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Cyrille Dubois, de l’intime à la grande scène

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a remporté un Prix cette année pour son album « Jouissons de nos beaux ans ». Luc Boentges, membre du jury des (Radio 100,7, Luxembourg), a rencontré le ténor français.

: , que signifie pour vous le fait d'avoir remporté le prix ICMA dans la catégorie « Baroque Vocal » ?

: C'est une très grande surprise de recevoir ce prix. J'ai déjà réalisé plusieurs enregistrements et de voir cet enregistrement primé par cette grande compétition internationale, c'est une grande fierté. Et puis c'est surtout l'accomplissement d'un travail d'équipe avec le (CMBV) et son directeur artistique Benoît Dratwicki, l' et le qui ont été dirigé par . C'est un partenariat de long terme qui trouve un accomplissement avec cette récompense. Donc nous sommes tous très heureux.

ICMA : Pouvez-vous décrire votre collaboration avec ces ensembles et ?

CD : Ça fait longtemps que je suis invité à travailler avec ces ensembles en Hongrie, dont le chef György Vashegyi porte un intérêt particulier à la musique française. Il balaye un peu tout le spectre du répertoire français qui va de la musique baroque à la musique romantique. Sûrement sensibilisé par sa formation avec John Eliot Gardiner, avec qui il avait collaboré étant plus jeune, il a toujours eu cet attrait pour la musique française. Il a désiré justement la mettre à l'honneur dans son pays en faisant plusieurs collaborations avec le . Et c'est dans ce cadre que moi, j'ai pu faire mes premières collaborations avec eux. Et donc c'est tout naturellement que pour la création d'un répertoire – enfin d'un récital – autour de la musique baroque française, je me suis tourné vers eux.

Pour ce CD on a vraiment été chercher des compositeurs moins valorisés par le temps, comme François Rebel, François Francoeur, Antoine Dauvergne, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville et François-Lupien Grenet. Bien sûr les spécialistes connaîtront tous ces noms, mais je pense que pour de nombreuses personnes, ce sera une découverte. Et donc c'est ça qui m'intéresse, de remettre au goût du jour des choses qui n'ont peut-être pas traversé l'histoire et de redonner une chance à ses œuvres d'être entendues aujourd'hui.

ICMA : Comment est-ce que vous vous lancez dans une telle recherche ? Où est-ce que vous trouvez toutes ces pièces ?

CD : Alors ça ne se fait pas tout seul, que ce soit pour la musique romantique, le répertoire du Lied et de la mélodie ou la musique baroque. Je pense que c'est bien qu'on sépare un petit peu les tâches quand on a un projet comme ça. Il y a des personnes qui sont vraiment spécialisées dans la recherche musicologique et c'est très précieux de les mettre ensemble pour qu'on puisse les faire ressortir du répertoire qui a été oublié, qui a été perdu dans des bibliothèques.

Dans ce sens, le partenariat avec le CMBV est très précieux. J'ai été beaucoup aidé par Benoît Dratwicki [ndlr : directeur artistique du CMBV] qui a proposé plein de partitions. On les a lues ensemble et on a fait une séance de déchiffrage pour essayer de trouver des caractères différents, des compositeurs différents et des histoires différentes. On a essayé de les réunir pour obtenir ce récital qui porte le titre « Jouissons de nos beaux ans! ».

ICMA : La composition d'un programme, en particulier d'un programme autour la musique vocale n'est pas sans importance. Combien de temps travaillez-vous sur la dramaturgie d'un album ?

CD : Ce qui est intéressant quand on donne un récital qui n'est pas une monographie et pas uniquement le travail d'un seul compositeur, c'est de trouver une thématique, une atmosphère, qui relie les différentes pièces.

Ce qu'on cherche avant tout, c'est la variété, qui était celle du ténor de l'époque, ce qu'on appelle la haute-contre. Celle-ci consistait en une double vocalité, très héroïque, avec des passages très virtuoses, mais aussi d'une extrême tendresse. Je pense que c'est peut-être quelque chose qui est propre à la musique française dans toute son histoire. C'est à dire qu'on a cette image du ténor qui peut personnifier justement les plus grands héros, mais aussi les plus grandes tendresses, les plus grandes suavités dans la ligne. C'est ce que j'aime chercher avec mon instrument, de pouvoir balayer tout le spectre sonore et tout le spectre des intentions. Donc c'est ça qu'on cherche, quand on construit un programme.

ICMA : Vous avez parlé de votre voix comme instrument, est-ce que vous pouvez nous décrire cette approche ?

CD : Ce qui est très particulier avec la voix, c'est que chacune sonne de manière différente, chaque timbre est unique. On ne retrouve pas forcément cette même impression quand on parle d'instruments externes. Un violon peut toujours sonner comme un violon. Une voix c'est une construction de résonateurs. Les différentes parties qui vibrent, qui résonnent sont très propre à la physionomie du chanteur. Et en fait moi, ce que j'aime dans les voix, c'est la fragilité et la richesse des timbres et des couleurs. J'essaye de raconter une histoire à travers l'histoire, juste par la maîtrise des différents timbres de la voix. D'être au plus proche de l'émotion, c'est ce qui me touche dans une voix et c'est ce que je recherche quand je travaille mon instrument. C'est une recherche passionnante parce qu'elle est évolutive. La voix que j'avais hier n'est pas celle que j'aurai demain. C'est fascinant de voir à quel point l'instrument peut changer au cours des années.

« Je pourrais passer toute ma vie à sortir des inédits »

ICMA : Avant, vous avez parlé des deux différents images d'un ténor du XVIIIᵉ siècle en France. Parlons maintenant de deux mondes différents : Dans votre répertoire, vous naviguez entre le répertoire de la mélodie, respectivement du Lied et celui de l'opéra. L'un est intime, l'autre se passe sur la grande scène avec parfois des productions vraiment grandes. Où est-ce-que vous voyez des liens ?

CD : Déjà, c'est bien sûr la voix et l'amour de la musique. En fait, pour moi ce sont vraiment deux exercices complètement différents et desquels je ne pourrais pas m'éloigner. L'exercice de la scène est quelque chose de très, très intense en termes de partage, de synergie et de convergence d'énergie pour arriver à un spectacle complet. L'opéra fait le spectacle complet. Pour y arriver, on peut avoir parfois près de 100 personnes qui travaillent à la production d'un son, que ce soient les chœurs, l'orchestre, les solistes. Et bien sûr la scène, ça c'est le chanteur-acteur. La façon dont on utilise son corps pour raconter une histoire, c'est quelque chose qui est très intéressant à creuser.

Par contre, de l'autre côté, cette atmosphère de l'intime, le fait de pouvoir murmurer à l'oreille d'un spectateur dans un petit effectif, de raconter des histoires peut être différentes, mais à un autre niveau de subtilité, c'est un exercice qui me fascine. Aussi, j'ai l'impression d'avoir peut-être plus de maîtrise sur les choix artistiques, quand je suis uniquement avec un piano ou en musique de chambre. On prend des décisions qui sont peut-être plus en rapport avec nos aspirations artistiques. Et donc c'est ce mélange entre ces deux exercices que je trouve passionnant.

En plus, dans les deux domaines il y a encore tellement de choses à découvrir ! Je pourrais passer toute ma vie à sortir des inédits ou des choses qui n'ont été interprétées qu'une seule fois, et qui mériterait d'être à nouveau interprétée. Pour un artiste, c'est extrêmement valorisant parce que le public écoute différemment, sans aucun élément de comparaison. C'est l'écoute de ce qui est proposé et non pas de ce que l'on attend. Et ça, c'est une autre forme d'écoute, que moi j'aime en tout cas susciter chez l'auditeur.

ICMA : Cyrille Dubois, est-ce que vous jouez toujours l'orgue ?

CD : Ah non, j'ai arrêté il y a un moment, ça m'arrive de temps en temps de me remettre devant l'instrument qui est chez moi. Mais c'est vrai que c'est quand même assez rare parce que je ne suis pas très souvent à la maison. Dans des moments un peu nostalgiques, je vais reprendre les partitions et rejouer des choses que j'avais jouées dans ma jeunesse. Mais maintenant c'est une époque qui est complètement révolue.

Crédits photographiques : © Philippe Delval

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