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Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak en demi-teintes à Genève

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Genève. Grand Théâtre. 26-V-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : Tosca : Mario ! Mario ! Mario ! (Duetto), Recondita armonia (Piano solo), Vissi d’arte, E lucevan le stelle. Madama Butterfly : Un bel di vedremo, Addio fiorito asil, Coro bocca chiusa (Piano solo), Vogliatemi bene (Duetto). Manon Lescaut : Donna non vidi mai, In quelle trine morbide, Intermezzo (Piano solo), Tu, tu amore tu (Duetto). Adagio en La majeur (Piano solo). La Bohème : Che gelida manina, Si, mi chiamano Mimi, O soave fanciulla (Duetto). Aleksandra Kurzak (soprano), Roberto Alagna (ténor), Marek Ruszczynski (piano).

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Salle comble au Grand Théâtre de Genève pour un très attendu récital entièrement dédié à des œuvres de par le ténor et la soprano .

En 2018, et enregistraient un album au titre évocateur de «Puccini in love». Consacré à la musique de , ce CD avait obtenu un beau succès tant auprès de la critique que du public. C'est avec le même titre que les deux artistes lyriques ont construit le récital qu'ils présentaient sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Avec les airs et les duos les plus emblématiques de Tosca, de Madame Butterfly, de Manon Lescaut et de La Bohème, l'affiche est alléchante. Elle a de quoi combler un public genevois qui, d'une part, voit et pour la première fois sur les planches du Grand Théâtre de Genève et, d'autre part, l'unique occasion qui lui est offerte de commémorer le centième anniversaire de la mort de . En effet, la maison lyrique genevoise n'a programmé aucun opéra du maître de Lucques sur sa scène. Ni cette saison, ni la prochaine !

C'est donc sous des applaudissements enthousiastes que Roberto Alagna, immensément charismatique et Aleksandra Kurzak, souriante font leur entrée. D'entrée, ils attaquent le duo du premier acte de Tosca où Floria Tosca lance son sonore « Mario ! Mario ! Mario ! » avec une voix superbement contrôlée, sans stridences aucunes, dont la puissance étonne. Alagna-Cavaradossi lui répond avec un « Son qui » magnifique qui immédiatement signe la maîtrise absolue de la diction du ténor. On est transporté. On se dit qu'on va assister à un grand moment d'art lyrique. Mais, au bout de quelques répliques, on sent le ténor mal à l'aise dans sa voix. On se dit qu'il faut que la voix se chauffe. Mais le malaise persiste. Peut-être une méforme passagère ? Toutefois, à chacune de ses interventions, on ressent comme une légère difficulté à ce que la voix s'écoule. De son côté, Aleksandra Kurzak apparemment plus à l'aise reste cependant attentive à l'extrême tout en se gardant de n'être pas déstabilisée par les légères difficultés vocales de son partenaire.

Après un « Recondita armonia » joué avec une délicatesse exagérée par le piano de , Aleksandra Kurzak offre un très beau « Vissi d'arte » initié par une attaque pianissimo du plus bel effet. La soprano polonaise démontre un excellent sens du phrasé théâtral. Dans cet air, elle incarne le personnage de la femme blessée sans cette emphase pleurnicharde si souvent entendue. Dans ces quelques notes, elle est une Tosca, femme et fière, et la soprano montre, si besoin en était, que l'intelligence de son chant suffit à décrire l'intime de son personnage.
Puis, Roberto Alagna revient pour le célébrissime air de Cavaradossi « E lucevan le stelle ». A nouveau, son chant questionne. Tant que le son reste piano, on retrouve la voix du ténor qu'on connait. Tout juste si on constate qu'elle n'a plus toutes les couleurs qu'on admirait. Mais, dès que le ton monte, que le volume sonore s'amplifie, dès qu'on approche les aigus, sa voix s'éraille et perd de sa clarté avec, même si légères, de fréquentes et constantes indélicatesses avec le diapason.

Ainsi va se dérouler tout ce récital. Entre l'impeccable retenue d'Alexandra Kurzak se forçant à une intelligence d'approche vocale pour maintenir l'équilibre de ce récital et la fréquente lutte de Roberto Alagna pour rester au niveau de sa compagne, le public des amateurs souffre de cette situation. Certes, cette aridité dans le registre aigu n'est pas catastrophique mais reste tout de même gênante. Ainsi dans « Addio ,fiorito asil » de Madama Butterfly ou dans « Donna non vidi mai… » de Manon Lescaut, on constate que les aigus sont écourtés laissant l'auditeur sur sa faim des exagérations vocales propres au chant lyrique italien.

Si l'on veut donner une explication à la différence ressentie ici par rapport au récital que Roberto Alagna avait donné, voici quelques mois, à Gstaad, on peut sans doute affirmer que les dimensions de l'église de Saanen demandent une puissance vocale largement moins importante que celle nécessaire au Grand Théâtre de Genève. En outre, ce sont les aigus actuels qui se refusent à la beauté du chant de Roberto Alagna. Le registre grave et médium restent magnifiques comme dans son superbe  » Hai ben raggione » tiré de Il Tabarro qu'il donne en bis après que Aleksandra Kurzak offre un fort beau « O mio babbino caro » de Gianni Schicchi.

Pour revenir à l'enregistrement cité plus haut, il est important de dire qu'alors on avait fait appel à un orchestre pour l'accompagnement des chanteurs. Au Grand Théâtre de Genève, ils n'ont bénéficié que de l'accompagnement d'un seul piano, mettant ainsi à nu les voix. De plus, le polonais s'est avéré d'une discrétion pianistique excessive, à imaginer que son instrument était en cristal, tant son effleurement du clavier laissait parfois croire que les chanteurs s'exprimaient a capella.

Crédit photographique : © Gregor Hohenberg/Sony Classical

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