Ravel et les sortilèges espagnols par François-Xavier Roth à Tourcoing

Ardente, sensuelle, mais également comique, l'Espagne telle que rêvée de Maurice Ravel était au programme duconcert donné par l'orchestre Les Siècles dirigée par François-Xavier Roth, à Tourcoing. Du célébrissime Boléro au plus rare opéra L'heure espagnole.

Enfant du Pays Basque, Maurice Ravel a toujours été fasciné par l'Espagne, ses couleurs, sa chaleur,   ses rythmes, mais également certains de ses clichés.

C'est cette Espagne fantasmée, rêvée par Maurice Ravel, pleine « de songe et de mensonge » comme l'écrit Roland-Manuel, que François-Xavier Roth fait revivre avec panache, à la direction de son formidable orchestre Les Siècles (CD Harmonia Mundi, Clef ResMusica et Prix ICMA).

L'acoustique un peu sèche du Théâtre de Tourcoing écrase parfois les timbres des instruments d'époque des Siècles. Mais pas un détail n'échappe cependant à la direction précise et dansante de François-Xavier Roth.

Que ce soit dans un Alborada del Gracioso plein d'entrain, mais également dans une Rapsodie Espagnole aux mille couleurs et moirures, à la direction féline et nerveuse. À l'image d'une Feria vertigineuse que François-Xavier Roth conduit à l'abîme, prémonition sans doute du final tragique de La Valse.

L'Espagne fantasmée de Ravel, c'est aussi bien sûr le célèbre Boléro. Une œuvre plus ou moins écrite par dépit, Ravel n'ayant pu obtenir les droits pour transcrire l'Iberia d'Albeniz, qu'il voulait réaliser au départ pour son ballet. On connaît le destin incroyable de ce Boléro, désormais l'une des œuvres les plus célèbres au monde. Mais au-delà du « tube », comment résister à la mécanique implacable de cette composition ? Respectant le tempo voulu par Ravel, un peu plus lent que dans bien des versions, François-Xavier Roth maîtrise de bout en bout ce long crescendo hypnotique, jusqu'à l'effondrement final sous l'ovation du public.

Plus inattendue, la seconde partie du concert est consacrée au mini-opéra L'Heure Espagnole. Composé en 1907 mais représenté pour la première fois sans grand succès en 1911, cet « comédie musicale en un acte » pour cinq soliste et orchestre se veut avant tout un pastiche. Un vaudeville libertin où les amants ne se cachent pas dans le placard mais dans des horloges, où une Carmen d'opérette fait des allusions plus que grivoises à de grands benêts de mâles ibères. En total contraste à cette atmosphère de théâtre de boulevard, Ravel a composé une partition très sophistiquée, avec ses rythmiques horlogères, ses glissements et frottements, son atmosphère plus dramatique qu'ironique.

Ce contraste fait d'ailleurs le sel de la représentation tourquennoise, avec cinq chanteurs à la présence comique totalement assumée (Isabelle Druet, Benoît Rameau, Loïc Félix, Thomas Dolié, Nicolas Cavallier), et la direction toujours concentrée et précise de François-Xavier Roth. Point final d'un voyage dans une Espagne enchantée, revue et corrigée par Ravel.

Crédits photographiques : © Atelier Lyrique de Tourcoing