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Chostakovitch et Britten, une amitié improbable

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Rares sont les compositeurs soviétiques à avoir bénéficié d’un intérêt aussi massif et constant de la part du milieu artistique que Dimitri Chostakovitch, aussi bien de son vivant que depuis sa disparition en 1975. Sa musique, ses idées publiques ou cachées, chaque pan de son existence, scrutés sans relâche par un régime politique autoritaire, ont fait l’objet de commentaires incessants de la part du monde musical, littéraire, et plus largement artistique. Les aléas et les dangers réels et menaçants du pouvoir politique dictatorial sous Staline et ses successeurs ont ponctué sa vie, ses comportements et les réactions plus ou moins opportunistes de ceux qui furent amenés à se prononcer sur ses faits et gestes, ses options humanistes et sa musique au filtre d’analyses perturbées par les peurs, les intérêts et les calculs immédiats. Cette galerie consacre des tranches de vie du monde musical soviétique centrées sur la personne et l’œuvre de Chostakovitch par ceux qui l’ont approché. Pour accéder au dossier complet : Chostakovitch par ses contemporains soviétiques

 

Dimitri Chostakovitch (1906-1975), l'un des compositeurs soviétiques les plus emblématiques du XXe siècle, et (1913-1976) immense créateur britannique, n'avaient a priori que peu de points communs. De leurs rencontres éclot une amitié a priori peu prévisible et pourtant bien réelle.

Lorsque le 28 février 1948, l'Union des compositeurs de Moscou renchérit sur la résolution du Comité central du Parti condamnant un certain nombre de compositeurs, dont en particulier Dimitri Chostakovitch, qui se voit vertement critiqué et puni publiquement, il est décidé que la plupart de ses œuvres seront mises à l'index. On lui reproche – mais à d'autres également – ses aspirations formalistes et on lui impose de prononcer une autocritique publique impitoyable, écrite par une autre main !

Le suppôt et indéboulonnable du régime, le président de l'Union des compositeurs, , dans son discours, dénonce sans nuances le « formalisme bourgeois » d'artistes modernistes inacceptables, visant en particulier Messiaen, Berg, Hindemith et , sans oublier Stravinsky, Prokofiev, Khatchatourian et surtout Chostakovitch, l'auteur de l'opéra Lady Macbeth qui avait horrifié Staline et provoqué sa colère en raison de son « langage abstrait », vulgaire et pathologique. Pour certains, alors, dès 1936, « le chaos remplace la musique ». La mention du compositeur britannique montre combien les autorités soviétiques avaient connaissance de l'impact de l'œuvre sur Britten et ce depuis les années 1940, cas sans doute unique à l'étranger à cette époque.

La vie de Dimitri Chostakovitch se résumera à une pénible succession de reconnaissances et de rejets brutaux, de félicitations et de condamnations, voire de menaces très sérieuses, mais aussi à une alternance de compromissions et de critiques acerbes d'un régime dictatorial inhumain.

En 1936, le film pacifiste Peace of Britain avec la musique de Britten sort sur les écrans ; à la même époque ce dernier découvre à Londres l'opéra Lady Macbeth du district de Mzensk de Chostakovitch en version de concert. L'œuvre l'impressionne et l'enthousiasme énormément et durablement. Les timbres, les rythmes et de nombreuses pages caractérisées par une expression résolument sarcastique stimulent son intérêt et rappellent en écho ses propres propensions créatrices maintenant amplifiées (et parfois palpables) par les partitions de son collègue soviétique. Toutefois, on peut rappeler que sa découverte de l'opéra de Chostakovitch Le Nez en 1934 ne l'avait pas particulièrement passionné. Etonnamment, Britten compose en 1936 une pièce pour cuivres et percussions War and Death (plus tard nommée Russian Funeral) inspirée par un chant révolutionnaire dont Chostakovitch se souviendra en 1957 dans sa Symphonie n° 11.

En URSS, il se trouvait des voix pour critiquer Britten. Ainsi, Boris Assafiev, en 1948, condamna durement les musiques de Britten et de Messiaen, les qualifiant de mélange de formalisme, d'obscurantisme et de dépravation !

Pour situer correctement l'histoire de cette relation humaine, on ne doit pas oublier l'état de Guerre Froide qui opposait le bloc occidental et le bloc communiste avec les multiples implications se propageant à tous les niveaux de la politique et de la vie culturelles qui en résultaient. Le Dégel qui suivra peu de temps débouchera sur une nouvelle longue période de répression.

L'Académie Sainte Cécile de Rome, en mars 1956, élit à la majorité absolue trois personnalités notables : Britten, Chostakovitch et Poulenc.

En 1960, Chostakovitch âgé de 54 ans, devient, pas vraiment de son plein gré, premier secrétaire de l'Union des compositeurs et adhère au Parti communiste. Aux mois de septembre et octobre 1960, il part en tournée en Europe et visite entre autres la Grande-Bretagne accompagné par les célèbres chefs russes et et par l'Orchestre philharmonique de Leningrad. Parmi les œuvres programmées se trouvent ses Symphonies n° 5 et n° 8. Il assiste donc au Festival d'Édimbourg consacré à ses propres œuvres et à deux concerts à Londres. Une trentaine de ses musiques sont jouées ! On y crée à Covent Garden son Concerto pour violoncelle et orchestre n° 1 avec en soliste , son ancien élève au Conservatoire de Moscou et immense virtuose. Sont également présents les violonistes Yehudi Menuhin et Nathan Milstein. L'accueil public et critique s'avère enthousiaste. Dans la capitale britannique, le 21 septembre, il rencontre (47 ans) qui à ce moment travaille sur une réduction de son opéra Billy Budd, dont un des thèmes repose sur l'impuissance de l'innocence et du bien face au mal, sujet qui l'habitera toujours. Les deux hommes sont présentés l'un à l'autre dans une loge du Royal Festival Hall. Britten cache difficilement son plaisir à l'écoute du Concerto pour violoncelle qu'il manifeste par des poussées de connivence du coude vers son collègue.

Rapidement, ils développent une franche et sincère admiration basée sur un respect mutuel stimulant qui se métamorphose contre toute attente en une authentique amitié. Britten appréciait depuis longtemps déjà l'œuvre de son collègue russe et ses impressions se renforcent sensiblement. Les trois compères s'entendent donc au mieux en dépit de leurs caractères fort distincts. L'expansivité du violoncelliste, la retenue du compositeur russe et l'admiration de l'Anglais prolixe qui a parfaitement conscience de l'immense influence de Chostakovitch sur son travail de composition, comme il lui écrira en décembre 1963.

Les deux compositeurs ne pouvaient converser librement gênés par la barrière de la langue, mais néanmoins ils réussirent avec le temps à se sentir proches l'un de l'autre aidés en cela par leur admiration professionnelle, leurs musiques et probablement aussi aidés par les traductions de leurs proches relations. Britten fut l'unique compositeur occidental avec lequel Chostakovitch noua de telles relations. Le virtuose du violoncelle qu'était Rostropovitch fit énormément pour solidifier ces relations.

Trois ans plus tard, en mars 1963, lors de son premier voyage en URSS où il donne cinq concerts, Britten, à l'occasion du Festival de musique britannique à Moscou, retrouve son ami anglais. Il effectuera en tout six séjours en URSS entre cette date et 1971. Ces voyages s'inscrivent inévitablement, semble-t-il, en faveur du régime communiste. Un entretien parut dans le journal Pravda suscitera des commentaires négatifs dans le Daily Telegraph quant aux sous-entendus de récupérations idéologiques. Et pourtant Britten était ouvertement pacifiste et homosexuel.

Chostakovitch, de son côté, en apprécie hautement certaines œuvres. Ainsi à propos du War Requiem, œuvre majeure achevée au début de l'année 1962 et créée le 3 mai suivant. En l'absence de , interdite de sortie du territoire russe, au motif que le baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau également programmé était considéré comme un ancien ennemi.

Chostakovitch confie dans une lettre à Glikman écrite à Joukovka le 1er août 1963 : « C'est du même niveau que Les Chants de la Terre de Mahler ». Et précise : « Lorsque j'écoute le Requiem de Benjamin Britten, ma vie devient encore plus gaie, encore plus joyeuse ». On sait que Chostakovitch se mit en quête d'un magnétophone, objet rare en URSS, après que le Britannique lui a envoyé la partition et un enregistrement de son œuvre. « Je le passe sans cesse et j'admire le génie de cette œuvre », écrit-il à son ami fidèle . Il lui précise dans un courrier daté du 27 août 1963 : « J'apporterai le disque du Requiem de B. Britten. J'ai très envie de te faire connaître cette œuvre. Peut-être connais-tu quelqu'un qui possède un magnétophone. Nous pourrions aller chez cette personne pour l'écouter ».

Des liens respectueux puis amicaux se tissent bientôt entre les membres d'un quatuor singulier comprenant Chostakovitch, Britten, la soprano (Galia) et son mari le fameux violoncelliste (Slava).

Quelques mois plus tard, le 12 mars 1964, à l'invitation des autorités soviétiques, Britten dirigera sa propre Symphonie pour violoncelle et orchestre à Moscou avec le soliste russe en vedette et lui-même à la direction. L'Union des compositeurs n'intervint pas face à cette musique bourgeoise ! Chostakovitch et Khatchatourian sont présents dans le public. Une partie du public demeura passive, les étudiants relégués dans les hauteurs exultèrent d'enthousiasme.

Plusieurs partitions de Britten seront écrites à l'intention de Rostropovitch, on songe à une sonate pour violoncelle et piano, trois sonates pour violoncelle seul et sa Symphonie pour violoncelle.

Le compositeur anglais présenta un peu plus tard, en concert à Leningrad, sa fameuse musique de l'opéra Peter Grimes et à l'automne, octobre 1964, Britten revenait en URSS à la tête de l'English National Opera pour présenter trois opéras de chambre de sa composition, à savoir The Rapt of Lucrezia (Le Viol de Lucrèce), Albert Herring et The Turn of the Screw (Tour d'écrou). Ainsi que le note justement Frans C Lemaire, ces œuvres « se situaient à quelques années-lumière du réalisme soviétique ». Le spectateur Chostakovitch confia qu'il avait été fortement impressionné par le Tour d'écrou.

Une séance de lecture des Quatuors à cordes n° 9 et n° 10 réunissant Chostakovitch, Benjamin Britten et le ténor renforce encore un peu plus l'admiration de Britten pour la musique de son ami russe, il les place même – et l'écrit – au-dessus de ses récentes symphonies. Cela se passait après la première de la Symphonie à Moscou. Rapidement, le Britannique a parfaitement perçu les deux volets de la musique de son ami : celle destinée « au tiroir » (symphonies, musique de chambre), boudées par le régime et celles de circonstances (comme le Chants des forêts, par exemple) flattant l'autoritarisme ambiant et son tyran.

Le couple Chostakovitch célèbre le Nouvel An 1965 avec Britten dans sa datcha de Joukovka. Dmitri consacrera cette année-là beaucoup d'énergie en faveur des jeunes compositeurs soviétiques embarrassés par la rigide et contraignante Union des compositeurs. Et ce en dépit des nombreux ennuis de santé qui l'inquiètent de plus en plus et des contraintes de toutes sortes exercées par les autorités soviétiques qui entravent trop souvent le bon déroulement de sa création.

Britten est de nouveau invité pendant trois semaines, durant l'été 1965, avec , en Arménie et participe à un festival de sa musique organisé par la capitale, Erevan. Ils séjournent le plus souvent dans la ville de Dilidjan, où Dmitri se retirait en paix. Britten achève un cycle de mélodies sur des poèmes de Pouchkine destiné à Galia.

Ils demeurèrent aussi, sur l'invitation de Rostropovitch, une dizaine de jours pendant les vacances d'hiver à Moscou et Leningrad. Le jour de Noël les deux Britanniques donnèrent une interprétation réussie des Dichterliebe de Schumann et les Sonnets de Michelangelo de Britten dans la grande salle du Conservatoire de Moscou. Chostakovitch était dans le public. Le programme est répété le 28 décembre à Leningrad. Les amis se retrouvent chez Rostropovitch le 25 décembre. Les Chostakovitch assistèrent à la soirée et Pears se souvient que Dmitri était en forme, causant, intéressant, abordant divers sujets avec aisance.

Néanmoins, relativement libéré d'une obligation de demeurer dans le sillage officiel, Chostakovitch s'exprime avec plus d'audace et de véracité et cite sans modération ni prudence ceux qu'il qualifie de classiques du XXe siècle : Mahler, Stravinsky, Bartók, Alban Berg et Benjamin Britten. Une intéressante photographie prise en 1966 montre un Chostakovitch souriant, ce qui n'est pas si fréquent en public, à côté de lui Britten le regarde aimable et bienveillant.

En avril 1966, reçoit chez lui, à Leningrad, le couple Chostakovitch chargé de cadeaux et parmi eux un disque du War Requiem de Britten ainsi qu'un tourne-disque. En mai suivant, Chostakovitch assiste à la première officielle russe du War Requiem. Il ne cache pas la forte impression ressentie et situe cette œuvre sur un même plan que le Chant de la Terre de Mahler qu'il admire, de même que Britten. En juin suivant, Glikman lui rendit visite à l'hôpital et au cours de la discussion il dit : « A comparer le Requiem de Mozart avec le War Requiem de Britten, je préfère Britten ».

Début octobre 1966, l'ami Rostropovitch lui téléphone de Londres pour l'informer qu'il avait interprété son Concerto n° 2 pour violoncelle avec un vif succès. De même, Britten lui adresse « un télégramme adorable… Qui m'a fait plaisir, car il me semble que Britten est un très bon compositeur et qu'il s'y connaît en musique ». À partir du milieu des années 1960, Britten connut une réelle célébrité en URSS. Il se laissa entraîner à exprimer une condamnation du dodécaphonisme et de l'art dénué d'inspiration. Chostakovitch, quant à lui, inquiété par un état cardio-vasculaire préoccupant, reçoit la Médaille d'or de la British Royal Philharmonie Society.

Le 25 décembre 1966, Britten et son compagnon donnent un récital à Moscou. Dès le lendemain Chostakovitch adresse une nouvelle missive à Glikman. « Le concert m'a causé une grande joie ». Ils interprètent L'amour du poète (Dichterliebe) de Schumann et Sept Sonnets de Michel-Ange de Britten. Il ajoute : « Ce concert m'a rendu vraiment heureux ». Comme le souligne le destinataire de cette lettre, il est possible que cette partition de Britten ait donné l'idée à Chostakovitch de composer, huit ans plus tard (juillet 1974), sa Suite sur les poèmes de Michel-Ange Buonarotti pour basse et orchestre symphonique.  Quelques jours plus tard, ils passent le Nouvel An 1967 à Joukovka avec les Chostakovitch. Dès le 2 janvier 1967, Britten et Pears entendent, au conservatoire, le dernier mouvement de la Symphonie n° 13 « Babi Yar » dont le sujet est l'assassinat de juifs (mais pas que) dans le ravin de Babi yar situé non loin de Kiev.

L'Enfant prodigue de Britten (1968), sa troisième parabole pour l'Église, inspiré par sa visite du musée de l'Ermitage de Leningrad où il admire l'art de Rembrandt, est dédiée à Chostakovitch et sera créée en son absence pour cause de maladie. Mais on en perçoit l'influence dans la Symphonie n° 14 de 1969, dédiée en retour à Britten. Il y utilise des thèmes de séries de douze sons (Symphonie n° 13) de 1970. Britten se sert également de la série dans le Tour d'écrou et dans ses deux derniers opéras. Britten, en juin 1968, travaille sur la Suite n° 2 pour violoncelle seul destinée à Rostropovitch dans laquelle il cite bien consciemment le motif initial de la Symphonie n° 5 de l'ami Chostakovitch. Elle sera créée en juin 1968 à Aldeburgh par le commanditaire.

Pour sa puissante Symphonie n° 14 pour soprano, basse, orchestre à cordes et percussions, composée en 1969, le texte repose principalement sur des poètes occidentaux célèbres et il reconnaît que son inspiration doit beaucoup à Moussorgski. Il la dédie à son ami Benjamin Britten « en témoignage de profond respect et de cordial dévouement. » « Son œuvre la plus intime », remarque un ami. La création, privée, a lieu au Conservatoire de Moscou le 21 juin 1969 sous la direction de Rudolf Barchaï et reçoit un excellent accueil contrairement à la critique officielle réservée. La création publique se déroule à Leningrad le 29 septembre 1969 avec . Chostakovitch avait pris pour modèle la Sérénade de Britten auquel l'œuvre était dédiée. Il s'inspira de divers textes inspirés par une vision terrorisante de la mort.

Britten et Pears reviennent à Moscou et Leningrad pour les Journées de musique britannique en avril 1971. Du premier on interprète le Concerto pour piano et la Symphonie pour violoncelle (avec le pianiste Sviatoslav Richter et le violoncelliste Rostropovitch) en présence de Chostakovitch qui assista aussi à un concert privé donné à l'Ambassade britannique. La présence d'un traducteur intensifie l'intimité des deux compositeurs.

Les deux amis se retrouvent encore deux fois dans un cadre moins formel. On assiste dans l'appartement de Chostakovitch à une émouvante et passionnante répétition de son tout récent Quatuor à cordes n° 13 en un seul mouvement assuré par le Quatuor Beethoven. Britten le programmera au festival d'Aldeburgh de 1973. Chostakovitch assiste peu après, chez les Rostropovitch, à la première lecture au piano de la Suite pour violoncelle seul n° 3 que Britten confie au grand virtuose russe. Malheureusement, Rostropovitch ne pourra pas en assurer la création en Angleterre, puni après avoir courageusement défendu Soljenitsyne, Prokofiev et Chostakovitch et plus largement la liberté d'expression.

Au cours de l'année 1972, malade et affaibli, Chostakovitch perd plusieurs amis et connaissances proches, son moral est au plus bas. Néanmoins, lui qui a toujours aimé voyager à l'étranger (ainsi que son épouse Irina) se déplace de nouveau. Il se dirige au printemps 1972 en direction de Berlin-Est à l'occasion de la première allemande de sa Symphonie n° 15 en mai puis va au sanatorium. Le mois suivant (fin mai), à Londres, il se rend pour la première et dernière fois au domicile de Britten à Aldeburgh dans la province du Suffolk, ce dernier travaille à ce moment-là sur son opéra Death in Venise (Mort à Venise) d'après Thomas Mann et lui en montre, geste rarissime, des passages. Le visiteur est fortement impressionné et le confie à Glikman à son retour et exprime que ce qu'il a pu lire lui avait plu. Lui-même va mettre en chantier son Quatuor à cordes n° 14 qu'il dédiera à Britten.

Ils ne se reverront plus. Les hospitalisations se succèdent les unes aux autres tandis que les diagnostics graves s'enchaînent et que son état de santé général (moral inclus) décline sensiblement. Chostakovitch nourrissait envers Britten une haute admiration. L'influence du War Requiem, de 1962, semble avoir laissé des traces dans la gestation de sa propre Symphonie n° 14, en particulier en ce qui concerne l'ouverture : le motif du Dies Irae. Chostakovitch décède le 9 août 1975 et Britten, souffrant depuis longtemps, disparaît seize mois plus tard, le 4 décembre 1976. Entre-temps, en février 1976, ce créateur éclectique aura été nommé au fauteuil de son ami Dmitri à l'Académie des Beaux-Arts de l'Institut de France.

Leur relation amicale toute de sincérité avait exclu toute volonté de rivalité, contrairement à ce qui s'était passé avec Stravinsky et Prokofiev. Chacun croyait en la puissance de l'art, était attaché à son pays respectif, ambitionnait de donner le meilleur de son inspiration à ses concitoyens et à l'humanité.

Repères bibliographiques succincts

CHOSTAKOVITCH Dmitri, Lettres à un ami. Correspondance avec , Albin Michel, 1994.

COUDERC Gilles, Britten et les Russes : Itinéraires croisés, Université de Caen. Disponible sur Google (Université de Toulouse-Jean Jaurès) (https://interfas.univ-tlse2.fr › slavicaoccitania).

CARON Jean-Luc, Dimitri Chostakovitch, bleu nuit éditeur, 2021.

DE GAULLE Xavier, Benjamin Britten ou l'impossible quiétude, Actes Sud, 1996.

DERMONCOURT Bertrand, Dimitri Chostakovitch, Actes Sud/Classica, 2006.

LEMAIRE Frans C., Le destin russe et la musique, Fayard, 2005.

MEYER Krzystof, Dimitri Chostakovitch, Fayard, 1994.

PORCILE François, Benjamin Britten, bleu nuit éditeur, 2021.

WILSON Elizabeth, Shostakovich. A Life Remembered, Faber and Faber, 2006.

Crédits photographiques : Dmitri Shostakovich (à gauche) avec Benjamin Britten en 1966 © RIA Novosti

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Rares sont les compositeurs soviétiques à avoir bénéficié d’un intérêt aussi massif et constant de la part du milieu artistique que Dimitri Chostakovitch, aussi bien de son vivant que depuis sa disparition en 1975. Sa musique, ses idées publiques ou cachées, chaque pan de son existence, scrutés sans relâche par un régime politique autoritaire, ont fait l’objet de commentaires incessants de la part du monde musical, littéraire, et plus largement artistique. Les aléas et les dangers réels et menaçants du pouvoir politique dictatorial sous Staline et ses successeurs ont ponctué sa vie, ses comportements et les réactions plus ou moins opportunistes de ceux qui furent amenés à se prononcer sur ses faits et gestes, ses options humanistes et sa musique au filtre d’analyses perturbées par les peurs, les intérêts et les calculs immédiats. Cette galerie consacre des tranches de vie du monde musical soviétique centrées sur la personne et l’œuvre de Chostakovitch par ceux qui l’ont approché. Pour accéder au dossier complet : Chostakovitch par ses contemporains soviétiques

 
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