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Pianopolis à Angers : seulement deux ans et déjà bien ancré

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Angers. Festival Pianopolis. Greniers Saint-Jean. 11-V-2024. Improvisation sur des musiques de Ludwig van Beethoven et de George Gershwin. Paul Lay, piano. Frédéric Chopin (1810-1849) : Valses op.34, Nocturne op.15 n°3, Mazurkas op.56 n°2 et 3 ; Franz Liszt (1811-1886) : Liebestraum n°3, Valse Impromptu et Valse de concert sur deux motifs de Lucia et Parisina de Donizetti ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Préludes op.34 n°9 à 13. Saskia Giorgini, piano.

La deuxième édition du festival Pianopolis a battu son plein, animant, le temps de l'Ascension, la douce ville d'Angers de sa joyeuse effervescence musicale. 

On ne sait si Nicolas Dufetel a ce don pour les plantes, mais sans conteste il a la main verte pour la musique ! Le festival de piano qu'il a monté l'an dernier à Angers, en étroite collaboration avec la Direction de la Culture et du Patrimoine de la ville, a pris dès la première graine semée.  Le temps du week-end de l'Ascension, la deuxième édition a transformé une partie de la cité angevine en un vaste jardin musical envahi de mélomanes. Sous un ciel radieux,  les mêlant aux chants des oiseaux, les pianos ont répandu leurs ondes sonores en extérieur comme dans les Greniers Saint-Jean. Une scène aménagée dans le jardin du Musée Jean Lurçat accueille le jeune encore étudiant au CNSM de Paris, qui se lance avec vaillance dans l'épopée ambitieuse des quatre Ballades de Chopin, tandis qu'au beau milieu de la cour des Greniers Saint-Jean, entre food-trucks et glaciers, trône un piano en accès libre, où les participants du tout nouveau concours amateurs ont loisir d'offrir leur répertoire pendant les temps de flânerie.

À Pianopolis, il y a des claviers et des esthétiques pour tous les goûts : marimba, piano préparé, vibraphone, répertoire classique et contemporain, jazz, improvisation… Le choix des pianistes invités a été confié cette année à , qui se produira en clôture à deux pianos avec Lucas Debargue. Auparavant, dans l'acoustique exceptionnelle des Greniers Saint-Jean, nous surprend et nous charme avec diverses improvisations, commençant sur le thème d'une sonnerie de téléphone portable inopinée à l'instant même où débute le concert – réactions amusées dans la salle…- puis plus sérieusement, sur le thème des Variations en do mineur de Beethoven, et enfin sur la musique de . Trois extraits de Porgy and Bess, dont la fameuse berceuse Summer Time, précèdent la Rhapsody in Blue dont on fête le centenaire de la création. Des standards qui offrent à l'imagination et au toucher sensible du pianiste une multitude d'idées musicales, dans un dédale de chemins nouveaux éveillant en permanence la curiosité sans cependant que l'on s'y perde. 

a découvert par ses disques consacrés à (Harmonies Poétiques et Religieuses, et Consolations chez Pentatone). La pianiste s'impose par sa présence, sa personnalité, dès la première Valse de l'opus 34 de . Quelle générosité et quelle netteté du jeu, quel timbre, quelle santé du son ! Cette Valse est remarquable d'allure, d'éclat sans cliquant, de gaité quoique traversée par un éphémère nuage. La deuxième respire et chante d'une somptueuse ligne. Une virtuosité saine et des doigts effervescents donnent du panache à la dernière. Nul besoin d'en faire plus qu'il ne faut dans le Nocturne op.15 n°3 de Chopin : la pianiste l'a bien compris, donnant à cette musique uniquement ce qu'elle réclame de profondeur et de sobriété, s'effaçant dans les contours du choral central, mais toujours dans la plénitude du son. Elle a choisi les Mazurkas op.56 n°2 et 3 de Chopin, pour mettre en valeur ce son rond et matiéré qui lui est propre, et donner relief à cette musique enjouée et élégamment rustique (n°2). La façon dont elle timbre la main gauche et chaque partie chantée de manière générale, nous rappelle combien la voix, ses registres, sont choses familières à cette partenaire des interprètes de lieder (Winterreise avec Ian Bostridge). La vocalité et la chaleur de son jeu prend de l'ampleur dans le vibrant Liebestraum n°3 qu'elle ajoute à son programme, et dans La Valse-Impromptu sur deux motifs de Lucia et Parisina de Gaetano Donizetti, de , jouée avec grand caractère. Et c'est un spectre de couleurs d'une étendue insoupçonnée qu'elle décline dans la série des Préludes op.32 n° 9 à 13 de Serge Rachmaninov, aux atmosphères recherchées, aux registres superbement caractérisés. Volées de cloches dans les aigus carillonnants du 9 et dans les basses d'airain du 13, atmosphère dense du 10, frémissement délicat des aigus dans le 12, équilibre des plans sonores et netteté de la polyphonie… travaille la plastique sonore sans jamais perdre de vue la fin expressive toujours d'une grande justesse. Chaleureusement applaudie, c'est à Rachmaninov qu'en bis elle rend hommage avec un bel arrangement de son cru d'une de ses mélodies : « Dans le silence de la nuit secrète », auquel fait harmonieusement écho la grande tapisserie étoilée de Jean Lurçat accrochée au fond de la nef. 

Crédit photographique © Jérémy Fiori – Ville d'Angers 

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Angers. Festival Pianopolis. Greniers Saint-Jean. 11-V-2024. Improvisation sur des musiques de Ludwig van Beethoven et de George Gershwin. Paul Lay, piano. Frédéric Chopin (1810-1849) : Valses op.34, Nocturne op.15 n°3, Mazurkas op.56 n°2 et 3 ; Franz Liszt (1811-1886) : Liebestraum n°3, Valse Impromptu et Valse de concert sur deux motifs de Lucia et Parisina de Donizetti ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Préludes op.34 n°9 à 13. Saskia Giorgini, piano.

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