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Bordeaux. Opéra. 20-IV-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème, opéra en 4 tableaux sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Henry Murger. Mise en scène : Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Tim Northam. Lumières : François Thouret. Avec : Juliana Grigoryan, Mimi ; Arturo Chacon-Cruz, Rodolpho ; Thomas Dolié, Marcello ; Timothée Varon, Schaunard ; Goderdzi Janelidze, Colline ; Francesca Pia Vitale, Musetta ; Marc Labonette, Benoît ; Loïck Cassin, Alcindoro ; Woosang Kim, Parpignol ; Jean-Philippe Fourcade, le sergent ; Olivier Dubois, le douanier ; Luc Default, le marchand. Chœur de l’opéra de Bordeaux (cheffe de chant : Salvatore Caputo). Jeune académie vocale d’Aquitaine (cheffe de chœur : Marie Chavanel) et orchestre national Bordeaux Aquitaine, direction : Roberto Gonzales-Monjas
La Bohème de Puccini est au lyricomane ce que Pretty Woman pourrait être au cinéphile à la recherche d'un plaisir et d'une émotion efficacement délivrée. On vient y chercher un sanglot, une larme ; si on l'obtient c'est réussi. Avec cette autre production « zéro achat » (après un Requiem de Mozart la saison passée et Giselle en décembre), l'Opéra de Bordeaux prouve que l'on peut créer une production efficace en recyclant d'anciens décors et costumes.
La mise en scène proposée par Emmanuelle Bastet ne va pas chercher midi à quatorze heures et ça fait du bien. Comme tout opéra vériste, La Bohème, c'est du théâtre et une émotion qui doit franchir la rampe avec simplicité. Ceux qui se sont amusés à des transpositions audacieuses dans la galaxie s'y sont cassés les dents. Ici, on reconstitue un appartement sous-équipé et austère, un café alternatif vivant et coloré pour le tableau de Momus et les décors se changent et évoluent avec une rare fluidité. Il y a une vraie direction d'acteurs et les scènes humoristiques sont aussi bien traitées que les passages lacrymaux. C'est direct, lisible, et la gorge se sert pour le final aussi déchirant que la sincérité de ses interprètes. Pari réussi.
D'autant plus réussi que le plateau n'est pas sans révélations. La soprano Juliana Grigoryan offre une voix ronde et onctueuse et pour tout dire somptueuse qu'elle module parfaitement entre forte et douceur des allègements. Beaucoup de nuances et de couleurs apportent une grande classe à cette interprétation sobre, simple et raffinée.
Après un début difficile la voix d'Arturo Chacón Cruz se chauffe et le ténor, très investi et à l'écoute de sa partenaire dont il partage la simplicité d'approche, ne fait pas ici de démonstration. Il se lance dans un che gelida manina musclé dans le forte et tendre dans les expressions. Sa voix et son tempérament scénique se plient aux exigences du rôle où le drame côtoie la gaieté et si on a connu des O Soave Fanciulla plus doucereux, le ténor est désarmant de sincérité au IV pour un final bouleversant.
Entourant le couple, les autres acteurs de la soirée sont tous parfaits. Le baryton Thomas Dolié est un merveilleux Marcello à la présence scénique incontestable et à la voix généreuse. L'élégance de son phrasé confère une certaine noblesse à ce personnage d'amoureux éperdu de la belle Musetta. Il faut dire que Francesca Pia Vitale a beaucoup d'arguments. Soprano colorature, elle offre toutefois plus de volume et de rondeur que les autres tenancières du rôle, ce qui est une belle surprise. Flamboyante, ses caresses vocales sont d'une sensualité dévastatrice. D'autant que le jeu de scène est aussi piquant que drôle. Une belle découverte.
Dans le registre goguenard et provocateur, le Schaunard du baryton-basse Timothée Varon n'est pas en reste. Bien projetée et dense, la voix accompagne une présence scénique classieuse pour un personnage ici particulièrement bien défendu.
Autre belle surprise que le Colline magistral de Goderdzi Janelidze. Timbre sombre et voix autoritaire dominant l'orchestre, legato impérial, tout est déjà en place pour son monologue du IV d'une grande souveraineté et particulièrement émouvant.
Tous les comprimarii sont au diapason à commencer par le Benoît pathétique et drôle de Marc Labonnette irrésistible dans la scène du propriétaire au I.
Belle prestation du chœur de l'Opéra de Bordeaux ici secondé par le très beau chœur d'enfants de la jeune académie vocale d'Aquitaine, très investi.
A la tête de l'Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine, le chef Roberto González-Monjas surprend encore par une forme de sécheresse contrebalancée par une mise en exergue des solos d'instruments (la harpe notamment splendide). Rien n'est précipité mais tout semble rapide. La curiosité provient du fait que délaissant les alanguissements, il n'ignore pas le pathos et sa direction se révèle finalement au diapason de la conception scénique : sans fioriture et directe pour une Bohème finalement simplement bouleversante.
Crédit photographique : © Eric Boumoulie
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Bordeaux. Opéra. 20-IV-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Bohème, opéra en 4 tableaux sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après Henry Murger. Mise en scène : Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Tim Northam. Lumières : François Thouret. Avec : Juliana Grigoryan, Mimi ; Arturo Chacon-Cruz, Rodolpho ; Thomas Dolié, Marcello ; Timothée Varon, Schaunard ; Goderdzi Janelidze, Colline ; Francesca Pia Vitale, Musetta ; Marc Labonette, Benoît ; Loïck Cassin, Alcindoro ; Woosang Kim, Parpignol ; Jean-Philippe Fourcade, le sergent ; Olivier Dubois, le douanier ; Luc Default, le marchand. Chœur de l’opéra de Bordeaux (cheffe de chant : Salvatore Caputo). Jeune académie vocale d’Aquitaine (cheffe de chœur : Marie Chavanel) et orchestre national Bordeaux Aquitaine, direction : Roberto Gonzales-Monjas