A Chaillot, expérience rwandaise réussie pour Dorothée Munyaneza

Dans le cadre de la 8^ème Chaillot Expérience de l'année, Dorothée Munuyaneza, artiste associée à Chaillot -Théâtre de la danse, poursuit son exploration de la mémoire du génocide au Rwanda avec Umoko.

À l'âge de douze ans, Dorothée Munuyaneza, est partie vivre avec sa famille en Angleterre, à Londres, où sa mère vivait et travaillait depuis 1993. Venue du Rwanda, elle est plongée au lycée français de Londres dans une langue qu'elle ne connaît pas et qu'elle apprend en quelques mois, grâce à l'aide de ses camarades et professeurs. C'est en entrant dans son dernier spectacle Umoko, au sein du week-end Chaillot expérience consacré au Rwanda au Palais de Chaillot, que les spectateurs retrouvent peut-être un peu de ce sentiment d'étrangeté.

Plongés dans la pénombre face à Jean-Patient Nkubana, au fond de la scène, ils écoutent attentivement les airs d'Inanga, instrument traditionnel rwandais à cordes, accompagné d'un chant en Kinyarwanda, que la plupart ne comprennent pas, faute de sous-titres. Loin de figer le spectacle dans un hermétisme lassant, le parti pris de Dorothée Munyaneza invite le public à un autre rapport à la culture rwandaise. Dans une ambiance presque sacrée, la musique et les pas de danse des cinq artistes issus de la jeune scène rwandaise choisis par Dorothée Munyaneza, Jean-Patient Nkubana, Impakanizi, Abdoul Mujyambere, Michael Makembe et Cedric Mizero captivent par leur énergie et leur maîtrise.

La répétition des mêmes mouvements de danses rwandaises contemporaine et traditionnelle par les différents interprètes, leurs regards lancés tantôt au public, tantôt à leurs complices sur scène, et les applaudissements rythmés qui ponctuent la représentation partagent au public un sentiment d'inclusion outrepassant largement la barrière de la langue. Le regard accroché au spectateur, un danseur entame une savante chorégraphie des jambes où s'entrechoquent des amayugi, sorte de grelots cousus ensemble – difficile d'y rester insensible.

C'est donc plutôt à un certain laisser-aller du côté des organisateurs, ou peut-être à la timidité du public face au remarquable concert de Teta Diana, que tient un léger sentiment de frustration, à l'issue de la soirée. De la part de Chaillot – Théâtre national de la danse, on pouvait s'attendre à autre chose que des murs parfois crayonnés pour accueillir l'exposition photographique accompagnant les représentations. S'il était intéressant dans le cadre du spectacle vivant, l'hermétisme dû au manque d'informations rend ici difficilement justice au travail des artistes « mis à l'honneur » dans le cadre de l'exposition, tels que Sogokuru, Ish Kevin et Bushali.

Dans ce 8^ème Chaillot Expérience consacré au Rwanda, dont le titre pouvait laisser craindre une exposition fourre-tout relevant davantage de la fascination pour les cultures africaines, Dorothée Munyaneza, qui proposait également une reprise de Toi, moi, Tituba, trouve malgré tout sa juste place, entre le travail de mémoire qu'exige le traumatisme laissés par le génocide et l'exil, et le désir de faire vivre une scène culturelle rwandaise fertile.

Crédits photographiques : © Jay Kiseki

Modifié le 24 mai 2024 à la demande de Dorothée Munyaneza afin de rectifier un détail biographique erroné.