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À Prague, le rare Kleider machen Leute de Zemlinski

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Praha. Národní divadlo ; Státní opera. 7-IV-2024. Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Kleider machen Leute (Šaty dělají člověka), opéra comique en un prologue et deux actes sur un livret de Leo Feld, d’après le roman de Gottfried Keller. Mise en scene : Jetske Mijnssen. Décors : Herbert Murauer. Costumes : Julia Katharina Berndt. Lumières : Bernd Purkrabek. Chorégraphie : Dustin Klein. Dramaturgie : Jitka Slavíková. Avec : Joseph Dennis, Wenzel Strapinski ; Daniel Matoušek, Michal Marhold, Apprentis tailleurs ; Jaroslav Patočka, Administrateur ; Jana Sibera, Nettchen ; Markus Butter, Melchior Böhni ; Pavel Švingr, Adam Litumlei ; Sylva Čmugrová, Mrs. Litumlei ; Jan M. Hájek, Polykarpus Federspiel ; Stanislava Jirků, Mrs. Häberlein ; Jan Hnyk, Pütschli-Nievergelt ; Ivo Hrachovec, Lucie Svačinková, Aubergistes ; David Nykl, Cocher ; Kristina Kubová, Cuisinier ; Nenad Milanović, Sommelier ; Alžběta Frošová, Groom. Sbor Státní opery (chef de chœur : Adolf Melichar). Balet Opery Národního divadla. Orchestr Státní opery, direction musicale : Richard Hein

Remis à l'honneur grâce au festival Musica non grata de Prague, Kleider machen Leute permet de redécouvrir un ouvrage de Zemlinsky écrit juste après Der Traumgörge et revu juste avant Der Zwerg.


Lorsque le Státní opera (Opéra d'État) de Prague, l'une des trois salles lyriques du Národní divadlo (Théâtre National), a rouvert en 2020, l'un des principaux axes de répertoire annoncé a été celui d'une remise à jour des ouvrages du début du siècle passé. Dans le cadre du Festival Musica non Grata, prévu initialement pour s'achever après cinq années en 2023, avant d'être décalé pour cause de confinement, étaient présentés cette année 2024 Sancta Susana de Hindemith et Eine florentinische Tragödie de Zemlinsly lors d'une soirée concertante, en plus de l'opéra Kleider Machen Leute, dans une production de créée un an plus tôt.

L'opéra est écrit sur un livret de Leo Feld tiré du roman de Gottfried Keller, dont le titre se traduit littéralement par L'habit fait l'homme. En un prologue et deux actes durant un peu moins de deux heures, l'histoire se concentre sur le jeune tailleur Wenzel Strapinski, dont l'arrivée à Goldach en haut-de-forme et grand manteau va créer un quiproquo. Induite en erreur par le cocher quant au fait que le tailleur serait un comte polonais voyageant incognito, la population lui fait alors les plus grands honneurs et le sert grassement, tandis que la belle Nettchen s'en éprend, au risque de rendre jaloux Böhni, son prétendant. Évidemment, la supercherie sera découverte, mais l'amour étant le plus fort, puisque l'opéra est comique, Nettchen acceptera finalement de rester avec lui, et devenir femme de tailleur, à défaut de comtesse.


Loin d'être un chef-d'œuvre par son livret trop confus et sans assez de scènes comiques pour concurrencer les célèbres titres de Mozart ou Donizetti, l'ouvrage n'en reste pas moins intéressant par sa partition symphonique, pleine des couleurs si identifiables à Zemlinski. Après avoir écrit une première version pour le Volksoper Wien en 1910, il en retouche la partition en profondeur pour une seconde version qu'il dirige lui-même le 20 avril 1922, à Prague où il est alors directeur musical du Neues Deutsches Theater – depuis devenu Státní Opera. Recréé un mois seulement avant la première de Der Zwerg (Le Nain), Kleider machen Leute est aujourd'hui extrêmement rare au répertoire, mais profite donc un siècle plus tard d'un retour dans la salle qui a vu naître sa deuxième version, pour cette reprise sous la direction appliquée de , devant un Orchestr Státní opery supérieur autant dans le volume de ses cordes et les coloris de ses bois que dans la justesse de ses cuivres.

Sur scène, un gros mur blanc en demi-cercle (les décors sont d'Herbert Murauer) empêche la distribution de bouger, avant de disparaître en fin de représentation. Mais si cela limite certains effets comiques, le fait que tous tournent toujours autour du bloc central apporte une agréable dynamique et ne donne pas de répit à l'action. Chanté par une distribution homogène et vive, le livret profite également de l'énergie du chœur maison (Sbor Státní opery) préparé comme l'avant-veille au Rudolfinum par Adolf Melichar, ainsi que de certaines interventions du ballet (Balet Opery Národního divadla) chorégraphié par Dustin Klein. Fait d'une vingtaine de rôles, le livret met surtout en avant le tailleur Wenzel Strapinski, qui bénéficie de la qualité du chant autant que de l'engagement scénique du ténor américain , au demeurant bien compréhensible en allemand. Sa Nettchen a le plus bel air de l'opéra, d'après un poème de Heine en début d'Acte II, auquel la soprano procure une belle clarté. Pour le reste et sans pouvoir parler de grands rôles, il faut aussi remarquer la prestance de la basse David Nykl en cocher, l'amusant aubergiste d'Ivo Hrachovec et le plus aigre Böhni du baryton , lui aussi parfait dans la précision du texte.

Sans être un ouvrage incontournable, Kleider machen Leute permet de mettre en lumière une part beaucoup moins identifiée d'un compositeur injustement mort sans reconnaissance, après avoir dû s'exiler à New-York pour éviter l'oppression nazie, et dont le nom a dû attendre presque un demi-siècle pour que certaines partitions l'installent depuis comme l'un des génies du romantisme.

Crédits photographiques : © narodni-divadlo.cz / Serghei Gherciu

Modifié le 15/04/2024 à 10h43

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Praha. Národní divadlo ; Státní opera. 7-IV-2024. Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Kleider machen Leute (Šaty dělají člověka), opéra comique en un prologue et deux actes sur un livret de Leo Feld, d’après le roman de Gottfried Keller. Mise en scene : Jetske Mijnssen. Décors : Herbert Murauer. Costumes : Julia Katharina Berndt. Lumières : Bernd Purkrabek. Chorégraphie : Dustin Klein. Dramaturgie : Jitka Slavíková. Avec : Joseph Dennis, Wenzel Strapinski ; Daniel Matoušek, Michal Marhold, Apprentis tailleurs ; Jaroslav Patočka, Administrateur ; Jana Sibera, Nettchen ; Markus Butter, Melchior Böhni ; Pavel Švingr, Adam Litumlei ; Sylva Čmugrová, Mrs. Litumlei ; Jan M. Hájek, Polykarpus Federspiel ; Stanislava Jirků, Mrs. Häberlein ; Jan Hnyk, Pütschli-Nievergelt ; Ivo Hrachovec, Lucie Svačinková, Aubergistes ; David Nykl, Cocher ; Kristina Kubová, Cuisinier ; Nenad Milanović, Sommelier ; Alžběta Frošová, Groom. Sbor Státní opery (chef de chœur : Adolf Melichar). Balet Opery Národního divadla. Orchestr Státní opery, direction musicale : Richard Hein

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