audition de la musique, la version de l'oratorio Esther est celle de 1718, laquelle constitue la première tentative de Haendel de s'essayer à ce qui allait devenir le genre entièrement nouveau de l'oratorio anglais. Présentée en version de concert, elle permet à certains chanteurs de laisser libre cours à leur goût et leur talent pour la théâtralité, comme par exemple le jeune ténor , lequel brosse du roi Assuérus un portrait d'amoureux transi tout à fait convaincant et attachant. Comme cela s'était vraisemblablement fait lors de la création de cet ouvrage, le chœur est constitué de la dizaine de solistes réunis sur le plateau. C'est dire la qualité générale de l'ensemble, même si aucune voix ne se détache des autres, ce qui est parfaitement conforme aux circonstances que l'on imagine de la création de cet ouvrage, écrit dans un cadre privé à l'intention du duc de Chandos, chez qui le jeune Haendel résidait à l'époque. Tout au plus pourra-t-on noter les qualités à la fois de timbre et de puissance du contreténor , que l'on devrait prochainement réentendre dans des emplois plus conséquents. On notera également l'exceptionnel engagement de tous les chanteurs, qui ont tous appris par cœur la totalité de leur partie. Préparés par le chef et baryton , révélé en 2007 par le Jardin des Voix de William Christie, les musiciens de l'ensemble Solomon's Knot enchantent par leur précision, leur attention au détail et l'exceptionnelle qualité des différentes parties solistes. Une œuvre enthousiasmante, servie par des interprètes chevronnés.

Programmé, pendant le temps du festival, dans le cadre de la saison 2023-2024 de l'Opéra de Halle, Amadigi di Gaula est le cinquième opéra écrit par Haendel pour la scène du King's Theatre du Haymarket. Composé pour seulement quatre personnages, auxquels se rajoute à la toute fin de l'ouvrage un deus ex machina de circonstance, cet opéra difficile à mettre en scène souffre d'une intrigue assez mal ficelée, peu logique dans sa structure et sujette à un certain nombre de répétitions dans son déroulement dramatique. La musique, dont Charles Burney avait écrit qu'il s'agissait selon lui d'une des meilleures composées par Haendel pour la scène, est en revanche de la plus belle facture, avec de superbes parties instrumentales pour l'accompagnement de certains airs, comme par exemple le basson du célèbre « Pena tiranna » ou encore les deux trompettes de « Desterò dall'empia dite », ici transposées pour hautbois et trompette. Le parti pris de la metteuse en scène , pour cet opéra dit « magique », est de créer autour du protagoniste une odyssée hallucinatoire qui lui fait, au gré des rencontres, triompher des épreuves et des obstacles qui se dressent sur son chemin. Pour ce faire, elle a fait appel au scénographe Kaspar Glarner qui, aidé du vidéaste Jorge Cousineau, du chorégraphe Michal Sedláček et des lumières de Heiko Reimann, construit un univers très imagé, aussi déjanté, décalé et démesuré que fantasmatique, mortifère et anxiogène. Les quatre personnages du drame évoluent en effet dans un monde cauchemardesque dominé par l'informatique, construit autour de réseaux et de câblages dans lequel l'intelligence artificielle tend à détruire la part d'humanité qui continue à habiter les protagonistes, dont la puissance de résistance se traduit par les élans passionnels constitutifs du spectacle. De cette série de tableaux, animés grâce à une incontestable maitrise des outils numériques, émergent quelques scènes « d'époque » à la Watteau évoquant la nostalgie des pastorales et bergeries des temps passés. Le dénouement du drame semble d'ailleurs être accompagné d'un retour à une vie normale, le deus ex machina tant attendu se découvrant sous les traits de la célèbre statue de Haendel ornant la place du marché de Halle, autour de laquelle la vie de tous les jours, dans son ordinaire et sa banalité, semble soudainement recouvrer tous ses droits. Quelques aménagements dans la partition rendent possible la réalisation de ces moments de grâce. La partie musicale atteste la qualité du niveau que peuvent atteindre en Allemagne les petits théâtres de province. L'orchestre du festival Haendel de Halle n'a peut-être pas l'excellence des formations internationales plus spécialisées dans le baroque, mais il accompagne valeureusement, dirigé du clavecin de , les différentes étapes du spectacle. Il en est du même du ballet de la ville, très sollicité dans cette mise en scène, moyennant là aussi quelques libertés avec la partition. Des quatre solistes principaux, deux sont des troupiers de l'Opéra de Halle. La mezzo Yulia Sokoli apporte ainsi au personnage de Dardano de belles couleurs cuivrées, les stridences de la soprano Franziska Krötenheerdt convenant assez bien au personnage de Melissa, plus sorcière que magicienne dans cette proposition scénique. On lui préfèrera le soprano plus léger, plus clair et mieux conduit de , resplendissante Oriana à qui l'interprète apporte la fraîcheur de son timbre et la délicatesse de son jeu. Vocalement, le plateau est cependant dominé par le contreténor du Polonais , très convaincant par son timbre chaleureux et sa technique accomplie tout à fait adaptée à ce répertoire.


Sans un spectacle dansé, un hommage à l'influence de la culture française dans la production musicale de Haendel aurait été inconcevable. Le ballet Terpsicore, composé en 1734 pour servir à un prologue d'une reprise de l'opéra pastoral Il pastor fido de 1712, avait servi de prétexte pour mettre en lumière les talents de la danseuse Marie Sallé. La direction du festival a eu la bonne idée de monter ce spectacle dans le ravissant petit Goethe-Theater de la ville voisine de Bad-Lauschstädt, édifice inauguré au tout début du dix-neuvième siècle et fréquenté par tout le gratin musical de l'époque, qui venait se produire pour le public de cette ville d'eau autrefois très populaire. Hommage appuyé à l'art chorégraphique, le ballet n'est rien d'autre qu'une démonstration du pouvoir de la danse d'illustrer toute la palette des émotions permises par les différents pas de danse, mouvements commentés au fur et à mesure par deux spectateurs témoins de l'action, le dieu Apollon et la muse Erato. Dans la production du festival, la suite du spectacle propose un habile montage fait d'une succession de pièces instrumentales de Rameau données autour de deux airs de l'opéra de Haendel Alcina, manière assez astucieuse de rappeler toute l'influence mutuelle qu'ont pu avoir l'un sur l'autre ces deux compositeurs contemporains qui, hélas, ne se sont jamais rencontrés. La chorégraphie d'Emanuele Soavi parvient très intelligemment à combiner les mouvements d'époque, forcément suggérés par les rythmes de la musique, et une gestuelle plus contemporaine basée sur diverses formes de torsion et de contorsion des corps. Est également abordée, notamment par la présence d'un danseur drag queen aux gestes et à la morphologie androgynes, la question du genre, sujet évidemment central à l'époque de l'opéra de Haendel et finement transposé dans un contexte contemporain. Ambiguïtés, sous-entendus, gestes plus ou moins explicites informent une grande partie de la chorégraphie. La restitution musicale permet d'entendre le soprano percutant de la chanteuse , non dénué de stridences dans l'air de Morgana en deuxième partie, ainsi que le mezzo long et charnu de la jeune , à laquelle il échoit notamment de chanter « Ombre pallide », donné à deux voix avec la soprano, tandis que le danseur drag queen mime les paroles du texte au point de faire croire qu'il en est également l'interprète. La partie la plus authentique du spectacle provient assurément de la fosse, l'ensemble Lautten Compagney Berlin, dirigé par , faisant comme d'habitude état de son professionnalisme et de sa fine connaissance du répertoire baroque. Jolie soirée, donc, qui rappelle comment on peut sans difficulté revitaliser et donner un sens nouveau aux compositions et aux productions artistiques d'autrefois.


C'est finalement avec la présentation de l'opéra Teseo qu'a lieu la grande fête vocale tant attendue du public des amateurs de chant baroque. Le choix de la version de concert, forcément, ne permet pas de goûter et d'apprécier tous les méandres d'une intrigue comme à l'accoutumée complexe, dont les liens avec la tragédie lyrique française restent néanmoins perceptibles. Ici, les chanteurs ne sortent pas nécessairement de scène à la fin de leur air, pouvant même enchaîner plusieurs airs à la suite, formant une longue scène dramatique imbriquant récitatifs et airs, à la manière du modèle français. Quelques coupures viennent raccourcir le concert sans pour autant nuire à l'intelligibilité de l'action, laquelle pâtit nécessairement de l'absence de mise en scène, particulièrement dommageable pour cet opéra dit « magique », dont les effets scéniques spectaculaires constituaient du temps de la création un indéniable atout. On se saurait dire, vocalement, qui exactement domine le plateau. Sans doute la prestation le plus accomplie revient-elle à la jeune Française Suzanne Jerosme, dont le soprano frais, cristallin et délicieusement timbré convient parfaitement au personnage d'Agilea, dont elle a la virtuosité étourdissante pour le brillant de « M'adora l'idol moi », mais également tout le pathos qu'il faut pour les airs plus élégiaques comme « Deh v'aprite, o luci belle » ou « Amarti io sì vorrei ». L'autre Française de la distribution, Fanny Lustaud, fait elle aussi, avec ses graves vrombissants et ses facilités dans la vocalise, forte impression dans le rôle de la magicienne Medea, dont elle traduit la violence et le tempérament vindicatif avec conviction et autorité. Avec son mezzo lisse et homogène, Sonja Runge chante le rôle d'Egeo de manière calme et posée, campant le portrait d'un souverain certes amoureux et passionné, mais néanmoins mesuré dans ses emportements. Le personnage de son fils, Teseo, est quant à lui interprété par le sopraniste , nouveau venu au bataillon de ces jeunes chanteurs venus d'Amérique latine, au rang des Samuel Mariño et Bruno de Sá, à la conquête des aigus et des suraigus. La prestation est impressionnante, et le duo avec Agilea est un des clous de la soirée, mais l'expression gagnera encore à être variée et la musicalité plus affirmée. On salue cependant la performance vocale. Un peu fâché avec la justesse en début de soirée, et ne maîtrisant pas toujours ses attaques pour certains aigus planants, le contreténor Franko Klisovic, finit par emporter l'adhésion du public, grâce à un timbre rond, charnu et généreux et une réelle présence scénique qui donne vie et substance au personnage plutôt fade d'Arcane. En Clizia, apporte toute la lumière de son soprano frais et clair, et complète une distribution de qualité, à laquelle on pourra encore ajouter le baryton-basse Michał Pytlewski pour sa courte intervention en deus ex machina. Sans être particulièrement brillant ou imaginatif, le , placé sous la direction de son chef , accompagne les chanteurs avec efficacité et compétence, suffisamment bien pour enthousiasmer un public conquis et enthousiaste, emporté en tout cas par la performance vocale des chanteurs réunis sur le plateau.

Crédits photographiques : , , Ballett Halle; en haut au milieu, Deulrim Jo © Anna Kolata (photo n°1); © Thomas Ziegler (photo n°2); , Ballett Halle; sur la vidéo, © Anna Kolata (photo n°3); danseurs © Thomas Ziegler (photo n°4); Jarosław Thiel et © Thomas Ziegler (photo n°4)

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Bad-Lauchstädt. Goethe-Theater. 27-V-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Terpsicore, ballet HWV 8b. « Ombre pallide », sinfonia et « Credete al mio dolore » extraits d’Alcina. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : extraits vocaux et instrumentaux des Boréades, Les Fêtes d’Hébé, Zaïs, Dardanus et Les Indes galantes. Mise en scène et chorégraphie : Emanuele Soavi. Décors et costumes : Raissa Kanelfitz. Lumière : Fabian Bleisch. Avec : Federico Casadei, Taeyeon Kim, Lisa Kirsch, Lorenzo Molinaro, Joel Small, danseurs ; Hanna Herfurtner, soprano ; Coline Dutilleul, mezzosoprano. Lautten compagney BERLIN, diretion musicale : Wolfgang Katschner

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