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Gustavo Dudamel et le LA Philharmonic à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre boulez. 30-V-2024. John Williams (né en 1932) : Olympic Fanfare and Theme ; Gabriela Ortiz (née en 1964) : Altar de cuerda pour violon et orchestre ; Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n° 9 dite du « Nouveau monde » en mi mineur op. 95. Maria Dueñas, violon. Los Angeles Philharmonic, direction : Gustavo Dudamel

Après Barcelone et avant Londres, c'est au tour de Paris d'accueillir et le LA Philharmonic, dans le cadre d'une tournée européenne, pour un premier concert purement symphonique, très coloré et syncrétique (le second consacré demain au Fidelio de Beethoven) convoquant , et  avec la jeune violoniste virtuose, Maria Dueñas en soliste.

Si Olympic Fanfare et Theme de chante l'Amérique triomphante, celle des Jeux Olympiques de 1984, habitée d'une humanité qui parait aujourd'hui bien illusoire, Altar de cuerda de vante, au contraire, une Amérique élargie et sans doute plus spiritualisée qui s'appuie sur l'hybridation et l'appropriation culturelles dans un conquérant syncrétisme, tandis que la Symphonie du Nouveau Monde d' rappelle que l'Amérique fut pour de nombreux exilés une terre d'accueil, tendue comme un pont entre l'Ancien et le Nouveau continent…

Trois aspects bien différents d'un même continent dont et le LAP dressent un tableau parfaitement démonstratif.

Œuvre de circonstance, péremptoire, fortement cuivrée, grandiose, un rien grandiloquente Olympic Fanfare et Theme ouvre le concert en grande pompe sur des cuivres impeccables de tenue et de justesse (cors et trompettes) et des percussions tonitruantes, avant qu'un thème plus lyrique ne se développe aux cordes mettant d'emblée l'accent sur la remarquable qualité  de la phalange californienne.

Plus intériorisée, plus statique et plus complexe dans son orchestration, se déclinant en trois mouvements, Altar de cuerda pour violon et orchestre (2021) de voit l'entrée sur scène de la jeune violoniste espagnole Maria Dueñas. Le premier mouvement Morisco chilando débute sur une belle entame, bien projetée, du violon à découvert, contrepointée par des sursauts de cuivres, avant que ne s'établisse un dialogue chaotique, très rythmique et virtuose avec l'orchestre qui se réduit pour l'essentiel à une myriade de timbres isolés (percussions), à mille lieux de toute composante folklorique. Le deuxième mouvement, Canto abierto, débute dans un climat mystérieux entretenu par des sonorités diaphanes du verre (tous les vents jouant sur des verres en cristal) du plus bel effet, au sein duquel s'élève bientôt la cantilène éthérée de la soliste qui fait rapidement cavalier seul face à un statisme orchestral, tout juste animé de quelques vagues initiées par les cuivres. Une courte cadence virtuose précède le retour au silence. Très animé et dynamique, le troisième mouvement, Maya déco, s'appuie sur une joute serrée et virtuose entre soliste et orchestre où l'on admire les attaques de cordes électrisantes, la belle sonorité de la harpe, la véémence des cuivres et des timbales, le tout évoluant vers un puissant crescendo qui ouvre la voie à une cadence d'une époustouflante virtuosité concluant de belle manière cette pièce originale, sans grand impact émotionnel. Virtuosité encore avec Applemania d'Aleksey Igudesman donné en « bis » qui parachève le triomphe de Maria Dueñas gratifiée d'une standing ovation bien méritée.

Tout autre climat pour la deuxième partie de concert totalement dévolue à la Symphonie n° 9 dite du Nouveau Monde (1893) de Dvořák qui mêle dans un parfait syncrétisme les thèmes amérindiens et les sonorités issues de la Mitteleuropa ; une symphonie célébrissime dont donne une interprétation portée par une formidable énergie, limpide, tendue et contrastée, servi, là encore par un LAP superlatif, tous pupitres confondus. Après quelques mesures sourdes aux cordes, une réponse des bois et un appel lointain de cuivres, le cor énonce son célèbre thème cyclique qui ouvre l'Allegro initial. On est immédiatement saisi par la dynamique soutenue de cette lecture empreinte d'attente et d'urgence, tendue, riche en nuances dynamiques avec des fluctuations agogiques très marquées, qui fait circuler la musique de pupitres en pupitres mettant en avant des cuivres irréprochables, une petite harmonie incisive et voluptueuse et des cordes engagées, somptueuses dans l'évocation très lyrique des grands espaces. Le Largo fait la part belle aux vents et tout particulièrement au cor anglais de Carolyn Hove dans sa magnifique cantilène nostalgique préludant à un épisode plus pastoral convoquant hautbois et cordes, avant qu'un imposant choral de cuivres ne scelle la coda. Engagé, jubilatoire, recrutant cordes et petite harmonie, le Scherzo, aux accents d'Europe centrale peut être moins affirmés que chez d'autres, séduit par son caractère dansant, comme par la clarté de sa mise en place. L'Allegro final, récapitulatif, annoncé par son thème éclatant aux cuivres, repris ensuite par le tutti, conclut cette remarquable interprétation très contrastée sur une coda d'une énergie tellurique.

Amérique et obligent, la Marche des aventuriers des Aventuriers de l'arche perdue (The Raiders of the Lost Ark) donné en « bis » fait une fois encore retentir, dans la grande salle Pierre Boulez, les magnifiques sonorités (cordes, vents et percussions) du Los Angeles Philharmonic magistralement conduit par Gustavo Dudamel.

Crédit photographique : © Danny Clinch / LAP

Modifié le 31/05/2024 à 23h30

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