Plus de détails
Paris. Auditorium Marcel Landowski. 25-V-2024. Giulia Lorusso (née en 1990) : Natura electrica, pour guitare électrique et ensemble (CM) ; Dmitri Kourliandski (né en 1976) : Possible places 3, pour harpe, accordéon et ensemble (CM) ; Farnaz Modarresifar (née en 1989) : Dis, pour ensemble et chanteuse (CM) ; Aurèle Stroë (1932-2008) : Capricci & ragas, Concerto pour violon et ensemble instrumental. Pascal Contet, accordéon ; Ruben Mattia Santorsa, guitare électrique ; Marie Soubestre, soprano ; Marion Lénart, harpe ; Noëmi Schindler, violon, direction : Leo Margue
L'ensemble 2e2m joue à guichet fermé dans l'Auditorium du CRR de Paris, mettant à l'affiche, sous l'égide du charismatique Bernard Cavanna, le rare Concerto pour violon Capricci & ragas d'Aurèle Stroë ainsi que trois créations mondiales.
Habilement « composée » par Léo Margue (chef et directeur artistique de 2e2m) autour du Concerto pour violon d'Aurèle Stroë, la soirée révèle autant de « lieux possibles » déclinés par les quatre pièces au programme invitant les étudiants du « Pôle Sup » (PSPBB) et du CRR aux côtés des musiciens de 2e2m.
C'est un espace de fusion entre l'ensemble et la guitare électrique soliste de Ruben Mattia Santorsa que recherche la compositrice italienne Giulia Lorusso dans Natura electrica : une nappe sonore à large spectre y est entretenue, où interagissent soliste et ensemble : vibrations, diffractions et feedbacks jalonnent cette musique sans bord et richement colorée.
Le compositeur russe Dmitri Kourliandski connaît bien 2e2m où il a été en résidence durant la saison 2010, défendant à l'époque son concept de « musique objective ». Il a fait le choix de quitter la Russie depuis le début de la guerre, installé aujourd'hui définitivement en France avec sa famille. Inscrite dans un cycle, sa pièce Possible Places 3 (« réflexion sur l'impossibilité de trouver un lieu fixe ») met la harpe (Marion Lénart) et l'accordéon (Pascal Contet) sur le devant de la scène. Les contours sont nets, le geste acéré et les traits mordants. Kourlandski sculpte son objet qu'il fait tourner dans l'espace : un bijou aux différentes facettes et autant de trouvailles sonores dont cette vibration sensible obtenue sur la harpe et les instruments à cordes par l'action d'un petit ventilateur.
Les sonorités sont recherchées et le dispositif instrumental singulier dans Dis de la compositrice et performeuse franco-iranienne Farnaz Modarresifar. Aux côtés des deux santûrs (cithare iranienne) qu'elle joue elle-même au sein de l'ensemble, sont conviés le violoncelle, la contrebasse, les percussions, le piano et le lithophone de Tony Di Napoli ainsi que la soprano et fidèle collaboratrice Marie Soubestre, sans doute l'auteur du texte qui modèle la forme de Dis. Il est parlé autant que chanté, serti et prolongé par les sonorités réactives de l'ensemble. L'ambiguïté des sources opère au sein de cet instrumentarium raffiné entretenant le mystère autant que l'aura poétique.
Le Concerto pour violon d'Aurèle Stroë est une commande de l'État français passée au compositeur roumain (1932-2008). Depuis sa rencontre, à l'âge de 19 ans, avec la musique du compositeur exilé, Bernard Cavanna, qui évoquait ses souvenirs dans l'avant-concert, a œuvré corps et âme pour faire connaître Stroë en France. Capricci et Ragas est créé au Conservatoire de Gennevilliers (dont Cavanna venait de prendre la direction) en 1990 avec l'orchestre de la maison et Ami Flammer en soliste.
C'est Noëmi Schindler qui le joue ce soir, avec cet archet infaillible et ce plein engagement qu'on lui connait lorsqu'elle défend les partitions qui lui sont chères. En marge des modèles, Stroë réunit à côté du violon solo, quatre altos et deux contrebasses, une harpe, un piccolo et deux clarinettes, deux trombones et un contrebasson ainsi que quatre percussions. L'œuvre en six mouvements décline « paganiniana » (Capricci)) et « écoute fine » (Ragas), soit une alternance de mouvements de plus en plus effrénés et foisonnants, où le jeu du violon regarde vers la percussion (jeu en détaché, spiccato, imitation du glockenspiel, etc.), et de plages intimistes, au temps étiré. Ces « ragas » nous mettent à l'écoute de nouveaux espaces détempérés à travers la ligne microtonale du violon inscrite sur les tenues de l'ensemble instrumental, dévoilant in fine le spectre acoustique sous l'archet racé de la soliste. Les aplats de couleurs pures – le contrebasson ravélien, le glockenspiel irradiant – sont jouissifs tout comme l'omniprésence de la caisse claire qui resserre le nœud dramatique.
Avec une énergie communicative et une aisance du geste confondante, Léo Margue est présent sur tous les fronts, maître d'œuvre d'une soirée de très haut niveau.
Crédit photographique : © Sylvie Fréjoux / Léo Margue
Plus de détails
Paris. Auditorium Marcel Landowski. 25-V-2024. Giulia Lorusso (née en 1990) : Natura electrica, pour guitare électrique et ensemble (CM) ; Dmitri Kourliandski (né en 1976) : Possible places 3, pour harpe, accordéon et ensemble (CM) ; Farnaz Modarresifar (née en 1989) : Dis, pour ensemble et chanteuse (CM) ; Aurèle Stroë (1932-2008) : Capricci & ragas, Concerto pour violon et ensemble instrumental. Pascal Contet, accordéon ; Ruben Mattia Santorsa, guitare électrique ; Marie Soubestre, soprano ; Marion Lénart, harpe ; Noëmi Schindler, violon, direction : Leo Margue