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Grandeur et décadence de Mahagonny à Stuttgart, plus de divertissement que de message

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Stuttgart. Opernhaus. 11-V-2024. Kurt Weill (1900-1950) : Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny), opéra sur un livret de Bertolt Brecht. Mise en scène : Ulrike Schwab ; décors : Lena Schmid, Pia Dederichs ; costumes : Rebekka Dornhege Reyes. Avec Alisa Kolosova (Leokadja Begbick), Elmar Gilbertsson (Fatty), Joshua Bloom (Dreieinigkeitsmoses), Ida Ränzlöv (Jenny Hill), Kai Kluge (Jim Mahoney), Joseph Tancredi (Jakob Schmidt / Tobby Higgins), Björn Bürger (Bill), Jasper Leever (Joe)… Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Cornelius Meister.

Bien défendu musicalement, le chef-d'œuvre de Brecht et Weill mérite un peu plus de travail thématique que n'en offre la metteuse en scène .

Le hasard a voulu que les deux grands théâtres de Stuttgart, à quelques pas l'un de l'autre, présentent en même temps deux spectacles racontant une utopie tournant au totalitarisme, La ferme des animaux de George Orwell côté théâtre parlé, Mahagonny de Brecht et Weill à l'Opéra, deux œuvres conçues à moins de vingt ans de distance, différentes quant à leur point de départ, mais proches dans leur capacité à exprimer quelques-uns des pires drames du XXe siècle. Au théâtre, Oliver Frljić choisit des moyens scéniques simples et efficaces pour raconter la révolte des animaux et sa transformation en tyrannie ; à l'Opéra, c'est qui donne forme aux apories du capitalisme transgressif imaginé par Brecht. Le moins qu'on puisse dire est qu'elle croit beaucoup moins que son collègue aux vertus de la simplicité et de la lisibilité : sa priorité va au divertissement, avec un métier certain, et des moyens à la hauteur. Avant même l'ouverture du rideau, on voit qu'elle entend mettre en avant les deux personnages féminins, l'entreprenante Leokadja Begbick et son atout maître Jenny Hill. La metteuse en scène regarde la première avec une visible sympathie, et elle fait de la seconde une femme sûre d'elle, pas du tout une victime : elle bénéficie ici de la formidable présence physique d', qui se donne à fond de tout son corps et de toute sa voix.

Après l'entracte cependant, le spectacle suit la pente vers laquelle sa lecture trop superficielle de l'œuvre l'entraîne, celle de la vulgarité, d'abord dans la scène de prostitution, et pire encore tout au long du procès de Jimmy Mahoney, avant de terminer le spectacle par un bien inutile O when the saints chanté par Kolosova et Ränzlöv – il aurait peut-être fallu se préoccuper du sens de l'œuvre un peu plus tôt. Certes, Brecht et Weill ne méprisent pas le divertissement, et de ce point de vue le spectacle est réussi, au point que l'enthousiasme du public empêche de plus en plus d'écouter la musique ; mais pour Brecht au moins, le divertissement n'est qu'un moyen au service de plus grandes ambitions littéraires et artistiques. On ne peut que saluer le regard féministe d' sur les personnages féminins, mais on ne peut que lui reprocher d'avoir à ce point d'avoir transformé l'œuvre en une pochade mainstream divertissante et creuse, alors que Brecht et plus accessoirement Weill dénonçaient précisément cette culture de l'esquive politique et sociale.

L'œuvre souffre encore aujourd'hui d'une discographie déplorable, à peine améliorée par les captations récentes disponibles ou non en DVD. , qui a consacré beaucoup d'énergie dans son mandat à Stuttgart au grand répertoire germanique, n'était pas le choix le plus évident pour une telle œuvre, mais force est de constater qu'il s'adapte sans difficulté à ce langage si particulier ; on aurait souvent aimé un peu plus de mordant rythmique, et un peu plus de présence de l'orchestre que sa position en fond de scène ne favorise pas, mais il prend au sérieux une partition qui le mérite bien, et l'essentiel est sauf. La distribution bien préparée mérite quant à elle tous les éloges, y compris , Jimmy bien chantant, très présent vocalement à défaut d'avoir un grand rôle dans la mise en scène ; aux côtés de la phénoménale , , la seule de la soirée à ne pas faire ses débuts dans son rôle, est quant à elle placée au premier plan, et elle s'en sort avec l'énergie, l'humour et l'audace qu'on attend d'elle.

Crédits photographiques : © Martin Sigmund

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Stuttgart. Opernhaus. 11-V-2024. Kurt Weill (1900-1950) : Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny), opéra sur un livret de Bertolt Brecht. Mise en scène : Ulrike Schwab ; décors : Lena Schmid, Pia Dederichs ; costumes : Rebekka Dornhege Reyes. Avec Alisa Kolosova (Leokadja Begbick), Elmar Gilbertsson (Fatty), Joshua Bloom (Dreieinigkeitsmoses), Ida Ränzlöv (Jenny Hill), Kai Kluge (Jim Mahoney), Joseph Tancredi (Jakob Schmidt / Tobby Higgins), Björn Bürger (Bill), Jasper Leever (Joe)… Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart ; direction : Cornelius Meister.

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