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La Bohème à Montpellier : Le Passage de Mimi

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Montpellier. Opéra Berlioz, Le Corum. 6-VI-2023. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème, opéra en quatre tableaux sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger. Mise en scène : Orpha Phelan. Décors et Costumes : Nicky Shaw. Lumières : Matt Haskins. Avec : Adriana Ferfecka, soprano (Mimi) ; Julia Muzychenko, soprano (Musetta) ; Long Long, ténor (Rodolfo) ; Mikołaj Trąbka, baryton, (Marcello) ; Dominic Sedgwick, baryton (Schaunard) ; Dongho Kim, basse (Colline) ; Yannick François, baryton-basse (Benoît/Alcindoro) ; Hyonsub Kim, ténor (Parpignol) ; Jean-Philippe Elleouët de Montmorency, baryton ; Laurent Sérou, baryton (le Douanier) ; Alejandro Fonte, ténor (un Vendeur). Choeur Opéra national Montpellier Occitanie (chef de chœur : Noëlle Gény) et Choeur Opéra Junior-Classe Opéra (chef de chœur : Noëlle Thibon), direction musicale : Roderick Cox

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La metteuse en scène assure qu'elle pourrait passer sa vie à réaliser des versions différentes de La Bohème ! Coproduite avec Dublin, voici, au Corum de Montpellier, sa deuxième vision d'un des trois opéras les plus joués de Puccini.

La Bohème 2 version Phelan, créée à l'automne 2023 au Bord Gáis Energy Theatre de Dublin, se démarque effectivement de la première (visible sur un DVD Naxos) par son pas en arrière vers un classicisme qui a enchanté le public arrivé en masse à l'Opéra Berlioz pour s'asseoir devant un rideau de scène donnant la clé du spectacle à venir: on y voit le cliché positif/négatif d'une jeune femme contemplant un miroir cassé qu'elle s'apprête peut-être à traverser. Ce que confirme la suite au moment où, sur scène, Mimi dévoile cette photo originelle diffractée sur plusieurs cadres dans la mansarde des bohèmes, décor unique et modulable, mais assez parlant par sa capacité de déjà donner la sensation que les bohémiens de Murger vivent à la fois à l'intérieur et dans la rue. Les premiers mots de l'opéra semblent avoir dicté le choix scénographique de ses longs murs gris éclaboussés de rouge que l'on découvre en même temps que le peintre Marcello dit s'escrimer sur son nouveau tableau : Le Passage de la Mer Rouge. Avait-on remarqué avant ce soir, qu'une fois achevé, le tableau, qui servira d'enseigne au Cabaret de la Barrière d'Enfer du III, s'intitulera Le Passage de la Mer Morte ? Un changement d'adjectif tout sauf anodin donc, qu'on ne peut dès lors qu'associer à la trajectoire de Mimi, rouge (la passion) puis morte. Son passage du monde des vivants à celui des souvenirs, c'est le sujet de La Bohème de Puccini. Une Traversée du miroir, selon .

Cette très subtile innovation mise à part, cette Bohème venue du froid, avec poêle, réverbère, et chute de neige comme on les aime, sise dans une transposition Années folles qui ne fera sourciller personne, moins stimulante que celle de Kristian Frédric naguère à Nice, moins bouleversante que celle de Jean-Louis Martinoty jadis à Lyon, est conduite à bon port par la précision d'une direction d'acteurs qui va jusqu'à triompher du tohu-bohu de l'Acte II. Cette seconde Bohème d' pourra même faire office d'oasis dans une actualité puccinienne récemment mise à rude épreuve par l'indéchiffrable de certaine Tosca dijonnaise. La metteuse en scène irlandaise plonge les bohémiens de Murger dans l'entre-deux guerres de la Capitale, si prolifique en terme de fréquentations artistiques : Hemingway, Joyce, Beckett, Picasso, Dali, Baker… Sur la scène montpelliéraine on reconnaît surtout Marlène Dietrich, dont le célèbre costume masculin se voit minutieusement effeuillé par Musetta au cours d'une scène de séduction assez torride avec son Marcello à la renverse sur un tabouret pris à l'envers, jusqu'au kitsch très Pierre et Gilles d'un encerclement de ballons rouges autour des amants terribles réunis.

Familier du rôle de Rodolfo, mais aussi des grands espaces (il fut du formidable Rigoletto de Philip Stölzl à Bregenz), le ténor passe sans encombre la rampe du vaste Corum où sa voix puissante et la longueur de son souffle lui valent de longues acclamations dès la conclusion de Che gelida manina. La soprano , au timbre plus automnal, lui donne une émouvante réplique. Une Bohème réussie nécessite aussi une Musetta, ce qui peut s'avérer un casse-tête. A Montpellier, où elle avait déjà ébloui en Gilda avec Marie -Eve Signeyrole, il saute aux oreilles que , de surcroît excellente actrice au cours de la transition d'un sexe à l'autre exigée par la mise en scène, ne séduit pas que Marcello. Ce dernier est très élégamment campé par Mikołaj Trąbka, déjà très remarqué in loco en bel Arlekin à Naxos avec Michel Fau. Le toujours étreignant Vecchia zimarra permet à Colline de faire son effet maximum en exploitant le grave caverneux dont la nature a doté . Le Schaunard de s'inscrit lui aussi sans histoire dans cette distribution aux solides comprimarii, où tranchent seulement les interventions quelque peu confidentielles de dans le doublé Benoît/Alcindoro. L'engagement du Chœur Opéra national Montpellier Occitanie et d'Opéra Junior l'emporte sur les quelques décalages du diabolique Acte II. Passées les pétaradantes, voire dérapantes premières mesures, la direction glorieuse et analytique de sertit dans l'acoustique cinémascopique de l'Opéra Berlioz, le génie orchestral de ce qui aura été le seul opéra du répertoire d'une saison lyrique exceptionnellement réduite à deux autres titres : La Vie parisienne et Negar.

Crédits photographiques : © Marc Ginot

 

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Montpellier. Opéra Berlioz, Le Corum. 6-VI-2023. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème, opéra en quatre tableaux sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Scènes de la vie de bohème d’Henry Murger. Mise en scène : Orpha Phelan. Décors et Costumes : Nicky Shaw. Lumières : Matt Haskins. Avec : Adriana Ferfecka, soprano (Mimi) ; Julia Muzychenko, soprano (Musetta) ; Long Long, ténor (Rodolfo) ; Mikołaj Trąbka, baryton, (Marcello) ; Dominic Sedgwick, baryton (Schaunard) ; Dongho Kim, basse (Colline) ; Yannick François, baryton-basse (Benoît/Alcindoro) ; Hyonsub Kim, ténor (Parpignol) ; Jean-Philippe Elleouët de Montmorency, baryton ; Laurent Sérou, baryton (le Douanier) ; Alejandro Fonte, ténor (un Vendeur). Choeur Opéra national Montpellier Occitanie (chef de chœur : Noëlle Gény) et Choeur Opéra Junior-Classe Opéra (chef de chœur : Noëlle Thibon), direction musicale : Roderick Cox

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