Orgue et percussions à l’Auditorium de Radio France
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Paris. Auditorium de Radio France. 6-IV-2024. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille et thème fugué BWV 582 pour orgue ; Concerto pour deux claviers BWV 1060, pour orgue et marimba (arrangement d’Adelaïde Ferrière) ; Thomas Lacôte (né en 1982) : La Nuit sera calme, pour percussion et orgue ; Betsy Jolas (née en 1926) : Musique de jour, pour orgue ; Michael Jarrell (né en 1958) : Assonance VII, pour percussions ; Rikako Watanabe (née en 1964) : Racines du vent, pour percussions et orgue (CM). Adelaïde Ferrière, percussions ; François Espinasse, orgue
L'association est encore rare : la percussionniste Adelaïde Ferrière rencontre l'organiste François Espinasse à l'Auditorium de Radio France lors d'un concert courant de Bach à nos jours où se croisent œuvres originales, transcriptions et création mondiale.
La console de l'orgue Grenzing est sur le plateau, cernée par trois sets de percussions et un marimba d'orchestre en fond de scène. L'entrée en matière est rien moins qu'imposante avec la Passacaille et thème fugué BWV 582 en do mineur de Johann Sebastian Bach, invitant sur le devant de la scène François Espinasse, co-titulaire des orgues de l'église Saint-Séverin à Paris. L'œuvre est construite sur la répétition d'une basse obstinée exposée au pédalier. Elle fait sonner l'instrument dans sa plénitude, François Espinasse amenant sans faillir cette écriture éminemment contrainte jusqu'à la fugue finale qui magnifie l'édifice architectural.
Du monumental aux arcanes de la matière, le contraste avec la pièce de Thomas Lacôte, La nuit sera calme (2018) pour orgue et percussions, ne pouvait être plus saisissant ! Compositeur et organiste, co-titulaire de l'église de la Sainte-Trinité, Lacôte est un alchimiste du timbre, pensant son instrument en terme de générateur de sons complexes et de couleurs. Il explore avec finesse dans sa partition l'interaction (les mixtures) des deux sources instrumentales, nous invitant à une écoute aiguë du phénomène sonore : côté percussions, on note la prédominance des métaux dans leurs registres divers (cymbales, cloche, gong et tam profond) qu'Adelaïde Ferrière met en résonance plus qu'elle ne percute. Côté claviers, les sons tenus de l'organiste s'inscrivent dans cette résonance, la prolongent et l'enrichissent : jeux de gambe, voix humaine et voix céleste, hautbois et bourdons, précise le compositeur quant à la registration. Aux battements générés par les notes tenues de l'orgue répond le roulement doux des blocs de bois sous les baguettes. La cymbale tournante en fin de parcours dessine ses sons en spirale et ouvre un espace plus éthéré où le souffle et la matière (orgue et percussions) ne font plus qu'un.
Virtuose de son instrument et musicienne jusqu'au bout de ses baguettes, Adélaïde Ferrière est attachée au marimba sur lequel elle peut aborder un large répertoire. Elle a conçu elle-même un arrangement du Concerto pour deux claviers BWV 1060 de Bach pour l'orgue et le marimba : un duo qui nous laisse plus perplexe quant à l'équilibre et la fusion des deux sonorités. Fallait-il, dans l'acoustique un brin sèche de l'Auditorium, prévoir une légère amplification du marimba, placé en fond de scène loin de son partenaire, ou alors chercher sur le Grenzing une registration ad hoc qui tende vers l'acuité de l'attaque de la baguette sur la lame de bois et la synergie attendue des deux instruments ?
Betsy Jolas, notre doyenne de la musique contemporaine, est, à 97 ans, dans les rangs du public pour entendre sa pièce pour orgue Musique de jour qui débute la seconde partie du concert. L'œuvre est composée en 1975 à l'adresse de Bernard Foccroulle. Sous les doigts de François Espinasse, la musique projette l'image d'un vitrail coloré à travers lequel passe la lumière. Jeu de registres et de notes tenues qui convergent en un nœud de dissonances auquel participe le pédalier avant que la tension ne se relâche. La coda espiègle, sous les pieds de l'organiste, assume sa dimension théâtrale !
Adelaïde Ferrière est seule en scène pour Assonance VII (1992) de Michael Jarrell. Avec ses tams et gongs en suspension, le set de percussions est luxuriant et l'écriture tout en nuances, s'inscrivant dans un temps long et lisse : éloge du timbre et du geste, entre puissance et effleurement, qu'exerce l'interprète avec une grâce, une souplesse et une sensualité qui enchantent cette quête hédoniste du son et de la résonance.
Les deux interprètes sont de nouveau réunis pour la dernière pièce, donnée en création mondiale, Racines du vent, de Rikako Watanabe. La compositrice qui vit en France depuis une trentaine d'années se nourrit de ses origines japonaises, puisant dans l'histoire de la mythologie du Pays du Soleil levant et empruntant aux échelles et mélodies de sa terre natale. Les sonnailles confiées à l'organiste rythment les moments du rituel. La partie soliste de marimba laisse apprécier, mieux encore que dans le Concerto de Bach, le jeu fluide et rayonnant d'Adélaïde Ferrière. Sa mélodie au vibraphone sur la texture sombre de l'orgue est un des beaux moments de l'œuvre, tout comme l'énergie déployée sur la peau tendue de la grosse caisse et les claviers de l'orgue dans la danse véhémente qui termine la pièce.
Attendrissante, la petite valse d'André Isoir jouée en bis par nos deux interprètes (orgue et vibraphone) ne manque pas de charme et de finesse.
Crédit photographique : © Radio France
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