Sweet Mambo : Pina Bausch plus sensuelle que jamais

Le Tanztheater Wuppertal reprend ses quartiers au Théâtre de la Ville – Sarah Bernardt avec la reprise de Sweet Mambo, l'avant-dernier spectacle de Pina Bausch, créé en 2008, avant sa mort moins d'un an plus tard. Une ode à la sensualité des femmes.

L'alchimie d'un spectacle de Pina Bausch tient d'abord et avant tout à son casting. Celui de Sweet Mambo, pénultième spectacle de Pina Bausch et le dernier créé de son vivant, aujourd'hui repris par le Tanztheater Wuppertal, est exemplaire à plus d'un titre. La direction artistique de cette reprise a été confiée à Alan Lucien Øyen, chorégraphe indépendant norvégien qui a déjà signé deux pièces pour le Ballet de l'Opéra de Paris et une pour le Tanztheater Wuppertal. Une riche idée de Boris Charmatz, désormais directeur de la compagnie de Wuppertal.

La distribution mêle interprètes historiques de la pièce, artistes désormais invités par la compagnie, comme Nazareth Panaredo, Julie Shanahan, Julie Anne Stanzak ou Héléna Pikon, toutes formidables ! Et de nouveaux artistes qui revivifient la pièce en lui insufflant trouble, ambiguïté et sensualité. C'est le cas de Naomi Brito, superbe artiste trans qui ouvre le spectacle par un solo époustouflant. Avec son corps atypique et son genre plus que fluide, Naomi Brito offre une autre forme de féminité mais renouvelle ainsi l'esprit de Pina. C'est bien Pina, plus que jamais, mais autrement. Une Pina des années 2024, encore meilleure que celle de la fin des années 2000.

C'est un bonheur de revoir les très grandes interprètes que sont Julie Shanahan, déchirante et déchaînée, Nazareth Panaredo, comme d'habitude extrêmement drôle et caustique, et la merveilleuse Julie Anne Stanzak dans des scènes oniriques et symboliques très puissantes. Les images de ces femmes, toujours en robe de soie taillées dans le biais, restent longtemps dans la rétine. La tête reposant sur un oreiller posé dans l'air, le corps pivotant dans des rideaux vaporeux, l'eau plusieurs fois renversée sur le corps… les gestes se font grandiloquents et dramatiques, toujours poignants.

C'est une musique de René Aubry, extraite de son album Refuges, qui donne son titre à Sweet Mambo. Un lointain écho du rythme du mambo, célèbre danse latine, dont Pina Bausch ne s'inspire qu'à peine. Mais qu'importe, la maturité sied à cette pièce qui à sa création, avait eu un écho mitigé, y compris dans nos pages. Peut-être nous fallait-il d'abord faire le deuil de la chorégraphe pour mieux déguster son esprit frondeur et mélancolique, son hommage à la beauté et à la singularité des femmes – toutes les femmes.

Crédits photographiques : Naomi Brito © Oliver Look ; Ensemble © Evangelos Roudoulis ; Nazareth Panadero © Karl-Heinz Krauskopf ; Andrey Berezin, Michael Strecker, Julie Anne Stanzak © Oliver Look