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La compositrice Unsuk Chin reçoit le prix Ernst von Siemens 2024

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Munich. Hercules Hall, Munich Residence. 18-V-2024
Prix d’encouragement composition : Daniele Ghisi (né en 1984) : 3 Stücke aus Weltliche, pour piano et électronique ; Bára Gísladóttir (née en1989) : RÓL, pour tuba ; Yiqing Zhu (né en 1989) : The Aether and Nether, pour pipa, flûte et électronique ;
Prix d’encouragement ensemble : Broken Frames Syndicate et Frames Percussion.
Musikpreis Ernst von Siemens 2024 : Unsuk Chin (née en 1961) : Gran Cadenza, pour deux violons ; Doppelkonzert, concerto pour piano et percussion. Joseph Houston, piano ; Jack Adler-McKean, tuba ; Liyi Lu, pipa ; Rafał Zolkos, flûte ; Hae-Sun Kang et Diego Tosi, violon ; Dimitri Vassilakis, piano ; Samuel Favre, percussion ; Ensemble Intercontemporain, direction : Pierre Bleuse

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Après George Benjamin, Ernst von Siemens Musikpreis 2023, c'est qui est honorée cette année du prix prestigieux de la fondation allemande, entourée de trois jeunes collègues et deux ensembles à qui sont remis des prix d'encouragement.

La cérémonie est publique et l'Hercules Hall de Munich comble pour cette célébration annuelle de remise de prix instaurée par la fondation Ernst von Siemens attribuant à l'heureuse élue, , la somme de 250 000 euros. Elle récompense l'ensemble de sa carrière et l'engagement hors norme de la compositrice dont le catalogue d'une soixantaine d'œuvres ne cesse aujourd'hui de s'enrichir. Née d'une famille très pauvre dans la Corée des années 60, elle ne doit son statut d'artiste, unanimement fêtée sur les plus grandes scènes internationales, qu'à sa seule volonté et sa passion inextinguible d'écrire de la musique qu'elle ressent dès sa petite enfance. En 1985, grâce à la bourse du DAAD, elle vient à Hambourg pour travailler avec György Ligeti, trois années « difficiles », mais certainement formatrices avec l'exigeant maître hongrois, avant de s'installer à Berlin où elle vit et travaille aujourd'hui. Bien connue du public parisien, était, en 2023, l'invitée d'honneur du festival Présences de Radio France.

Après les mots d'accueil de l'altiste et présidente de la Fondation Board, Tabea Zimmermann, qui remettra le prix à Unsuk Chin en fin de cérémonie, la soirée emmenée par Annekatrin Hentschel débute par la remise des prix d'encouragement (35 000 euros pour chacun) aux trois compositeurs trentenaires qui occupent déjà la scène internationale. Ils sont présentés, en images, à travers une courte vidéo qui cerne leur univers. Celui de d'abord, familier de l'Ircam, qui est aujourd'hui chercheur au Center for New Music and Audio Technologies (CNMAT) de l'Université de Berkeley. Sa pièce pour piano, 3 Stücke aus Weltliche (2020), invite au clavier . Ce sont trois extraits de Cantates profanes de Bach, « ni un hommage ni une refonte », nous dit-il, « mais un corps qui tente de traverser Bach, en ressortant léger et transfiguré ». L'électronique y tient un rôle fondamental, majoritairement diffusé au travers de transducteurs utilisant le bois du piano comme haut-parleur. La sophistication est savoureuse, alliant finesse et imagination.

Au palmarès également, la compositrice et contrebassiste islandaise que l'on voit au travail sur la vidéo qui précède l'exécution de sa pièce pour tuba et électronique. C'est l'instrument rêvé pour cette fan de « death metal » recherchant la saturation. L'électronique sert d'extension au cuivre grave magnifiquement maîtrisé par qui dévoile un large spectre coloré.

L'électronique combinant les effets du « temps réel », du synthétiseur et des capteurs tactiles est également convoqué dans The Aether and Nether (L'éther et le néant), l'œuvre du troisième lauréat, le Chinois . Actuellement professeur de compositeur à Shanghai, il cite parmi ses maîtres, Niels Rosing-Schow (Danemark) et Marco Stroppa (Allemagne). Sont invités sur scène une joueuse de pipa (luth chinois), , et le flûtiste Rafał Zolkos : un choix qui sert le désir du compositeur de croiser les cultures, les pratiques et les styles (traditionnel, rock, techno, glitch et pop music) : une gageure exerçant la virtuosité des sources sonores, tant instrumentale (séduction du pipa) qu'électronique.

Interrogé par Annekatrin Hentschel, Thomas Angyan (président du conseil d'administration de la fondation Ernst von Siemens) prend la parole pour commenter le choix des lauréats 2024 et rappeler leur qualité respective, vantant également l'omniprésence de l'électronique dans la création des œuvres entendues. Sont récompensés ensuite, sans donner lieu cette fois à une performance scénique, les deux ensembles voués à la musique d'aujourd'hui : née en 2018, Broken Frames Syndicate est une jeune formation allemande (neuf instrumentistes et un chef) issue de l'Académie Internationale de l'Ensemble Modern de Francfort ; Frames Percussion est une phalange barcelonaise de huit percussionnistes et un ingénieur du son fondée en 2014. Une somme de 75 000 euros leur est attribuée à chacun.

L'heure est venue de célébrer la récipiendaire du Prix Ernst von Siemens 2024 et d'entendre sa musique. Le discours d'éloge est confié à Louwrens Langevoort, l'intendant de la Philharmonie de Cologne, à qui Unsuk Chin, visiblement très émue, fait une réponse alliant remerciements et propos chaleureux s'agissant de son engagement toujours renouvelé dans le processus de la création.

Avant l'installation de l' convié ce soir, avec son chef , sur le plateau de l'Hercules Hall pour interpréter le Doppelkonzert d'Unsuk Chin, sa compatriote et amie Hae-Sun Kang est sur scène avec dans la redoutable Gran Cadenza pour deux violons. L'œuvre de 2018 est une commande d'Anne-Sophie Mutter, dont le titre sous-entend la virtuosité qui traverse l'écriture mais aussi la théâtralité qu'aime insuffler la compositrice dans bon nombre de ses pièces. Les deux personnages se confrontent, se disputent puis se réconcilient et fusionnent en un super-violon avant de mettre un frein subit à cette folle virtuosité. L'énergie du geste est à son comble, les deux interprètes étroitement complices donnant de la fulgurance à cette joute sonore.

Le Doppelkonzert pour piano et percussion de 2002 est la troisième commande de l' passée à la compositrice ; c'est dire le long compagnonnage qu'entretient Unsuk Chin avec les musiciens de l'EIC. Dans ce double concerto, le piano () est préparé dans son registre médium (petits taquets en métal) et ses notes graves, une manière de fondre ses sonorités avec celles de la percussion (), sachant qu'un second percussionniste (Gilles Durot) est convié pour donner une coloration supplémentaire. La musique est galvanisante, comme celle du gamelan qui a inspiré la compositrice, complexe et jouant sur les ruptures temporelles, la circulation des énergies, l'hybridation des timbres (piano et xylophone, cuivres et peaux) et la recherche d'associations timbrales inouïes. L'équilibre des forces est idéal sous la ferme direction de qui restitue tout à la fois la fantasmagorie sonore et l'étonnante maîtrise technique qui la sous-tend : « Je ne fais pas confiance à l'art qui ne naît pas de la difficulté », confie Unsuk Chin. Cette phrase qui en dit long sur l'acte d'écrire pourrait aussi tenir lieu d'éthique sonore chez cette fabuleuse compositrice.

Crédits photographiques : © EvS Musikstiftung photos ; ©  Rui Camilo

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Musikpreis Ernst von Siemens 2024 : Unsuk Chin (née en 1961) : Gran Cadenza, pour deux violons ; Doppelkonzert, concerto pour piano et percussion. Joseph Houston, piano ; Jack Adler-McKean, tuba ; Liyi Lu, pipa ; Rafał Zolkos, flûte ; Hae-Sun Kang et Diego Tosi, violon ; Dimitri Vassilakis, piano ; Samuel Favre, percussion ; Ensemble Intercontemporain, direction : Pierre Bleuse

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