Vie campagnarde sous Louis XV avec l’ensemble Danguy

Avec ce troisième album, l'ensemble Danguy, mené par la Canadienne Tobie Miller, maintient sa spécialisation autour du répertoire de la vielle à roue, cette fois-ci par le biais de l'imitation de la vie campagnarde du XVIII^e siècle.

La thématique pastorale de cet enregistrement, tout comme les a priori autour de la vielle à roue – et la musette, ici très présente -, éloignent, à tort, l'auditeur du monde aristocratique où pourtant cet instrument à cordes frottées évolue durant son âge d'or. L'ensemble porte d'ailleurs le nom du plus célèbre vielliste virtuose du XVIII^e siècle, « l'illustre Danguy », pour indiquer la mission qu'il s'est donné de réhabiliter le répertoire spécifique à cet instrument, aujourd'hui le plus souvent utilisé dans la musique folklorique.

Dans cet univers, c'est dans une ambiance apaisante et sereine que bergers et bergères rêvassent sur l'herbe tendre de doux paysages. Cette atmosphère permet d'entendre toutes les résonances de l'instrument tel un flux musical continu proche des mouvements d'un cours d'eau paisible, comme dans le Largo de la Sixième Sonate à deux vielles de Jean-Baptiste Dupuits (17..-1759).

Ces musiques pastorales offrent également toute la légèreté du baroque rococo où se déploie une virtuosité particulièrement maîtrisée des interprètes, entre des rondeaux virevoltants de cette Sixième Sonate et les Menuets tournoyants de la Première Sonate dite « La Champêtre » de Ravet (fl. 1750), ainsi que les dialogues harmonieux entre musette et vièle dans les Cantatilles La Musette et Les Plaisirs Champêtres de Louis Lemaire (ca 1693-1750), forme réduite de la cantate française pour une voix, un ou deux instruments et une basse continue.

Les danses composent naturellement cette programmation musicale. Exposée avec beaucoup d'élégance et de finesse grâce à l'interprétation de l'ensemble Danguy, la rusticité des danses pastorales de la Quatrième Suite d'Amusements en Duo de Jean-Baptiste Dupuis n'existe que par son alternance du binaire et du ternaire.  Accompagnés pour ce disque par la soprano Monika Mauch, les six musiciens offrent à la chanteuse une place de premier choix dans l'air pour la vielle et la musette Tu ne m'écoutes point Lisette de Servais Bertin (ca 1687-1759). La voix y dépeint un vaudeville populaire avec une ligne de chant précise qui permet à la galanterie de cet air de l'emporter, tandis que le charme noble de ces « fêtes galantes » trouve son apothéose dans l'air anonyme qui donne le nom à cet album, Le Berger innocent.

Le disque se conclut par Les Folies d'Espagne de Jean-François Boüin (ca 1716-ca 1781) où dans les dix-huit brèves variations, la vielle démontre toutes ses capacités rythmiques et mélodiques, passant d'un instrument mélodique à un rôle harmonique grâce à un « trompe l'œil » exaltant simulant l'accord par des arpèges de plus en plus rapides.