William Youn au service du nivellement thématique

Cette nouvelle parution paraît séduisante : un jeune pianiste talentueux, un orchestre de radio allemande de grande qualité habitué à fréquenter un répertoire pointu et un chef russe débutant une carrière discographique. Le répertoire abordé laisse lui aussi augurer le meilleur pour le mélomane averti.

En effet, si Reynaldo Hahn est relativement mieux servi au disque aujourd'hui, notamment au piano dans son magnifique cycle de 53 pièces « le rossignol éperdu » ou dans ses nombreuses mélodies, le Concerto pour piano daté de 1930 n'a que peu trouvé la faveur des interprètes. Gabriel Fauré a donné le meilleur de lui-même dans la musique de chambre, les mélodies et le piano, mais sa musique orchestrale passe un peu au second plan, et encore davantage les deux seules pièces écrites avec piano soliste, la Ballade et la Fantaisie. Quant à Nadia Boulanger, sa musique orchestrale est une part minime de sa production toute dévouée à la mélodie.

Alors d'où vient l'ennui qui nous envahit à l'écoute de ce disque ? Justement du poids écrasant des productions majeures évoquées dans le corpus global de leurs auteurs : ni le Concerto de Hahn, ni les Ballade et Fantaisie de Fauré ni la Fantaisie variée de Nadia Boulanger (d'ailleurs vite oubliée à son époque) ne sont l'arbre qui cache la forêt. On a pour chacune d'entre elles la désagréable impression d'un bavardage futile, d'une espèce d'errance solistique où le piano ne donne pas l'impression de s'affirmer en tant que tel et où l'orchestre soutient sans vraiment commenter. Une fois l'écoute achevée viendra la réflexion du pourquoi, de la nécessité d'enregistrer ces œuvres.

L'interprétation ici très lisse et sans à-coups de William Youn vient sans doute renforcer encore davantage cette impression. Les célébrissimes mélodies À Chloris, l'Heure exquise et Après un rêve de Hahn et Fauré, dont la présence ici apparaît comme un écho du meilleur de leurs auteurs, ne sont hélas que l'ombre d'elles-mêmes, puisque l'arrangement pour piano seul du soliste éloigne toute perspective d'en goûter la saveur originale…