Les sonates de David Pohle, maître méconnu du premier baroque allemand

L'ensemble Clematis nous propose la première intégrale des sonates du compositeur allemand David Pohle, disciple d'Heinrich Schütz.

À Dresde puis à Halle, Pohle mène une belle carrière de musicien de cour. Son œuvre considérable, tant vocale qu'instrumentale, est malheureusement en grande partie perdue. Il faut dire qu'elle n'a jamais été publiée à son époque ; il a fallu attendre les années 2020 pour bénéficier d'une première édition d'une trentaine de sonates (sous la direction du musicologue Gottfried Gille, aux éditions Prima la musica). Pour une vingtaine d'entre elles, il a fallu reconstituer la partie de premier violon, manquante. À côté des sonates à l'italienne, on y trouve deux suites de danses françaises (branles, courantes, sarabandes …). Dans son corpus de sonates, Pohle expérimente toutes les formes d'écriture connues à cette époque en Allemagne, sous une triple influence : le style italien, la danse française et la polyphonie allemande. Cela fait de ce répertoire une pièce maîtresse dans l'histoire du premier baroque allemand, dans la lignée de Heinrich Schütz.

Ces sonates pour 4 à 8 voix sont destinées à un ensemble à cordes et basse continue. Ici, on a choisi de remplacer parfois le violoncelle par le basson (Jérémie Papasergio), ce qui donne une couleur nouvelle, comme dans la sonate à 4 en sol mineur où un trombone remplace aussi l'alto. L'instrumentation variée de la basse continue, alternativement confiée à l'orgue, au clavecin, aux basses d'archet et au basson, renforce le caractère changeant de ce répertoire et empêche toute monotonie. Les contrastes des diverses sections et leur virtuosité anticipent ce qui deviendra le stylus fantasticus à la fin du siècle. On trouve aussi, dans cette grande variété d'écriture, des sections descriptives en forme de battaglia ou de tremulanto caractéristiques de l'époque. On notera que plusieurs de ces sonates se terminent par une « révérence », un accord ajouté à la fin, typique des musiques de ballet.

La liberté de jeu et la grande précision des cordes menées du premier violon par Stéphanie de Failly font merveille dans ce répertoire si vivant. L'ensemble Clematis, que l'on avait tant apprécié dans son enregistrement d'un oratorio de Noël de cette époque, n'a pas son pareil pour donner des couleurs chatoyantes à ce répertoire tout en contrastes.