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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 30-IV-2024. Alex Nante (1992*) : A Subtle Chain – Five songs after Ralph Waldo Emerson, pour soprano et orchestre ; CM. Jodie Devos, soprano. Alban Berg (1885-1935) : Kammerkonzert, concerto de chambre pour piano, violon et 13 vents. Jean-Efflam Bavouzet, piano ; Renaud Capuçon, violon. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Pelléas et Mélisande, poème symphonique op. 5 d’après la pièce éponyme de Maurice Maeterlinck. Les Siècles, direction musicale : François-Xavier Roth
Lors d'un concert en hommage à Schoenberg au Théâtre des Champs-Élysées, François-Xavier Roth et Les Siècles commencent par créer A Subtle Chain d'Alex Nante avec la soprano Jodie Devos, avant d'interpréter le difficile Kammerkonzert de Berg avec Renaud Capuçon et Jean-Efflam Bavouzet, puis Pelléas et Mélisande du compositeur à l'honneur.
Avant de diriger la création mondiale de la soirée, François-Xavier Roth prend le micro pour rappeler que le compositeur Alex Nante a gagné en 2022 le prix Pisar, du nom de Judith Pisar, présente dans la salle et grand soutien à la création contemporaine… ainsi que pour prévenir d'une Jodie Devos présente mais limitée dans ses moyens vocaux.
D'un style américain évident – on pense à Barber ou Copland plus qu'à Ives cité par l'artiste -, A Subtle Chain – Five songs after Ralph Waldo Emerson permet tout de même de profiter du beau haut-médium de la soprano belge, dont seul les aigus les plus hauts détimbrent parfois. À son habitude en revanche, les consonnes sont noyées et fluidifiées dans la ligne mélodique, d'où jamais les mots des textes d'Emerson ne ressortent précisément. Très calmes, les cinq chants utilisent à l'orchestre un matériau sombre bien que relativement coloré grâce au glockenspiel, au vibraphone et aux cloches, dans une sorte de transcendance toujours douce, également portée par la partie vocale, elle aussi très similaires à celles des compositeurs référents aux États-Unis le siècle passé. Le résultat en ressort très agréable autant que bien réalisé, à défaut de faire entendre ce qu'il pourrait y avoir de neuf ou apporter par rapport aux pièces des années 1950, ni encore moins justifier ce que cette œuvre vient faire dans un programme autour de la figure révolutionnaire de Schoenberg.
Ensuite, le Kammerkonzert de Berg permet au chef de reprendre le micro pendant un changement de plateau où le piano et un pupitre sont amenés sur la scène face à treize chaises pour y placer les vents. Renaud Capuçon se montre aussi passionnant dans sa partie du Concerto de Chambre que dans le Concerto « à la Mémoire d'un ange » du même compositeur. Car si ce style toujours en recherche de lumière et de beau son peut moins convenir aux aspérités de Schoenberg ou de certaines pièces modernes, il apporte une fluidité et un romantisme classique toujours parfaitement en harmonie avec les partitions de Berg. Grâce à lui, toutes les parties concertantes violon-piano, violon-vents ou d'ensemble gagnent une ampleur que le piano seul, désavantagé par son emplacement et une sonorité légèrement en retrait, ne développe pas autant. Jean-Efflam Bavouzet reste cependant en accord avec les attentes de Roth dès sa présentation de cet hommage à Schoenberg avec les notes SCHBEG (mi bémol, do, si, si bémol, mi, sol) au clavier, citées encore en conclusion, tandis que des vents se démarquent mieux la première flûte et le premier cor qu'un cor anglais aux couleurs trop similaires au hautbois, ou surtout qu'une trompette en limite de justesse dans plusieurs interventions, quelle soit ou non bouchée.
En seconde partie, la direction du Pelleas und Melisande est très intéressante dans son approche du Lento initial, puis sans doute pas tout à fait assez joueuse dans les parties très viennoises, dont l'ensemble sur instruments de l'époque de la création (1905) ne permet pas de retrouver les effets de masse entendus depuis dans les grandes références de la deuxième moitié du 20ème siècle. Si encore le Langsam (VI) puis Sehr Langsam (VIII) parvenaient malgré tout à trouver une vraie profondeur, pourrait-on laisser de côté certaines parties trop peu tendues -la fin du Sehr Rasch (IV)-, mais cette lecture finalement trop peu narrative, malgré une indéniable culture du répertoire moderne, fait perdre au fur-et-à mesure le fil discursif du poème symphonique d'après la pièce éponyme de Maeterlinck. À cela s'ajoute que si les cordent ravissent par leur fluidité, les timbres de certains bois sont, de même que ceux de certains cuivres, souvent trop acides pour parvenir à toujours maintenir l'atmosphère de limbes recherchée par la partition. Au moins peut-on louer les interprètes pour ce programme, d'où ressort toutefois l'interprétation du Concerto d'Alban Berg.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 30-IV-2024. Alex Nante (1992*) : A Subtle Chain – Five songs after Ralph Waldo Emerson, pour soprano et orchestre ; CM. Jodie Devos, soprano. Alban Berg (1885-1935) : Kammerkonzert, concerto de chambre pour piano, violon et 13 vents. Jean-Efflam Bavouzet, piano ; Renaud Capuçon, violon. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Pelléas et Mélisande, poème symphonique op. 5 d’après la pièce éponyme de Maurice Maeterlinck. Les Siècles, direction musicale : François-Xavier Roth