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Intégrale des Symphonies de Sibelius par le Philhar’ et Mikko Franck

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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 10, 11 & 12-IV-2024. Jean Sibelius (1865-1957) : Le 10 : Symphonie n° 1 en mi mineur, op. 39. Symphonie n° 2 en ré majeur, op. 43. Le 11 : Symphonie n° 3 en ut majeur, op. 52. Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47. Hilary Hahn, violon. Symphonie n° 4 en la mineur, op. 63. Le 12 : Symphonie n° 5 en mi bémol majeur, op. 82. Symphonie n° 6 en ré mineur, op. 104. Symphonie n° 7 en ut majeur, op. 105. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction musicale : Mikko Franck

Comme un pré-bilan à un an de la fin de son mandat de directeur musical du Philhar, renoue avec ses amours de jeunesse et propose en trois soirs à Radio France l'intégrale des Symphonies de son compatriote , éclairée au centre par dans le Concerto pour violon.


Longtemps boudé de la scène parisienne, malgré une intégrale des symphonies par Salonen et le Los Angeles Philharmonic à la Salle Pleyel en 2007, a regagné du terrain à mesure que les nouveaux directeurs musicaux nommés dans la capitale française s'y intéressaient. Cinq ans après le début de mandat à l'Orchestre de Paris de Paavo Järvi – grand amateur lui aussi de la musique du Finlandais -, prend la direction musicale de l' en 2015 et programme rapidement la musique de son compatriote, depuis reprise par d'autres chefs encore plus jeunes formés eux-aussi à l'école Jorma Panula, de Klaus Mäkelä à Tarmo Peltokoski.

En trois soirs, revient donc à ce compositeur toujours maintenu à son répertoire, pour en faire ressortir les liens évidents qu'il possède pour sa musique. Sans marquer par un son orchestral trop chaud – on s'est maintenant habitué avec les jeunes précités, auxquels il faut ajouter Rouvali -, le chef finlandais de 45 ans dirige les œuvres dans l'ordre chronologique, toujours dans leurs versions définitives. La Symphonie n°1 ouvre donc le premier concert, et si elle laisse percevoir parfois un petit manque de préparation de l'orchestre, comme dans certaines parties de groupes (la clarinette solo sera bien plus en accord avec la deuxième clarinette le vendredi que le mercredi), en ressort tout de même un geste très naturel pour traiter l'orchestration de Sibelius. Le Scherzo profite particulièrement de cette lecture, dynamique sans jamais sur-accentuer aucune notation, tandis que le finale met en avant un bel ensemble de cordes graves. La Symphonie n°2 apparaît ensuite avec un orchestre au complet sur la scène de l'Auditorium de Radio France, plus concentré que pour la partition précédente, avec des sonorités étalées dans de belles couleurs du nord, notamment aux violons à l'Allegretto. La tenue trop légère du développement du génial Tempo Andante manque toutefois un peu de poids, malgré des cors et trombones précis. Le Vivacissimo regagne en prestance avec un rythme plus allant, bien entraîné par le premier violon, superbe Montagnana 1740 en possession de Ji-Yoon Park. (VG)

Le jeudi, l'effectif s'est allégé pour la Symphonie n°3, dans laquelle Sibelius finit par trouver la solution d'un finale qui agrège scherzo et allegro et donc d'une symphonie qui ne compte ainsi -à l'instar de la version révisée de la 5ème– plus que trois mouvements. Là n'est pas la seule originalité de l'œuvre, où tout témoigne d'une liberté de facture et d'une conduite hors des modèles académiques, d'où les idées fusent et les couleurs se déploient, avec le mélos populaire toujours à fleur de ligne. Amorcé par le motif énergétique des violoncelles, l'Allegro moderato se veut fringant sous la baguette de Mikko Franck, qui entretient la fluidité du discours jusqu'à la plénitude orchestrale de la coda. Les bois chantent dans le grave, doux et suaves dans le bel Andantino évoquant le climat des légendes nordiques, tandis que le début du finale prend des allures de scherzo elfique, avec des relais de timbres clairement dessinés dans l'orchestre, où s'installe assez vite cette circularité du mouvement propre à Sibelius, phase d'attente superbement entretenue par l'orchestre avant l'issue vers la lumière.

En fin de second soir, la Symphonie n°4 apparaît comme un univers en soi, sombre et stagnant, évoquant souvent sous la baguette du chef le drame wagnérien et sa temporalité étirée. Si elle se coule dans le moule traditionnel des quatre mouvements, elle débute par un quasi adagio, confiant au violoncelle solo (superbe Nadine Pierre) un chant qui sourd des profondeurs. La musique est sans bord et le discours errant, traversé de signaux inquiétants que lancent les cors en sourdine et le hautbois. Las ! Le corniste, dont l'une des palettes s'est bloquée, doit quitter la scène à la fin du premier mouvement, suivi de Mikko Franck qui s'impatiente… Lorsqu'ils reviennent, les sonorités sont plus claires mais le drame toujours latent dans un Allegro molto vivace qui coupe court, puis cède la place à un largo sublime où les instruments sont en relais, véritable mélodie de timbres très chambristes dont l'instabilité tonale nous fait basculer dans un autre monde. La présence d'un carillon dans l'Allegro final apporte sa touche de lumière sans toutefois dénouer les tensions au sein d'une musique aussi belle qu'étrange. Pour illuminer ce programme médian, Mikko Frank a fait appelle à une violoniste qu'il connait bien, puisque a été en résidence à Radio France jusqu'en 2019 : la complicité des deux artistes s'entend dès le début du Concerto pour violon donné en fin de première partie. Le jeu de Hahn y est impeccable, avec une homogénéité de timbre dans tous les registres qui impressionne et une belle assurance aux côtés d'un orchestre aux couleurs généreuses, portées par le chef. (MT)


Le dernier soir, l'orchestre a modifié quelques têtes, dont celle du premier violon où vient se placer Nathan Mierdl. Mais la vision n'a pas changée et si les grands développements de la Symphonie n°5 manquent parfois de poids pour procurer toute sa force à cette partition, la construction y est claire et toujours évidente, autant que la clarté et la fluidité de la ligne. Réduite à trois mouvements, l'œuvre fait particulièrement ressortir les bois du Philharmonique, dont la flûte solo et le hautbois solo, d'une sonorité si chaude qu'il s'apparente souvent presque à un cor anglais. Contrairement au premier soir, le timbalier est plus mesuré, les timbales s'étant trop démarquées par des baguettes trop nettes dans la Symphonie n°1. Composées entre 1914 et 1924, ces pièces sont parmi les dernières du compositeur (qui vivra encore trente ans après), sans jamais réussir à offrir au monde une dernière symphonie, tant attendue par Serge Koussevitzky et son Boston Symphony Orchestra.

Il faut alors se contenter en dernière partie du troisième soir des Symphonie n°6 et 7. La première est très bien appréhendée par Mikko Franck par son côté purement symphonique, qui ne cherche jamais à en faire ressortir autre chose que la lettre et la formidable inventivité thématique et mélodique déployée encore par Sibelius en 1923. Les choses se gâtent dès l'année suivante, où la Symphonie n°7 trouve une forme définitive enchaînée en un seul mouvement, d'une noirceur faite de nombreux doutes déjà exprimés par un artiste qui ne composera presque plus rien par la suite. Comme en 2015, Mikko Franck s'y montre sans doute un peu trop distant, avec ce détachement qui semble rappeler que lorsqu'il est devant un orchestre, le chef ne veut jamais vraiment faire passer un message tragique. Dans la même optique et comme à la fin d'autres mouvements pendant les trois soirs, il clôt la coda comme s'il s'agissait d'une simple conclusion de phrase, plutôt que comme un véritable achèvement. De même, il n'offre pas plus de bis ce dernier soir que lors des autres concerts, malgré les chaleureux applaudissements, pas même une Valse Triste, qui aurait pourtant été parfaitement adaptée pour clôturer cette intégrale en prémices de fin de cycle. (VG)

Crédits photographiques : © ResMusica

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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 10, 11 & 12-IV-2024. Jean Sibelius (1865-1957) : Le 10 : Symphonie n° 1 en mi mineur, op. 39. Symphonie n° 2 en ré majeur, op. 43. Le 11 : Symphonie n° 3 en ut majeur, op. 52. Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47. Hilary Hahn, violon. Symphonie n° 4 en la mineur, op. 63. Le 12 : Symphonie n° 5 en mi bémol majeur, op. 82. Symphonie n° 6 en ré mineur, op. 104. Symphonie n° 7 en ut majeur, op. 105. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction musicale : Mikko Franck

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