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François Mauduit voit Dans les yeux d’Audrey

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Créé en décembre 2022 au Théâtre de Caen, Dans les yeux d'Audrey poursuit sa tournée dans plusieurs villes françaises, avant sa première parisienne au Théâtre des Champs-Elysées le 23 avril. Rencontre avec , créateur du Prix Nijinsky 2023, le chorégraphe inspiré par la délicieuse et fantasque actrice américaine, qui fut la muse de grands cinéastes, compositeurs et couturiers.

ResMusica : Quel est votre parcours d'interprète et de chorégraphe ?

: J'ai été formé au CNSMDP puis à l'école de l'Opéra de Paris. Ensuite, je suis entré à l'Opéra de Florence et de Bordeaux, jusqu'au moment où j'ai intégré la compagnie de Maurice Béjart en 2002 ; j'ai eu la chance de travailler quatre ans avec lui. J'ai monté ma compagnie en 2006 à Caen, région dont je suis originaire. Elle est aujourd'hui basée à Toulouse et cela depuis 2015. Certains projets artistiques nous ont fait descendre petit à petit dans le Sud. Nous y avons trouvé des locaux magnifiques pour la danse. La compagnie, qui est référencée comme une compagnie de technique classique, fonctionne de façon complètement autonome et privée, par choix. Nous produisons beaucoup de spectacles nous mêmes, grâce à des producteurs privés qui nous soutiennent et font tourner la compagnie.

RM : Vos créations sont principalement des relectures de ballets classiques. Pourquoi avez-vous eu envie de vous intéresser à la vie d'Audrey Hepburn et en particulier à sa vocation manquée de ballerine ? Audrey Hepburn est-elle une héroïne de ballet ?

FM : Quelque part, oui. On m'a fait la réflexion qu'une de mes danseuses lui ressemblait énormément, et je m'en suis rendu compte moi-même. En étudiant sa vie et la façon dont elle l'avait gérée, avec beaucoup d'élégance, de malice, de beauté, j'ai trouvé que c'était très proche de la vision d'une danseuse. Qu'il s'agisse de ses choix de vie, de ses films, de ses chansons, de son apparence, beaucoup de choses s'apparentaient à la scène.

« Nous avons voulu faire un biopic pour la scène, car je voulais garder quelque chose de cinématographique dans le ballet. »

RM : Ce spectacle est-il un biopic ?

FM : Nous avons voulu faire un biopic pour la scène, car je voulais garder quelque chose de cinématographique dans le ballet. Le spectacle est construit comme un film, avec des séquences cinématographiques, qui interviennent sous forme de flash-back. Les sentiments d'Audrey forment le fil conducteur du spectacle.

RM : La vie d'Audrey Hepburn a-t-elle été difficile à transposer pour la scène ? Avez-vous écrit un argument détaillé ?

FM : J'ai été aidé par des personnes avec lesquelles nous avons travaillé sur sa vie de star. Nous avons aussi trouvé des écrits qui parlent d'elle dans sa vie privée. Cela nous a permis d'être connectés à d'autres moments de sa vie, publique ou plus intime, afin de faire toucher au public la manière dont la légende d'Audrey Hepburn évolue. Pourquoi bénéficie-t-elle encore de cet aura ? Pourquoi fascine-t-elle encore les jeunes générations ? Je souhaitais comprendre le cœur du mystère et le faire ressentir au cœur du ballet.
Pour moi-même et mon équipe, cela a demandé une année bien fournie d'écriture du projet et de montage du projet, puis deux à trois mois de répétition avec les danseurs, entrecoupés de tournée des autres spectacles.

RM : Quelle était votre envie en entourant ainsi le personnage principal ?

FM : Je me suis énormément appuyé sur la personnalité de mes danseurs, car c'est un projet important pour la compagnie. Je voulais qu'il n'y ait pas qu'une seule star, mais des personnages forts pour chacun de mes danseurs : le père, la mère, Hubert de Givenchy, Gene Kelly… Mon envie était de mettre en avant la personnalité de la compagnie, qui est une aventure de groupe. Le travail de corps de ballet est quelque chose de magique et permet de contraster et de valoriser les personnages. Nous serons 20 danseurs à Paris, dont 12 solistes qui tiennent des rôles importants.

RM : Quels sont les points clés de sa vie qui vous ont paru les plus chorégraphiques ? Comment les avez-vous traités ?

FM : Le rêve d'Audrey Hepburn de devenir ballerine a été un point de départ très important, car on s'aperçoit qu'elle a traité le reste de sa vie avec beaucoup d'élégance. Ensuite, les comédies musicales auxquelles elle a participé m'ont facilité les choses. Il y a aussi le rapport à la figure masculine, à commencer par l'absence du père. La question sous-jacente est : Comment peut-on se sentir seule quand on est adulé par tout Hollywood ? Comme elle a beaucoup voyagé à travers le monde, c'était très intéressant de trouver les courants musicaux et les musiques qui passaient à travers elle, comme Leonard Bernstein pour évoquer Hollywood ou contraster avec des musiques plus tristes. Alterner le côté coulisses et le côté scène était très intéressant à travailler chorégraphiquement. Je souhaitais marquer la différence entre ce qu'elle a voulu donner aux gens et sa souffrance muette quand elle était seule.

RM : Qui danse le rôle d'Audrey Hepburn ? Que recherchiez vous dans cette danseuse pour incarner ce rôle ?

FM : Il y a trois Audrey dans le spectacle : celle qui est à la maturité de sa vie, une danseuse avec qui je travaille depuis 20 ans () et qui a inspiré le spectacle. Pour permettre les flash back, il y a une Audrey jeune adolescente dans les années 40-50 et une autre Audrey de la période du cinéma (60-70) et chacune incarne un style d'Audrey : élégance pour l'une, fraîcheur pour l'autre, mutine et souriante pour la troisième. Il était intéressant d'avoir ces trois interprètes pour traiter toutes les facettes d'Audrey.

« Nous souhaitions que Dans les yeux d'Audrey reste un spectacle de danse et pas une pièce de théâtre. »

RM : A qui avez-vous confié les costumes et les décors ? Quelle en est l'intention créative ?

FM : Les costumes ont été confiés à Marie Maret. Il y avait une envie de trouver des costumes qui parlent, mais qui n'encombrent pas la danse non plus. Je voulais que cela fasse tout de suite référence à une époque d'Audrey. Évoquer cette élégance, ce chic et cette silhouette parfaite d'Audrey Hepburn, longiligne, jamais vulgaire, mais aussi très audacieuse (en pantalon, avec des chapeaux très importants).

Pour le décor, il fallait qu'avec un, deux ou trois éléments sur scène, ce soit suffisant pour faire comprendre à quelle époque nous étions. Sur chaque tableau, deux ou trois éléments de décor sont extrêmement parlants. Par exemple, une porte de bunker pour symboliser l'enfermement pendant la guerre. Cela été un choix de la production pour que Dans les yeux d'Audrey reste un spectacle de danse et pas une pièce de théâtre.

RM : Pour la musique, vous avez choisi de puiser dans un répertoire classique et de chansons, pour quelle raison ?

FM : J'ai essayé de prendre des musiques qui me semblaient cohérentes. Par exemple, la Valse noble et sentimentale de Ravel, car c'est ce qu'incarnait Audrey Hepburn. Deux œuvres de Schubert : une œuvre de musique de chambre, La jeune fille et la mort, pour le bunker et une musique symphonique de Schubert pour le moment où elle souhaite devenir ballerine. Nous avons aussi utilisé des musiques et chansons de film, comme Moon River, Edith Piaf ou Léo Ferré pour toute sa période parisienne et le Paris qu'elle a côtoyé. Du Gershwin, bien sûre, pour traiter toute la partie américaine des années 50. Enfin, la Valse triste de Sibelius pour quand elle se retrouve seule dans sa loge. J'ai fait en sorte que les œuvres soient multiples, cohérentes et parlantes.

Crédits photographiques : © E. Flaudrin

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