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Multiphonies et dérives sonores au 104 de Radio France

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Paris. Maison de la Radio et de la Musique, Studio 104.
11-V-2024. Francis Dhomont (1926-2023) : Novars ; Julia Hanadi Al Abed (née en 1977) : Pharmakon (CM) ; Jos Smolders (né en 1960) Textuur 4 (CM) ; Eve Aboulkheir : Venus Road (CM) ; Luis Naón (né en 1961) : Symphonie pour un monde seul (CM). Œuvres acousmatiques interprétées par les compositeurs et Jules Négrier pour Novars.
12-V-2024. Elżbieta Sikora (née en 1943) : Flashback ; Axe rouge V ; Fabian Lanzmaier : del-ftb-pet (CM) ; Nicolas Debade : Melamboreas (CM) ; Pierre Henry (1927-2017) : Labyrinthe! Œuvres acousmatiques interprétées par les compositeurs ; Philippe Dao, Jules Négrier, Emmanuel Richier pour Labyrinthe!

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Dans le cadre de la saison Mutiphonies de l'INAgrm, l'acousmonium s'est déployé dans le Studio 104 de Radio France pour le week-end Akousma affichant un large panel des musiques sur support, des pionniers de la recherche à la création d'aujourd'hui.

Lors du deuxième concert du week-end, L'INAgrm rend hommage à l'un des acteurs de la musique concrète décédé en décembre dernier, , qui a consacré sa carrière de compositeur à l'univers électroacoustique. Novars (Ars Nova) de 1989 est dédié « à la musique concrète et à Pierre Schaeffer, son ‟inventeur infortuné” ». Le flux est généreux, les couleurs moirées et le geste puissant qui dessine la trajectoire du son. L'objectif diffère et la temporalité est autre dans Pharmakon, un paysage sonore imaginé par la compositrice française Julia Hanadi Al Abbed. La musique est immersive et le temps long mêlant poésie et onirisme. Textuur 4 (2024) du Néerlandais s'origine dans « le son le plus élémentaire que notre corps génère : l'inspiration et l'expiration » : flux et reflux de « bruit blanc » qu'il étire, transforme et diffracte dans un espace-temps toujours mouvant. Autre paysage sonore traversé de présences fantomatiques et de voix réverbérées, Venus Road de l'artiste française est le nom d'une allée dans la forêt de Mac Richie Reservoir de Singapour. Bruits de nature et environnement urbain tressent une matière hybride autant que fantasmagorique.

Aux douze numéros de la Symphonie pour un homme seul (1950) de et Pierre Schaeffer font désormais écho les six mouvements enchaînés de la Symphonie pour un monde seul (2024) de , une suite au chef d'œuvre de la musique concrète qu'appelait de ses vœux . C'est une musique en mouvement et en espace traversée par une ou des voix qui en constituent le fil rouge : sensualité du flux sonore à fleur de vocalité (Corps plaintifs), fines granulations, objets sonores plus acérés et hétérogénéité des matériaux (Racles et pointes). Le flux se décante in fine et les sonorités émigrent dans le registre aigu (Une photo à trois voix) pour dessiner une polyphonie d'oiseaux de synthèse dans le silence d'un espace déserté : saisissant et hypnotique!

Le dernier concert fête la compositrice franco-polonaise , une autre pionnière de la musique de studio venue travailler aux côtés de Pierre Schaeffer dans les années 1960 : Flashback, sa courte pièce de jeunesse révisée en 1997 qui débute le concert, lui est dédiée.

S'exercent d'ores et déjà l'énergie du geste et la dimension orchestrale d'une musique qui s'organise et dispense ses couleurs autour de polarités fortes. Axe rouge V (2011), l'une des pièces acousmatiques maîtresses de Sikora, affiche dès le début une signature timbrale, sonorité métallique vibrante au large spectre qui nourrit toute la pièce, tour à tour filtrée, étirée, découpée : « Je cherche le son qui m'appartient, qui me définit », nous confie la compositrice. La pièce conçue pour un dispositif spatial à huit pistes embrase l'espace du 104, interprétée avec finesse par la compositrice aux manettes de la console de projection.

Si la pièce au titre énigmatique, del-ftb-pet, de l'Autrichien , musique sans bord, très voire trop foisonnante, nous lasse assez vite, le projet du Français retient toute notre attention. Melamboreas est l'appellation antique de la bise noire ou d'autre vent du nord tel le mistral : musique de flux à haut voltage, masses énergétiques de souffle à évolution lente, poumon géant agité par les battements entre les fréquences et autres résonances résultantes sont d'un bel effet, que le compositeur porte à leur plénitude.

Le week-end Akousma s'achève avec le rare Labyrinthe! (2002-2003) de , une expédition sonore en dix mouvements pour laquelle « l'homme son » s'est entouré de sept associés (tous membres du GRM) pour la composition : « Un prodigieux outillage de bruits où certains sons du GRM se cognent aux vitres d'un train fantôme », écrit Pierre Henry dans sa note d'intention : « Pour la première fois dans mon périple aventureux, je songeais à une bouffée d'air frais de l'électronique. Labyrinthe! en est le fruit ».

Ils sont trois à la console, , et qui se relaient pour projeter la musique du maître : richesse du mixage, juxtapositions abruptes, montage aux arrêtes vives, mouvements répétitifs, diversité des registres, des couleurs, échos lointains et profondeurs abyssales : cette « cérémonie du grand cercle du fond du monde » nous tient en haleine durant près d'une heure dans l'espace bien sonnant du 104 où le compositeur aimait lui-même ouvrir les vannes du son.

Crédits photographiques : , , Pierre Henry © INAgrm

 

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11-V-2024. Francis Dhomont (1926-2023) : Novars ; Julia Hanadi Al Abed (née en 1977) : Pharmakon (CM) ; Jos Smolders (né en 1960) Textuur 4 (CM) ; Eve Aboulkheir : Venus Road (CM) ; Luis Naón (né en 1961) : Symphonie pour un monde seul (CM). Œuvres acousmatiques interprétées par les compositeurs et Jules Négrier pour Novars.
12-V-2024. Elżbieta Sikora (née en 1943) : Flashback ; Axe rouge V ; Fabian Lanzmaier : del-ftb-pet (CM) ; Nicolas Debade : Melamboreas (CM) ; Pierre Henry (1927-2017) : Labyrinthe! Œuvres acousmatiques interprétées par les compositeurs ; Philippe Dao, Jules Négrier, Emmanuel Richier pour Labyrinthe!

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