Soirée anglaise à l’Orchestre philharmonique d’Helsinki

Sous la direction engagée de Joonas Pitkänen, l'interprétation des Variations Enigma d'Elgar rappelle que cette œuvre est bien plus qu'un cheval de bataille souvent programmé.

Certaines pièces du répertoire orchestral standard sont programmées avec une fréquence suffisante pour que l'on puisse manquer une représentation donnée sans avoir à attendre plus d'une ou deux saisons avant d'avoir une autre occasion d'entendre la même pièce. Les Variations Enigma d'Elgar sont de celles-là.

Bien qu'Elgar navigue dans une large gamme d'humeurs à travers les 15 mouvements de l'œuvre, le thème de l'Enigma lui-même peut être considéré comme sombre et mélancolique. Le chef d'orchestre Joonas Pitkänen semble mettre l'accent sur ces qualités ; son interprétation de la première présentation du thème est marqué par une halte, presque une hésitation. Dans la première variation, une représentation de la femme d'Elgar, le point culminant est presque tragique plutôt qu'effusif ou ardent. Les cuivres de l'Orchestre philharmonique d'Helsinki s'illustrent dans la variation « Troyte », tandis que la célèbre variation « Nimrod » apparait comme digne et fière. La capacité de Pitkänen à créer l'impression d'une ligne unique et ininterrompue dans chaque mouvement se révèle particulièrement efficace ; il est clair que cette œuvre est importante pour Pitkänen et qu'il a passé le temps nécessaire à l'étudier et à vivre avec elle.

L'ouverture The Wreckers, de la compositrice anglaise Ethel Smyth, née un peu moins d'un an plus tard et de la même époque qu'Elgar, précède l'œuvre du compositeur. Smyth a étudié au conservatoire de Leipzig (Elgar aspirait en fait à y étudier également), où elle a croisé la route de Dvořák, Grieg et Tchaïkovski. Composée moins de dix ans après les Variations Enigma, cette ouverture est clairement une composition de son époque, mais constitue néanmoins une voix distincte par rapport à celle d'Elgar. Les surprenantes tournures harmoniques, les textures orchestrales claires et l'inventivité que Smyth a réussi à faire passer en 10 minutes sont impressionnantes. En tout état de cause, cette inventivité fertile donnent à l'Orchestre philharmonique d'Helsinki de nombreuses occasions de montrer sa polyvalence au travers de cette musique, pourtant peu familière à l'orchestre et à l'auditoire. L'interprétation de Pitkänen comporte juste ce qu'il faut de bravoure mais est également suffisamment calme, ce qui constitue un contraste bienvenu avec le romantisme parfois effréné d'Elgar.

Crédits photographiques  : Joonas Pitkänen © Matthias Mueller